Intervention de Princy Mthombeni, fondatrice d’Africa4Nuclear, lors de la conférence organisée par S&P et l’Institut Schiller à Paris, les 8 et 9 novembre 2025.
L’Afrique doit atteindre la masse critique
Bonjour chers invités, collègues et amis,
Je m’appelle Princess Mthombeni, mais la plupart des gens m’appellent Princy — et oui, c’est aussi ainsi que vous me trouverez sur les réseaux sociaux.
C’est un véritable honneur de me joindre à vous virtuellement depuis l’Afrique du Sud ensoleillée et de participer à cette importante conversation qui se déroule à Paris, une ville dont les lumières ne s’éteignent presque jamais, alimentée en grande partie par l’énergie nucléaire.
Même si je ne peux pas être présente en personne, il me semble symbolique de me connecter depuis une partie du monde qui lutte encore pour sa sécurité énergétique à une autre qui la maîtrise depuis longtemps.
Je suis née et j’ai grandi dans le village de Nquthu, dans la province du KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud. Quand j’étais enfant, nous n’avions ni électricité, ni eau courante, et rien ne laissait imaginer qu’une fille de là-bas parlerait un jour de l’énergie nucléaire lors d’une conférence à Paris.
Ainsi, lorsque je parle d’énergie, je ne parle pas d’un point de vue théorique, mais d’après mon expérience et mes souvenirs.
L’Afrique passe au nucléaire
Le titre de mon discours d’aujourd’hui est « L’Afrique doit atteindre la masse critique ».
Dans le monde nucléaire, lorsqu’un réacteur atteint la masse critique, cela signifie qu’il a atteint une réaction en chaîne auto-entretenue : l’énergie circule, le système est vivant.
Paris, et en fait une grande partie de la France, bénéficient aujourd’hui de cette lumière parce que vos réacteurs nucléaires sont devenus critiques il y a plusieurs décennies.
Et c’est exactement ce que je souhaite pour l’Afrique : que nos nations atteignent la masse critique.
Atteindre ce point d’autosuffisance où notre croissance, notre innovation et notre progrès sont alimentés par nos propres capacités, et non par une autorisation extérieure ou une énergie empruntée.
L’énergie, fondement de l’émancipation
L’énergie n’est pas seulement l’électricité, c’est le moteur du développement. Sans énergie fiable, aucun pays ne peut s’industrialiser. Pas d’usines. Pas d’hôpitaux. Pas d’innovation. Et malheureusement, pas de dignité.
Aujourd’hui, plus de 600 millions d’Africains vivent encore sans électricité. Cela signifie 600 millions de rêves, 600 millions d’idées inexploitées, 600 millions d’avenirs qui attendent d’être illuminés.
C’est pourquoi je me bats pour la souveraineté énergétique, car aucune nation ne peut être libre si elle ne peut subvenir à ses propres besoins énergétiques.
Et pour l’Afrique, l’énergie nucléaire offre cette voie : fiable, propre et capable de transformer non seulement les économies, mais aussi les vies.
De la pauvreté énergétique à la justice énergétique
Pour moi, la justice énergétique est la justice humaine.
C’est la conviction que chaque enfant africain mérite la dignité de la lumière, non pas comme un luxe mais comme un droit inaliénable.
Et cette justice exige de l’honnêteté.
Si l’Europe et l’Occident se sont industrialisés grâce au charbon, à l’hydroélectricité, au gaz et au nucléaire, comment peut-on demander à l’Afrique de ne compter que sur des énergies renouvelables intermittentes ?
Lorsque les conditions de financement ou les programmes d’aide limitent les choix de l’Afrique, il ne s’agit plus du climat, mais de contrôle.
La véritable justice consiste à donner à l’Afrique accès à la même gamme de technologies qui ont alimenté la prospérité de l’Europe, y compris le nucléaire.
Cela signifie la confiance. Le partenariat. Le respect.
Et soyons clairs : cette génération de jeunes Africains ne tolérera pas une nouvelle forme de colonialisme, même si celui-ci se présente sous la forme d’accords sur les énergies vertes.
Ils sont éveillés, informés et déterminés à faire en sorte que l’avenir énergétique de l’Afrique soit alimenté par l’équité et non par des engrenages.
Un appel à l’Europe : du patronage au partenariat
Cette conférence pose la question suivante : que signifie l’émancipation de l’Afrique pour l’Europe ?
Et ma réponse est la suivante : cela signifie repenser la relation.
Cela signifie passer de l’aide à l’alliance, passer de la perception de l’Afrique comme bénéficiaire à sa reconnaissance comme co-architecte de l’avenir.
L’Europe peut jouer un rôle transformateur, non pas en prêchant, mais en établissant des partenariats.
- En investissant dans la recherche et le développement nucléaires africains.
- En soutenant les centres de formation régionaux et la fabrication locale.
- En créant des instruments de financement équitables qui permettent aux pays africains de construire et d’exploiter leurs propres réacteurs de manière sûre et durable.
Nous ne demandons pas la permission. Nous demandons la parité. Pas de la charité, mais une collaboration.
Car le partenariat ne consiste pas à déterminer qui donne et qui reçoit, mais qui construit ensemble.
Le réveil nucléaire de l’Afrique
Lorsque j’ai fondé Africa4Nuclear, mon rêve était de montrer que l’énergie nucléaire en Afrique ne se résume pas à des centrales électriques, mais qu’elle représente aussi des possibilités.
Partout sur le continent, je vois de jeunes ingénieurs, scientifiques et innovateurs prêts à mener cette transformation, à concevoir des réacteurs, à développer la médecine nucléaire et à créer des chaînes de valeur locales.
Imaginez une Afrique où l’uranium alimente le progrès, et non la politique.
Où la médecine nucléaire sauve des vies. Où de petits réacteurs modulaires alimentent en énergie des industries et des communautés éloignées du réseau électrique.
C’est l’Afrique que je vois, l’Afrique qui commence à atteindre cette masse critique.
En conclusion, je voudrais dire :
L’Europe peut participer à la renaissance de l’Afrique, non pas en tant que donateur, mais en tant que partenaire.
Ensemble, nous pouvons ouvrir une nouvelle ère de coopération, fondée sur la science, la souveraineté et l’humanité commune.
Car lorsque l’Afrique atteindra sa masse critique, elle n’illuminera pas seulement notre continent, elle dynamisera le monde entier.
Merci.


