Conférence de Paris du 8 et 9 novembre 2025

Zenobita Maganga : s’émanciper de la guerre

jeudi 27 novembre 2025

Intervention de Zenobita Maganga, militante pour la paix, République démocratique du Congo (RDC), lors de la conférence organisée par S&P et l’Institut Schiller à Paris, les 8 et 9 novembre 2025.

Bonsoir à tous,

Je m’appelle Zenobita et je voudrais d’abord remercier l’Institut Schiller de m’avoir donné cette opportunité de m’exprimer devant vous.

Pour commencer, je tiens à m’excuser parce que je ne suis pas spécialiste de la guerre. Je ne sais pas parler autrement, je parle avec mon cœur, avec mes tripes, parce que la situation que je vais vous présenter me touche personnellement.

Je vais vous parler de la guerre au Congo, cette guerre oubliée. Cela fait maintenant plus de trente ans que notre pays a sombré dans le chaos, un chaos dont moi-même je suis victime.

Depuis plus de trente ans, depuis que les États-Unis ont décidé de chasser Mobutu du pouvoir et d’installer Paul Kagamé à la tête du Rwanda, notre pays est en train de sombrer. Aux yeux de tout le monde, avec l’omerta que je ne peux expliquer parce qu’on ne parle pas assez des millions de morts.

J’en suis moi-même victime car j’ai perdu ma mère, qui a été assassinée devant moi, elle avait 28 ans. Mon père aussi a succombé dans cette même guerre, car il était militaire et combattait contre toutes ces atrocités imposées par les pays occidentaux, qui prétendent défendre la démocratie et les droits de l’homme, mais qui ferment les yeux sur les atrocités commises par Paul Kagamé et Yoweri Museveni, de l’Ouganda.

Aujourd’hui je prends la parole devant vous, et je vois qu’il y a pas mal de jeunes ici. J’aimerais m’adresser à tout le monde, en particulier à vous la jeunesse : je pense que nous devons nous engager par rapport à ce qui se passe dans le monde. Nous avons une responsabilité et une mission à remplir.

Comme le disait Frantz Fanon [1] :

« Chaque génération, dans une relative opacité, doit décider de remplir sa mission ou de la trahir. »

Je pense que nous sommes cette génération, cette jeunesse, qui doit remplir sa mission. Et notre mission à nous, c’est d’empêcher cette guerre mondiale qui est presque à notre porte. Il est temps que tout le monde s’engage concernant ce qui se passe dans le monde, pas seulement au Congo.

Aujourd’hui vous voyez ce qui se passe au Soudan, en Palestine, chez nous en République démocratique du Congo. Croyez-moi, ça n’arrive pas qu’aux autres. Cela va faire plus de cinq ans que je suis arrivée en France et je n’aurais jamais pu imaginer voir ce que je vois aujourd’hui. Cela fait plus de 30 ans que je le vois, et mon pays continue de sombrer. Il est temps que les pays occidentaux, que l’opinion publique s’engagent aux côtés du peuple congolais, parce que cela a trop duré.

Il est temps que ça cesse. Moi qui vous parle, cette guerre a détruit ma vie, ma famille, a tout détruit de moi et encore aujourd’hui, je continue à perdre les miens.

Il n’est pas question de choisir un camp ou de prendre position, mais il était temps pour nous tous de nous unir et d’être dans le même camp, celui de la justice et de la paix. Car je suis de ceux qui pensent que nous pouvons vivre ensemble et partager sans armes. Il était temps que le monde s’engage pour la paix et la justice, car ces guerres ne bénéficient pas à nous, le petit peuple. Ce sont les puissants, les milliardaires, le système impérialiste et capitaliste qui décident de semer le chaos dans le monde pour faire souffrir nos pays. Notre peuple et vous-mêmes, y compris parce que je ne pense pas que quand la France ou les pays capitalistes imposent la guerre dans des pays du tiers monde, cela bénéficie au peuple français ou à ces peuples de l’Occident. Il était temps que les peuples de l’Amérique, de la France et de partout dans le monde se mettent ensemble, avec le peuple de ces pays qu’on appelle le tiers monde, pour dire non à votre système impérialiste et capitaliste. Car le capitalisme, c’est la guerre. Il était temps que le monde entier se mette ensemble, les peuples et surtout cette jeunesse, car nous voyons notre monde sombrer.

Ça va faire des années que je vis dans cette guerre-là. Je garde espoir, je suis une femme et je me dis : est-ce encore possible de me reconstruire, est-ce possible de faire des enfants dans ce monde qui sombre dans la guerre, les inégalités, les injustices partout ? Et d’un autre côté, je vois que certaines personnes suivent les va-t-en guerre. Je pense que nous devons changer nos positions.

Nous devons choisir le camp de la justice et de la paix, car c’est possible de vivre ensemble, de partager sans les armes. J’y crois, je reste optimiste, et je suis très engagée concernant la paix, car ce qui se passe dans le monde, et pas seulement dans mon pays, ça me concerne directement. Cette guerre m’a volé ma jeunesse, cette guerre m’a volé ma grand-mère que j’aimais tant. Elle était l’amour de ma vie et depuis qu’elle est partie, d’ailleurs, je ne me sens jamais aimée, pour vous dire combien la guerre est violente. Il était temps pour le monde entier, que tu sois de gauche, de droite, du nord, du sud, de l’est, de se mettre ensemble et d’avoir un même langage, de décider pour notre avenir, de notre paix. Personne ne le fera à notre place.

Ceux qui organisent ces guerres dans le monde, ils ne sont pas là pour nous, ils travaillent pour leurs biens, pour leurs intérêts, pour de l’argent.

C’est à nous de nous mettre ensemble, aux peuples, à l’opinion publique internationale de s’organiser, de dire stop à vos pays, car ce sont vos pays occidentaux qui organisent des guerres partout dans le monde et ce, depuis des siècles, car ça n’a pas commencé aujourd’hui.

Il était temps, pour l’opinion publique du monde entier et l’Occident, de se mettre ensemble et de dire stop à votre système de guerre, à votre système de violence, de pillage et d’exploitation. Car c’est à cause de cela que nous voyons le Soudan se déchirer, le Congo se déchirer. La Palestine est partout dans le monde. Il était temps de prendre position et cette position est celle de la paix et de la justice.

C’est possible.

Je vous remercie.


[1Dans son ouvrage Les damnés de la terre, publié en 1961.