Origine chinoise du coronavirus : cessons d’avaler les couleuvres !

samedi 18 avril 2020, par Christine Bierre

La civilisation humaine est confrontée à la crise la plus grave de son existence. A la pandémie d’un virus particulièrement meurtrier, s’ajoute une chute brutale, totalement inédite, de l’économie mondiale, provoquée par le confinement de plus d’un tiers de l’humanité. Ces crises ont donné le coup de pied de l’âne à un système financier international totalement enflé par des bulles spéculatives.

Face à une crise d’une telle ampleur, les seules voix qui méritent d’être entendues sont celles qui cherchent à créer les conditions d’une coopération internationale pour pouvoir en sortir. Or, parmi les dirigeants des grandes nations de ce monde, les seules voix qui vont dans ce sens, pour l’instant, sont celles du président russe, Vladimir Poutine, et du président chinois Xi Jinping.

Le 15 janvier,Vladimir Poutine a proposé l’organisation d’un sommet des 5 membres permanents de l’ONU (P5) – États-Unis, Russie, Chine, Royaume Uni et France – pour travailler à une approche commune permettant d’éviter une nouvelle guerre mondiale. Le choix du P5 est lourd de sens : ce sont les pays qui autrefois ont coopéré à la défaite du nazisme et qui, après la guerre, ont su créer, avec l’ONU et le système de Bretton Woods, les institutions d’un ordre international qui, loin d’être parfait, a permis néanmoins de reconstruire les pays détruits par la guerre et de garantir une certaine stabilité durant des années. Cet ordre étant de plus en plus bafoué, le Président Poutine a sans doute voulu rappeler aux uns et aux autres leurs responsabilités dans le monde aujourd’hui.

Outre Poutine, c’est aussi le président chinois Xi Jinping qui a mis sur la table depuis 2013, cette idée que nous faisons tous partie d’« une communauté internationale de destin partagé  » et que nous avons tous intérêt à coopérer pour créer un monde stable et en croissance. Son projet de « Nouvelles routes de la soie  », permettant à des nations souveraines d’engager une coopération économique, scientifique et culturelle, indépendamment de leur système politique, va dans le même sens.

La terrible pandémie qui nous a frappé est venue nous rappeler à quel point nous sommes tous interdépendants. Si la nation reste le cadre propre du développement des individus, en raison de leur histoire et de leur culture, les nations souveraines devront organiser au mieux leur coopération pour se procurer tout ce que chacune d’entre elles n’est pas en mesure de produire.

Diviser pour régner

Or, au delà de ces voix constructives, on voit surtout dans les pays occidentaux un déchaînement de haine contre la Chine – à la suite de plusieurs années de diabolisation de la Russie – venant notamment des éléments néo-conservateurs des États-Unis, au sein de l’administration et du Congrès américains, et du Royaume-uni, ainsi que de leurs « gorges profondes » dans les services secrets, habituées à imposer leurs politiques en frappant dans l’ombre.

Cette campagne est portée surtout par certains grands médias occidentaux chez qui les fuites des services secrets ont depuis longtemps remplacé les enquêtes dignes de ce nom. Typique de cela est Le Monde qui, le 30 mars dernier, apportait toute sa crédibilité au rapport transmis par les « services secrets » américains à Donald Trump « prouvant » que la Chine aurait menti sur le nombre de morts à Wuhan.

Ce qui est frappant chez ces milieux, c’est l’absence totale de propositions pour faire face à la triple crise qui nous frappe, et dont ils sont les seuls responsables. Mais ils savent déjà qui est l’ennemi : la Chine, la Russie ! Quoi de mieux que d’accuser autrui pour dissimuler sa propre incurie ?

Le rôle particulier du Royaume-Uni

Remontons aux sources de ces attaques. La récente campagne accusant la Chine d’avoir fabriqué le coronavirus, par négligence ou par volonté machiavélique, dans un laboratoire [de bio-sécurité] P4 à Wuhan est partie du Daily Mail britannique.

Le 5 avril dernier, ce journal, citant des sources « dignes de confiance » du gouvernement britannique, affirmait que, « si l’avis des scientifiques est toujours que le virus a été transmis pour la première fois aux humains sur un marché de Wuhan, le fait qu’il ait pu y avoir une fuite à partir d’un laboratoire dans la ville chinoise ‘n’est plus rejeté’ ».

Comme lors de l’affaire Skripal, des rumeurs sont mises en circulation, et, à force d’être répétées, deviennent un jour des « réalités ». Partant de l’article du Daily Mail, Fox News a rapporté, le 15 avril, que selon « plusieurs sources » aux États-Unis, la thèse que la pandémie « a pu » être créée dans le laboratoire de virologie de Wuhan, trouve une « adhésion grandissante ». Fox souligne tout de même que ce jugement n’est pas « définitif », car d’autres dans l’administration restent sceptiques.

Mais c’est un ancien chef du MI6, John Sawers, qui est monté au créneau le 15 avril, pour faire pression sur les États-Unis afin qu’ils rendent la Chine, et non l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), responsable de cette pandémie !

A la recherche de boucs-émissaires

Dans une visioconférence de presse organisée à Moscou, le 14 avril, Serguei Lavrov, Ministre des affaires étrangères russe, a abondé dans notre sens et n’a pas ménagé ceux qui depuis Londres alimentent les attaques contre la Chine. « L’issue de la lutte contre le coronavirus montrera quels pays et quelles structures multilatérales ont résisté à l’épreuve de cette horrible menace », dit-il, soulignant que « nous devons tout faire pour que cette crise vaccine les nations contre l’égoïsme, le messianisme et la tentation de poursuivre leurs intérêts au détriment des autres ». Serguei Lavrov a souligné « à quel point il est difficile de lutter seul contre ce type de menaces », faisant référence à la fois à la pandémie et à la crise économique.

Quant à la campagne contre la Chine, M. Lavrov a noté combien : « nos amis chinois, après avoir surmonté le pic de l’épidémie dans leur pays… utilisent toutes les voies pour aider d’autres pays et partager l’expertise qu’ils ont acquise dans la lutte contre ce fléau en Chine. (...) J’ai entendu quelqu’un à Londres [en référence au rapport de la Henry Jackson Society]… avancer que la Chine devrait à l’UE le montant de 3,7 billions de dollars ou d’euros pour les dommages causés par la pandémie. Certains disent que les biens chinois basés à l’étranger devraient être saisis si la Chine ne paie pas. Il y a des fonctionnaires qui le disent sérieusement en privé et en public aussi. Je pense que c’est absolument inacceptable. »

Quid de la France ?

Le Général de Gaulle avait incité la France à jouer un rôle d’inspiratrice et de médiatrice dans les conflits mondiaux. Emmanuel Macron a donné l’impression de vouloir aller dans ce sens, en prenant quelques initiatives envers l’Iran et la Russie. Etre médiateur et inspirer n’est pas, cependant, ce « en même temps » si cher à notre président, entre le camp néo-conservateur et ses opposants. Notre mission doit être de créer les conditions d’une sortie de crise pour tous, par le haut.

Les politiques de Charles de Gaulle donnent à la France aujourd’hui la chance de pouvoir jouer les médiateurs et les inspirateurs entre une Chine en plein développement et désireuse de jouer un rôle constructif dans le monde, et certaines forces occidentales qui, plongées dans une crise dont elles sont avant-tout responsables, semblent préférer chercher des boucs émissaires pour se protéger elles-mêmes !

Aller dans la gueule du loup, la City, et de son journal, le Financial Times, et y lâcher qu’au début de l’épidémie « il y a manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas », ne fait que jeter de l’huile sur le feu, alors que tous nos efforts doivent aller, au contraire, vers une coopération renforcée avec la Chine pour vaincre cette épidémie. Or l’un de éléments les plus prometteurs de cette coopération est l’effort engagé dans le domaine médical, depuis 2003, à l’époque du SRAS, entre l’Institut Pasteur et ses homologues chinois.

L’existence du laboratoire P4 de Wuhan, fruit de cette coopération, semble exciter toutes les méfiances des néo-conservateurs, tout comme la coopération au niveau de l’énergie nucléaire. Poursuivons-donc, dans ces domaines, sur le chemin tracé par Charles de Gaulle dans son discours à l’Université de Mexico :

« … A moins que l’humanité s’anéantisse elle même un jour dans de monstrueuses destructions, le fait qui dominera le futur c’est l’unité de notre univers. Une cause, celle de l’Homme ; une nécessité, celle du progrès mondial et, par conséquent, de l’aide à tous les pays qui la souhaitent pour leur développement ; un devoir, celui de la paix, sont, pour notre espèce, les conditions mêmes de la vie. »