L’histoire universelle ne doit pas se terminer en tragédie

jeudi 15 septembre 2022, par Helga Zepp-LaRouche

Discours d’ouverture de Helga Zepp-LaRouche, fondatrice et présidente internationale de l’Institut Schiller, lors de la conférence du 10 et 11 septembre 2022.

L’histoire universelle ne doit pas se terminer en tragédie

Par Helga Zepp-LaRouche, fondatrice et présidente internationale de l’Institut Schiller

Helga Zepp-LaRouche.

Je vais aborder le thème suivant : l’histoire universelle ne doit pas se terminer en tragédie. Qui pourrait encore nier que nous sommes confrontés au moment le plus dangereux de l’histoire et de tous les temps ? Permettez-moi de le dire d’emblée avec force : cette crise sans précédent, aux multiples facettes, est entièrement le résultat de politiques erronées. Elle peut donc être corrigée, à condition que la volonté politique pour le faire se manifeste. Mobiliser cette volonté politique est l’objectif de cette conférence, qui commémore le 100e anniversaire de la naissance de mon mari, Lyndon LaRouche (1922-2019).

Nous sommes confrontés au danger imminent que la situation stratégique devienne incontrôlable et nous conduise à une troisième guerre mondiale qui sera thermonucléaire. C’est une situation plus dangereuse qu’aux pires moments de la crise des missiles de Cuba et qui, si on en arrive là, conduirait à l’anéantissement de l’humanité dans un hiver nucléaire, et il n’y aurait même plus d’historien pour en étudier les raisons.

Bien que ce danger soit assurément bien réel, certains politiques continuent de dire que la victoire est encore possible. Le tabloïd Bild Zeitung se vante aujourd’hui que l’offensive ukrainienne en cours à Kharkiv bénéficie de l’aide massive de l’OTAN, de véhicules blindés américains et turcs, de chars polonais, de renseignements de l’OTAN, les États-Unis ayant donné pour 10 milliards de dollars d’armes à l’Ukraine. Dans ces conditions, tous ces pays et l’OTAN ne sont-ils pas déjà des belligérants ? La question est de savoir quand sera franchie la ligne rouge et quand nous aurons une guerre ouverte entre la Russie et l’OTAN.

Rappelons par ailleurs que le système financier du monde transatlantique est désespérément en faillite. Il est sur le point de connaître une explosion hyperinflationniste, comme l’Allemagne de Weimar en 1923, sauf que cette fois-ci, cela ne toucherait pas un seul pays mais l’ensemble de ce qu’on appelle l’Occident. Nous pourrions aussi connaître très prochainement un krach, des faillites en chaîne déclenchées par la hausse récente des taux d’intérêt par les banques centrales. La Banque centrale européenne vient d’augmenter de 0,75 % son taux directeur, la hausse la plus élevée de son histoire. Jerome Powell, de la Fed, évoque la « douleur » infligée par la politique de taux d’intérêt élevés de Paul Volcker, qui, entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, dépassaient 20 %. Si l’on impose cela maintenant, alors que de nombreuses entreprises surendettées sont déjà en faillite, alors que l’on assiste déjà à une fuite des capitaux hors des marchés émergents, cela pourrait déclencher une descente aux enfers, précipitant dans un « âge sombre » chaque pays dépendant du système financier transatlantique.

Si cet effondrement se produisait, cela augmenterait naturellement et instantanément le danger de guerre. Nous avons déjà une famine mondiale. 1,7 milliard de personnes sont aujourd’hui menacées de famine et selon les Nations unies, chaque jour, 25 000 personnes meurent de faim alors qu’on pourrait parfaitement l’éviter ! Il est évident que s’il y avait un crash, cela entraînerait la mort de centaines de millions, voire de milliards de personnes.

Par ailleurs, la pandémie est loin d’être vaincue. De nouvelles pandémies se profilent, pour les mêmes raisons que la COVID-19, parce que le sous-développement, dans de grandes parties de continents entiers, a provoqué la destruction du système immunitaire de populations entières.

En Europe, et en Allemagne en particulier, avec les politiques du gouvernement en place, nous sommes en train d’aller droit dans le mur cet hiver. Il y aura des faillites massives, du chômage de masse, des situations d’urgence, des coupures de courant. Des banques comme JPMorgan Chase se préparent déjà à quitter l’Allemagne pour Londres ou d’autres capitales en cas de black-out, ce à quoi elles s’attendent.

Officiellement, nous sommes dans une situation stratégique où « l’ordre fondé sur des règles » des « démocraties » occidentales s’oppose aux infâmes « autocraties » et dictatures de la Russie et de la Chine.

En réalité, la situation est tout autre. Les pays d’Asie, entraînés par la montée en puissance de la Chine, les BRICS, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et une grande partie du Sud, bâtissent un nouveau système économique dans le but de surmonter la pauvreté et de se donner un véritable développement économique. On assiste à une renaissance de « l’esprit de Bandung », le Mouvement des non-alignés.

Ce que ces pays sont absolument déterminés à faire cette fois-ci, c’est en finir définitivement avec le colonialisme : le colonialisme qui n’existe plus officiellement, mais qui se présente sous de nouveaux vêtements. Ils veulent appliquer enfin « les cinq principes de la coexistence pacifique ».

Voyons où nous en sommes. Quelle est la situation dans ce qu’on appelle l’Occident ? Il n’y a plus de démocratie. La possibilité que l’Occident évolue vers un système de « fascisme à visage démocratique » était déjà évoquée au milieu des années 1970 par la Commission trilatérale et d’autres groupes de réflexion, qui discutaient ouvertement de la nécessité, en cas d’effondrement économique, d’imposer une austérité si draconienne qu’il faudrait en finir avec les droits constitutionnels fondamentaux.

Samuel Huntington, célèbre pour son concept de « choc des civilisations », un projet de conflit Nord-Sud pour remplacer le conflit Est-Ouest, et auteur de ce livre abominable, Le Soldat et l’État, qui est un fervent plaidoyer en faveur d’armées de mercenaires pour défendre l’Empire, a écrit pour la Commission trilatérale en 1975 La Crise de la démocratie. C’était déjà l’idée que la croissance zéro rendrait nécessaire de limiter la démocratie, et que si les gouvernements sont trop démocratiques, il faudra alors une crise cataclysmique pour imposer au peuple les sacrifices qui s’avèreront nécessaires.

C’est la politique de Carl Schmitt, selon laquelle c’est le souverain qui décide de l’état d’urgence. Cela nous ramène au moment où Abba Lerner disait à LaRouche, lors de leur fameux débat [décembre 1971] au Queens College de New York, que

si les gens avaient accepté Hjalmar Schacht, Hitler n’aurait pas été nécessaire.

Quarante-sept ans plus tard, l’idée même de démocratie (dont on pouvait supposer, il y a quelque temps encore, qu’elle incluait le droit à la liberté d’expression), offrant la possibilité d’échanger une multitude démocratique de points de vue, a complètement disparu. Il n’y a plus de vérité connaissable, que l’on puisse découvrir, ne serait-ce qu’approximativement, par exemple par le biais du dialogue socratique. On n’accepte plus désormais qu’un seul récit. Et ce qu’on appelle politique aujourd’hui consiste en grande partie à tenter d’avoir un contrôle dictatorial sur ce récit.

Une partie de ce récit consiste à dire que la guerre en Ukraine est le résultat d’une « agression russe non provoquée ».

Le fait de dire que l’histoire n’a pas commencé le 23 février, ou même qu’il y avait une histoire avant cela, fait de vous « un agent de Poutine », un adepte ou un partisan de « la propagande russe ». Idem si vous proposez de mettre fin à la guerre le plus rapidement possible, ce qui est également l’avis d’éminents experts militaires, tels que le général allemand (cr) Harald Kujat, ancien inspecteur général de la Bundeswehr et chef du Comité militaire de l’OTAN (un poste très élevé). Il a déclaré récemment que la guerre ne peut être gagnée par aucun des deux camps, que les sanctions risquent de causer des dommages irréversibles à l’économie allemande, que notre liberté n’a pas été défendue dans l’Hindou Kouch, pas plus qu’elle ne l’est maintenant en Ukraine, et que cette escalade risque de déboucher sur une guerre nucléaire.

Tous ces éléments sont évidemment de très bonnes raisons de négocier un accord de paix. Mais si vous dites cela, vous vous retrouvez inscrits sur une liste noire de gens à abattre, par des sites internet ukrainiens financés par le département d’État américain. C’est ça, la vraie démocratie aujourd’hui ! Et les gouvernements européens participent régulièrement aux réunions des institutions ukrainiennes qui gèrent ces sites Web, comme le Centre ukrainien de lutte contre la désinformation (CCD).

Dans la plupart des pays d’Europe occidentale et des États-Unis (la Grande-Bretagne en particulier), nous voyons une mise au pas, un verrouillage des médias grand public, qui feraient pâlir d’envie Goebbels. On vit dans un climat de maccarthysme, une véritable Gestapo digitale. Au cours des derniers mois, des dizaines de personnes m’ont confié qu’elles avaient peur de dire ce qu’elles pensaient, même en privé, parce qu’elles craignaient d’être ostracisées.

Je tiens à rappeler que nous n’avons pas besoin de l’analyse russe pour arriver à nos propres conclusions. Nous avons notre propre service d’information international, Executive Intelligence Review (EIR), créé par Lyndon LaRouche en 1974.

En 1984, Norman Bailey, chargé à la Maison-Blanche des questions économiques internationales pour le Conseil national de sécurité, a publiquement affirmé qu’il considérait l’EIR comme le meilleur service de renseignement privé au monde. Mais plus important encore, nous recueillons nos renseignements non pas en lisant des coupures de presse, mais en interagissant avec de nombreux acteurs politiques. Nous évaluons les réactions et en tirons les conclusions, puis nous analysons ce que cela signifie.

Nous connaissons l’histoire du monde d’avant le 23 février 2022, car nous en faisons partie. Avant même la chute du mur de Berlin, LaRouche avait prévu l’effondrement de l’Union soviétique de manière tout à fait appropriée, en 1984, lorsqu’il a dit que si l’URSS persistait à rejeter toute coopération avec Reagan sur l’Initiative de défense stratégique (IDS), en s’en tenant au plan Ogarkov, elle s’effondrerait d’ici cinq ans. C’est exactement ce qui s’est passé. Nous avons mis en place la réponse à cela - le « Triangle Productif Paris-Berlin-Vienne ». [1]

Lorsque l’URSS s’est effondrée, nous avons proposé de relier l’Europe et l’Asie par des « corridors de développement économique », ce que nous avons appelé « le Pont terrestre eurasiatique ». C’était notre vision d’un ordre de paix pour le XXIe siècle.

Voici la diapositive avec la carte du projet de Pont terrestre eurasiatique, devenu ensuite le Pont terrestre mondial, qui reste notre politique.

Il aurait été dans l’intérêt de tous les pays de mettre en œuvre cette proposition. Nous savons qu’elle a été rejetée pour des raisons géopolitiques par Thatcher, Bush père et Mitterrand, parce qu’à l’époque, la politique de ces pays était de faire en sorte que l’ancienne superpuissance qu’était l’URSS se transforme en une Russie qui régresserait jusqu’à devenir un pays du tiers monde, simple exportateur de matières premières. C’était ainsi qu’en 1991, on planifiait d’éliminer un concurrent potentiel sur le marché mondial, parce qu’on craignait qu’en lui permettant de développer son économie, impliquant davantage de scientifiques de haut niveau et de matières premières exploitables, la Russie ne devienne plus forte que les États-Unis.

Bien que cette politique ait été rejetée à l’époque, nous avons continué à promouvoir l’idée du Pont terrestre eurasien sur les cinq continents. Nous avons organisé des centaines de conférences et de séminaires, et de ce point de vue, nous avons vécu et observé de première main comment cette opportunité historique de 1989 a été perdue (nous avons publié un livre à ce sujet) et comment les promesses de ne pas étendre l’OTAN à l’Est ont été trahies. Tout en défendant nos propositions, nous avons vu comment, pendant les années Eltsine, entre 1991 et 1994, la thérapie de choc a réduit le potentiel industriel de la Russie à seulement 30 %. L’intention de ruiner la Russie était déjà là, et Boris Eltsine était l’instrument choisi pour imposer ces politiques.

Après l’arrivée au pouvoir de Poutine, commencèrent les « révolutions de couleur » : révolution orange en Ukraine en 2004, révolution des roses en Géorgie, tentative de révolution blanche en Russie et de révolution des parapluies à Hong Kong, contre la Chine.

En 1999, Blair lança la politique du « droit de protéger », visant à remplacer l’ordre issu de la paix de Westphalie et la Charte de l’ONU par un « ordre fondé sur des règles », ouvrant la voie aux guerres interventionnistes en Asie du Sud-Ouest et en Libye.

Non, nous ne relayons pas la propagande russe. Nous essayons de donner une meilleure direction à l’histoire, et nous avons vu qui soutenait cette proposition et qui s’y opposait. Nous ne sommes pas de ceux qui pensent que la Terre est plate. Nous avons une méthode de pensée différente, qui se réfère à l’univers physique réel des idées, et non aux opinions fondées sur le témoignage des sens. C’est pourquoi nous ne pouvons pas être « nudged » (poussés par la méthode douce vers la bonne décision) - pour reprendre les termes de Cass Sunstein - à croire le « récit » autorisé.

J’ai dit au début que la pire crise de l’histoire était le résultat de politiques erronées et qu’elles pouvaient donc être corrigées. En 1971, lorsque Nixon a introduit les taux de change flottants et découplé le dollar de l’étalon-or, LaRouche avait prévu, et c’est probablement la prévision la plus importante jamais faite dans l’histoire, que si les pays persistaient avec ces politiques monétaristes, cela conduirait à une nouvelle dépression, au fascisme et à une nouvelle guerre mondiale. Ou sinon, nous devrions nous doter d’un système économique complètement nouveau. C’était il y a 51 ans. Entre-temps, LaRouche a fait neuf prévisions majeures, et beaucoup d’autres à chaque tournant décisif.

Lorsque la Commission trilatérale introduisit la « désintégration contrôlée de l’économie mondiale » et que les auteurs de cette idée ont tous intégré l’administration Carter, s’imposa l’idée diabolique d’empêcher à jamais l’émergence d’économies industrielles modernes dans le secteur en développement.

Ne jamais permettre « un autre Japon » dans l’hémisphère sud – un Japon qui, après être resté sous-développé pendant de nombreux siècles, avait accompli en quelques années une révolution industrielle, lors de la restauration Meiji, ce qui pouvait évidemment être reproduit par tous les pays en développement. Cela leur était donc interdit. Dès lors, s’ensuivirent la politique de taux d’intérêt élevés de Volcker, une politique d’austérité brutale, la « reaganomics », le thatchérisme, les fusions et acquisitions, l’externalisation de la production vers des pays à main-d’œuvre bon marché, la production en flux tendu, le concept d’une société fondée exclusivement sur la valeur actionnariale, l’introduction en bourse des industries de taille moyenne, la déréglementation des marchés, la spéculation sur les produits dérivés, l’assouplissement quantitatif, les taux d’intérêt négatifs, etc.

A chaque étape, LaRouche faisait non seulement une analyse pertinente, mais il présentait aussi des alternatives. En 1975, il proposa la Banque internationale pour le développement (BID), consistant à remplacer le FMI par une institution permettant le développement massif du secteur en développement. En 1982, il élabora pour le président mexicain José López Portillo un programme économique très détaillé, baptisé « Opération Juárez ». Il proposa l’Initiative de défense stratégique, qui fut mise en œuvre par le président Reagan le 23 mars 1983 [2]. Nous avons développé des programmes pour l’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Eurasie, le Moyen-Orient, les Etats-Unis. LaRouche a toujours travaillé sur l’idée que pour éviter de voir le monde sombrer dans un « Nouvel âge des ténèbres », il fallait amener les institutions à rejeter les hypothèses erronées du monétarisme et à en prendre le contre-pied.

Il s’agit ici d’une différence fondamentale dans la méthodologie de la pensée. Si l’on considère le « long arc » de l’histoire universelle, l’humanité a fait d’énormes progrès. De la société de chasseurs-cueilleurs, où la population ne dépassait pas 10 millions d’habitants sur la planète, rien qu’au cours des 10 000 dernières années, nous avons connu une énorme croissance démographique pour atteindre environ 8 milliards de personnes aujourd’hui. Nous voyons tout au long de cette histoire un phénomène récurrent : les véritables bonds en avant se produisent dans des périodes de renaissance.

Je peux citer, par exemple, la Grèce classique, la dynastie des Abbassides à Bagdad, la dynastie Song en Chine, la Renaissance italienne, la période classique allemande. Ces avancées, qui coïncident toujours avec des moments d’épanouissement culturel, sont suscitées par un nombre relativement restreint d’individus, qui apportent des découvertes originales découlant d’hypothèses adéquates en science et en art, conduisant à une compréhension supérieure des principes de l’univers physique.

Jusqu’à présent, à chaque fois, ces renaissances ont été stoppées par les ennemis du progrès, qui ont été capables d’inciter la société, depuis les couches dirigeantes jusqu’à la masse crédule de la population, à adopter des points de vue ignorant le domaine des idées qui venaient d’être découvertes, pour les remplacer par des idéologies conformes aux intérêts de ces ennemis du progrès - c’est-à-dire l’oligarchie au pouvoir.

Le secret de ce qui a fait de LaRouche le meilleur prévisionniste des tendances économiques et sociales, alors que tous ses détracteurs ont connu des échecs patents, réside dans la connaissance inégalée, acquise tout au long de sa vie, des idées qui, au cours des millénaires, permirent à l’humanité de progresser qualitativement, contrairement aux idées réduisant l’univers, de ce que Gauss appellera plus tard le domaine complexe, à une conception euclidienne réductionniste des choses et des événements.

Platon évoque cette différence dans son mythe de la caverne : c’est à l’extérieur de la caverne que réside le monde réel des idées, tandis que ceux qui se fient à leur système sensoriel biologique ne perçoivent la réalité que comme les ombres projetées sur les murs d’une caverne faiblement éclairée. Un exemple crucial de cette différence est mis en évidence par les paradoxes de la géométrie qui ne permettent pas de solutions réductionnistes, comme la construction des cinq solides platoniciens et le doublement de la ligne, du carré et du cube. Ce sont ces paradoxes qui ont inspiré la démarche de toute une classe de penseurs, les portant à faire des découvertes dans le domaine du complexe et de la tradition platonicienne : Brunelleschi, Nicolas de Cues, Luca Pacioli, Léonard de Vinci, Johannes Kepler, Gilbert, Fermat, Huygens, Leibniz, Bernoulli, Kästner, Gauss, Lazare Carnot, Dirichlet et Riemann. Et naturellement Einstein et Vernadski. Tous les grands progrès de l’histoire humaine viennent de ce courant, comme LaRouche l’a démontré dans de nombreux essais.

A l’opposé, les idéologues de la tradition réductionniste n’ont absolument rien fait pour y contribuer. Ils ont œuvré au contraire pour rendre plus compliquée la compréhension de la véritable connaissance, avec la tradition aristotélicienne de Descartes, Newton (rappelez-vous son célèbre « hypotheses non fingo », on n’a « pas besoin » d’hypothèse, ou je ne formule pas d’hypothèse), Boyle, Euler, Lagrange, Laplace, Cauchy, Clausius, Grassmann, Helmholtz, Maxwell, Lindeman, Felix Klein, Bertrand Russell et leurs élèves.

Il en va de même pour les idées dans l’art : il existe une différence fondamentale, axiomatique, entre l’art classique, qui vise à élever le pouvoir créatif de l’auditoire, et les formes d’art qui ont pour effet de banaliser, ou pire encore, de brutaliser les sens – la méthode préférée de l’oligarchie pour contrôler la population. À cet égard, il n’y a aucune différence entre l’Empire romain qui rendait le public de l’amphithéâtre complice de la mise à mort du gladiateur, en lui faisant lever ou baisser le pouce pour décider si le gladiateur devait vivre ou mourir, et le culte de la violence dépeint dans l’industrie du divertissement d’aujourd’hui. LaRouche, qui avait une connaissance approfondie des différentes perspectives axiomatiques de ces traditions opposées, a fourni de multiples preuves que l’univers physique ne suit pas le chemin de la géométrie euclidienne, comme l’illustre la différence entre la plus courte distance et le principe réel de moindre action leibnizienne.

De la même manière, l’économie physique ne peut être décrite correctement par des méthodes mathématiques et statistiques. LaRouche a explicitement développé sa propre méthode scientifique économique à partir d’une polémique contre la théorie de l’information et l’analyse des systèmes de Norbert Wiener et John von Neumann, dont les algorithmes, précisons-le également, ne correspondent pas non plus à l’économie réelle. Seules des méthodes s’appuyant sur le concept d’espace-temps riemannien et la relativité générale permettent de la circonscrire correctement.

Car seule la pensée se référant au domaine complexe peut conceptualiser l’impact d’une série infinie de découvertes de nouveaux principes qualitatifs de l’univers physique, qui définissent chacun une plate-forme économique entièrement nouvelle, où le principe nouvellement découvert redéfinit la productivité relative de chaque aspect de l’économie tout entière. Avec cette méthodologie, LaRouche est arrivé au concept unique de potentiel de densité démographique relative et au concept connexe de densité de flux d’énergie dans le processus de production, qui doivent tous deux augmenter continuellement par surface et par habitant, en raison du caractère relativement limité des ressources en jeu à chaque niveau de développement.

A chaque niveau, le « coût » des ressources tend à augmenter, diminuant d’autant la productivité du travail. En cas de stagnation technologique, l’effort et le coût pour maintenir le même nombre de personnes augmentent, et la densité de population potentielle relative diminue.

Cependant, la conclusion qu’en tire LaRouche est exactement à l’opposé de celle du diabolique Club de Rome dans son pamphlet de propagande oligarchique, Les limites de la croissance, à savoir que désormais, on doit viser à la croissance zéro, et même à une croissance négative.

LaRouche a réfuté cette thèse dans son livre There Are No Limits to Growth (Il n’y a aucune limite à la croissance), une de ses œuvres majeures où il démontre la nécessité d’accomplir des progrès scientifiques et technologiques continus, et que l’exercice continu de la créativité humaine permet d’atteindre des degrés plus élevés d’anti-entropie. En s’accordant ainsi avec les lois de l’univers physique réel, c’est donc la condition préalable à la survie durable de l’humanité.

Le potentiel démographique relatif de la société primitive était d’environ 0,06 à 0,1 individu par kilomètre, et le potentiel total du monde ne dépassait pas 10 millions de personnes.

Aujourd’hui, avec 8 milliards de personnes, on a gagné plus de deux ordres de grandeur, et avec l’exploitation commerciale de la technologie de fusion nucléaire à portée de main, et notre capacité de produire des quantités quasiment illimitées d’eau douce et propre, le potentiel de population peut doubler très rapidement, tout en offrant à chacun un niveau de vie comparable à celui d’un membre d’une famille moyenne vivant en Suisse aujourd’hui.

De l’énergie solaire et éolienne, avec une densité de flux énergétique très faible, aux combustibles fossiles et à l’énergie nucléaire, cette mesure est passée de 0,2 kilowatts par mile carré à 70 000 kilowatts par mile carré, et a le potentiel d’augmenter à 1015 kW/mile carré avec la deuxième génération d’énergie de fusion.

À la lumière de cette réalité, la sortie de l’énergie nucléaire en Allemagne et les politiques européennes du New Green Deal ne signifient pas seulement la fin de l’Allemagne en tant qu’État industriel – ce qui est l’intention des Verts - mais aussi la réduction de la densité potentielle relative de la population mondiale, parce que la capacité productive de la quatrième plus grande économie du monde, l’Allemagne, disparaîtra, entraînant une augmentation de la famine, des épidémies et des troubles sociaux. Et c’est aussi l’intention de l’oligarchie malthusienne.

LaRouche connaissait bien les principaux représentants de ces deux perspectives opposées, et il a démontré très clairement, pour quiconque veut bien l’entendre, pourquoi il est si indispensable, pour une classe oligarchique qui rémunérait Malthus pour écrire ses thèses maléfiques, d’éliminer la créativité et le potentiel du génie humain.

Il est donc clair que le dénominateur commun entre les perspectives de la Compagnie britannique des Indes orientales, la désintégration contrôlée de l’économie mondiale de la Commission trilatérale, la « Grande Transformation » de Hans Joachim Schellnhuber et la « Grande Réinitialisation » (Great Reset) du Forum économique mondial (WEF) de Davos, est la même idéologie réductionniste, empiriste et malthusienne.

Lorsque la Chine a reconnu son erreur – l’hypothèse des ressources limitées de la planète – elle a modifié sa politique de l’enfant unique, parce qu’elle a reconnu que chaque enfant supplémentaire apporterait un potentiel de nouvelles découvertes créatives et à partir de là, elle a mis l’accent sur le besoin continu d’innovation dans l’économie. Ainsi, l’économie chinoise a fait un miracle, qui n’a pas souffert de cycles économiques, car l’augmentation continue de la productivité en a éliminé les raisons.

L’essor de la Chine est le résultat d’une politique économique sensée qui fait écho à la théorie de LaRouche, et les Etats-Unis et l’Europe s’effondrent parce qu’ils préfèrent Malthus à LaRouche. La crise de l’Occident est un tourment qu’il s’est lui-même infligé, et non le résultat de politiques maléfiques de la Russie ou de la Chine.

Les pays du BRICS, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui tiendra son grand sommet les 15 et 16 septembre dans l’ancienne ville de Samarcande, en Ouzbékistan, sur la Route de la soie, ainsi que de nombreuses organisations du Sud qui travaillent à un nouvel ordre économique mondial et renouent avec la tradition du Mouvement des non-alignés, ont tous pour objectif de mettre fin au colonialisme et de vaincre la pauvreté et le sous-développement. Et l’initiative « la Ceinture et la Route », « l’Initiative de développement mondial » et « l’Initiative de sécurité mondiale » proposées par la Chine sont autant de concepts visant à surmonter l’affrontement géopolitique et à créer une plateforme pour un avenir commun de l’humanité.

Au lieu d’essayer de contenir cette dynamique, nous, les États-Unis et l’Europe, devrions reconsidérer pourquoi nous nous trouvons dans cette situation impossible et nous joindre à ces pays dans un nouveau paradigme de relations internationales, basé sur les cinq principes de la coexistence pacifique et la Charte des Nations unies.

Nous entrons non seulement dans un automne et un hiver très chauds, mais dans ce qui sera, selon toute vraisemblance, l’effondrement de l’ensemble du système. C’est pourquoi l’Institut Schiller appelle à un nouveau paradigme et une nouvelle architecture de sécurité et de développement.

Ainsi, avec Friedrich Schiller, nous pouvons dire : « L’homme est plus grand que son destin », à condition toutefois de suivre le conseil du président mexicain López Portillo et d’« écouter les sages paroles de Lyndon LaRouche ».

Merci.


[1Le cœur historique d’une Europe industrielle qu’il fallait mobiliser pour reconstruire l’Europe de l’Est et la Russie, dans un premier temps, puis les pays du Sud. Ndt

[2Avant d’être sabotée par son vice-président George Bush. Ndt