Conférence de Paris du 8 et 9 novembre 2025

La jeunesse du monde s’unit pour l’émancipation et la paix

lundi 1er décembre 2025, par Sébastien Périmony

De gauche à droite : Odile Mojon, Zanobita Maganga, Helga Zepp-LaRouche et Sébastien Périmony.

La jeunesse du monde s’unit pour l’émancipation et la paix

par Sébastien Périmony, responsable Afrique de l’Institut Schiller.

Le week-end du 8 au 10 novembre, Solidarité & Progrès et ses amis de l’Institut Schiller ont organisé trois jours de conférence, de formation et de mobilisation dans la capitale parisienne. C’est dans ce cadre qu’une session était consacrée à la jeunesse africaine.

Comme l’a rapporté Cloche Media Monde, un journal du Togo et du Bénin qui a couvert l’événement :

« La nouvelle génération africaine fait entendre sa voix. Une voix claire, déterminée, décidée à prendre part aux grands débats qui façonnent l’avenir du continent et du monde. Lors du panel consacré à la jeunesse africaine engagée pour la paix, des jeunes venus d’Afrique du Sud, de Côte d’Ivoire, de la République démocratique du Congo, du Niger et de Guinée équatoriale ont partagé leurs analyses, leurs inquiétudes… mais surtout leur vision. »

Pour commencer en beauté, la chorale de l’Institut Schiller a interprété un arrangement à quatre voix de « Nkosi Sikelel’ Afrika » (Dieu bénisse l’Afrique), l’hymne de plusieurs mouvements de libération panafricains, avant d’être adopté comme hymne national par plusieurs pays comme la Zambie, la Tanzanie, le Zimbabwe et la Namibie au moment de leur proclamation d’indépendance, ainsi que par la République d’Afrique du Sud.

Le thème de cette session était : « L’émancipation de l’Afrique et de la majorité mondiale, un défi pour l’Europe ».

Dans son intervention préliminaire, la présidente de l’Institut Schiller, Helga Zepp-Larouche, a insisté sur la nécessité de faire revivre la pensée du cardinal Nicolas de Cues sur la « coïncidence des opposés » afin de déjouer la mise en place d’un monde orwellien, dans lequel le ministère de la Torture s’appelle le ministère de l’Amour, le ministère du Mensonge et de la Propagande, ministère de la Vérité, et le ministère de la Gestion de la Famine, ministère de l’Abondance ! En écho à nos belles démocraties occidentales, qui défendent les droits de l’homme et la bonne gouvernance en pillant l’Afrique, détruisant le Moyen-Orient et en nous préparant à devoir « sacrifier nos enfants » dans une guerre mondiale contre la Russie et la Chine.

L’esprit de Nicolas de Cues fut donc très présent à travers les différentes interventions qui ont suivi ce propos liminaire : un panafricaniste nigérien de l’Alliance des États du Sahel (Niger, Burkina-Faso et Mali), une ministre en exercice et une opposante et activiste pour la paix, une docteure en relations internationales et sinologue, un autre professeur de relations internationales et enfin un membre de l’Institut Schiller. Anglophones, francophones et hispanophones ont ainsi uni leurs voix pour faire taire, ad vitam aeternam, la politique impérialiste du diviser pour mieux régner.

Le progrès scientifique et technologique

D’abord par le progrès scientifique et technologique, comme l’a affirmé Princy Mthombeni, citoyenne sud-africaine et fondatrice de l’organisation Africa4Nuclear (L’Afrique pour le nucléaire). Elle a commencé son discours intitulé « L’Afrique doit atteindre la masse critique » par ces mots :

« Même si je ne peux pas être présente en personne, il me semble symbolique de me connecter depuis une partie du monde qui lutte encore pour sa sécurité énergétique à une autre qui la maîtrise depuis longtemps. »

En effet, « dans le monde nucléaire, lorsqu’un réacteur atteint la masse critique, cela signifie qu’il a atteint une réaction en chaîne auto-entretenue : l’énergie circule, le système est vivant... Et c’est exactement ce que je souhaite pour l’Afrique : que nos nations atteignent la masse critique. Atteindre ce point d’autosuffisance où notre croissance, notre innovation et notre progrès sont alimentés par nos propres capacités, et non par une autorisation extérieure ou une énergie importée ».

« Que signifie l’émancipation de l’Afrique pour l’Europe ? Cela signifie la confiance. Le partenariat. Le respect. Et soyons clairs : cette génération de jeunes Africains ne tolérera pas une nouvelle forme de colonialisme, même si celui-ci se présente sous la forme d’accords sur les énergies vertes. Ils sont éveillés, informés et déterminés à faire en sorte que l’avenir énergétique de l’Afrique soit alimenté par l’équité. Cela signifie passer de l’aide à l’alliance, passer d’une vision de l’Afrique comme bénéficiaire à une vision de l’Afrique comme co-architecte de l’avenir », a-t-elle déclaré.

Rappelons que l’énergie n’est pas seulement l’électricité, c’est le moteur du développement. Sans énergie fiable, aucun pays ne peut s’industrialiser. Pas d’usines, pas d’hôpitaux, pas d’innovation. Et pas de dignité. Aujourd’hui, plus de 600 millions d’Africains vivent encore sans électricité. Cela signifie 600 millions de rêves, 600 millions d’idées inexploitées, 600 millions d’avenirs qui attendent d’être illuminés.

Princy a conclu ainsi :

« C’est pourquoi je me bats pour la souveraineté énergétique, car aucune nation ne peut être libre si elle ne peut subvenir à ses propres besoins énergétiques. »

La coopération multilatérale

Ensuite par la coopération multilatérale, ainsi que l’a présenté N’godo Filomene Ebi, sinologue et docteure en relations internationales contemporaines au département d’histoire de l’université Alassane Ouattara de Bouaké, en Côte d’Ivoire.

Après avoir rappelé que jusqu’au début du XXe siècle, les grands projets en Côte d’Ivoire étaient entre les mains des puissances occidentales, principalement la France, elle a fait remarquer qu’entre 1994 et 2024, de plus en plus de grands projets de développement ont été menés par la Chine, tels que le palais de la culture d’Abidjan, l’autoroute Abidjan-Bassam et le barrage hydroélectrique de Soubré, une centrale hydroélectrique de 275 MW, qui a été inaugurée en 2017. À l’époque, ce barrage était la plus grande source d’hydroélectricité de Côte d’Ivoire. La Chine travaille également sur des projets prévus et en cours, tels que le barrage hydroélectrique de Gribo-Popoli, un projet visant à améliorer l’approvisionnement en eau potable de 12 villes, et la construction du quatrième pont d’Abidjan, désormais achevé. Ces projets témoignent du rôle important que joue la Chine en Côte d’Ivoire, comme dans de nombreux pays africains, en aidant et en co-dirigeant leur développement.

L’éducation de la jeunesse

C’est aussi par l’éducation de la jeunesse, avec Dora Muanda, conseillère en innovation pédagogique et évaluation de la ministre de l’Éducation et de la nouvelle citoyenneté de la République démocratique du Congo (RDC), Raïssa Malu Dinanga.

Elle a présenté un aperçu de certaines des réformes actuellement entreprises par ce ministère, qu’elle a qualifiées d’« historiques, pour lesquelles notre pays s’est engagé depuis juin 2024, et qui sont fondées sur une conviction simple mais puissante : pour transformer la nation, il faut d’abord transformer son système éducatif. »

Et ce par le biais d’une « Stratégie sectorielle de l’Éducation et de la Formation », d’un « Plan quinquennal que nous avons élaboré pour 2024-2029 » et enfin de l’adoption d’une « Politique nationale de formation continue des enseignant(e)s du secondaire (PNFCES 2025-2029), qui consacre la formation continue comme un droit et un devoir. Cette politique relie la formation à la progression de carrière, harmonise les pratiques et renforce la qualité des apprentissages à tous les niveaux. Elle fait de l’enseignant non seulement le pilier du système, mais aussi le premier acteur du changement. ».

Sans nier la situation présente de la RDC, Mme Muanda a conclu : « Même dans l’épreuve, face aux blessures de la guerre et à la fragilité de la paix, c’est par l’éducation, la connaissance et la créativité que notre nation veut construire durablement la paix et l’avenir. »

Par la révolte

Mais la révolte est nécessaire quand les crimes contre l’humanité perdurent dans l’indifférence générale. C’est le cas au Congo, avec l’invasion du Rwanda qui dure depuis les années 90. Avec ses 10 millions de morts et 500 000 femmes violées avant d’être tout simplement abattues !

C’est le cas de Zenobita Manganga, qui, elle, a pu s’en sortir. Militante pour la paix, originaire de RDC, elle a décrit les horreurs de la guerre qui sévit actuellement dans ce pays. Au cours de cette guerre, elle a elle-même été violée, ainsi que sa grand-mère avec qui elle vivait. Elle a vu sa mère de 28 ans se faire tuer sous ses yeux, puis son père, militaire, également tué dans cette guerre d’invasion. Pour elle, cette guerre est imputable à Paul Kagame, le président du Rwanda, qui soutient le groupe rebelle M23, en lutte contre la RDC. Cette guerre, a-t-elle déclaré, comme celles menées au Soudan et en Palestine, doit cesser car elle a détruit sa vie. « La paix et la justice » doivent être rétablies. Zenobita a su transformer sa colère en bonté, et bien qu’ayant subi toutes les horreurs de la guerre, elle appelle à la paix.

« Il était temps, a-t-elle déclaré lors de son intervention, que tout le monde s’engage, pas seulement pour ce qui se passe au Congo, mais aussi au Soudan et en Palestine. Cette guerre a détruit ma vie, ma famille, a tout détruit de moi et aujourd’hui encore je continue à perdre les mieux. Il était temps que l’on s’unisse tous pour être dans le camp de la justice et de la paix. »

En sortant du néocolonialisme

Chekaraou Halidou Namaiwa, panafricaniste nigérien, a évoqué la mobilisation de la jeunesse africaine contre la colonisation et la façon dont, 65 ans plus tard, l’esprit patriotique recommence à émerger parmi ces jeunes, qui ont pris conscience que leur survie immédiate dépend de l’avenir de l’Afrique. Il a ainsi posé le paradoxe suivant :

« Je fais ce parallèle pour vous ramener en 2011, lorsque l’OTAN a décidé d’envahir la Libye et de détruire ce pays exemplaire dans le cadre de son projet malheureux du Printemps arabe. Pour nos pays du Sahel, je dirais que le Niger, le Burkina Faso et le Mali en ont payé le prix et qu’aujourd’hui, 10 ans après, nous vivons dans l’insécurité liée au terrorisme. Ce que la jeunesse ne comprend pas, c’est que des partenaires disposant d’importants moyens en matière de sécurité se retrouvent sur notre territoire, mais ne font malheureusement rien. Les questions sécuritaires ne cessent de s’aggraver, c’est ce qui pousse les jeunes à se poser des questions et à s’engager. À un moment donné, ils ont demandé à nos autorités de simplement dire aux bases militaires françaises qui se trouvaient sur notre territoire de faire leurs valises. »

Il a aussi expliqué que si les jeunes des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) soutiennent aujourd’hui les militaires au pouvoir, c’est parce qu’ils partagent cet esprit d’indépendance pour leur pays et leur objectif d’en finir avec le néocolonialisme.

Par une éducation morale

Mariano Nguema Esono Medja, professeur de relations internationales à l’Université nationale de Guinée équatoriale, a évoqué à son tour la nécessité de comprendre le défi de la paix en Afrique afin qu’elle règne partout. Le problème, selon lui, réside dans l’absence d’une culture de la paix, c’est pourquoi nous devons éduquer les jeunes dans cet esprit :

« Les étudiants doivent être éduqués non seulement sur le plan technique, mais aussi aux valeurs humaines, afin que les questions fondamentales que nous soulevons jour après jour puissent être abordées avec humanité, en sachant pertinemment que, dans le contexte actuel, les problèmes de paix et d’émancipation ne concernent plus seulement l’Afrique, mais le monde entier. Car si l’Afrique n’est pas émancipée et en paix, le monde ne connaîtra jamais la paix, car les Africains seront contraints de partir et d’aller ailleurs, créant ainsi d’autres problèmes du fait de leur fuite de leurs pays. »

En concluant par ce bel adage : « Comme nous le disons en Guinée équatoriale, ‘on est le reflet de ce que l’on donne’, et par conséquent, le monde est le reflet des êtres humains qui y vivent. » En somme, le mal n’est que l’absence de bien.

En élargissant le débat

La dernière intervenante, Odile Mojon, représentante de l’Institut Schiller (France), a retracé le processus du génocide israélien contre les Palestiniens et montré pourquoi ce génocide ne fait plus aucun doute.

Elle a expliqué que la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud et la capacité à renouer avec cette lutte sont à l’opposé de ce qui se passe en Palestine, où l’on ne voit pas de véritable désir de paix. Cela est illustré par le fait que les Palestiniens n’ont pas été invités à participer aux pourparlers de cessez-le-feu menés par le président américain Donald Trump.

Mais aujourd’hui, on assiste à une remise en question, comme en témoigne le fait que 60 % des Américains affirment qu’Israël commet un génocide et que le soutien à Israël s’effondre. Il existe donc un potentiel de victoire contre le mal, dans lequel le Plan Oasis, proposé par Lyndon LaRouche depuis 1975, pourra jouer son rôle fondamental.

Enfin la jeunesse du monde entier se lève pour l’émancipation et pour la paix, qu’attendez-vous pour la rejoindre ?