« Urgence climatique » : un zeste de science, beaucoup de malthusianisme

mercredi 13 novembre 2019

Chronique stratégique du 13 novembre 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Comme on le sait bien, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Et ces bonnes intentions sont toujours plus persuasives lorsqu’elles se parent des habits « objectifs » de la science. Cependant, la campagne sur « l’urgence climatique » cache de moins en moins son véritable visage idéologique et malthusien. C’est ainsi qu’un groupe se nommant « L’Alliance des scientifiques du monde » (ASM) a publié le 5 novembre dernier dans la revue BioScience un appel, censé être cautionné par 11 000 scientifiques de 153 pays, prônant ouvertement une politique de réduction de la population humaine.

Une caution scientifique douteuse

Le « deux poids, deux mesures » est flagrant. Alors que l’appel des 500 scientifiques adressé le 23 septembre au secrétaire général des Nations unies, rejetant le catastrophisme ambiant et réfutant l’idée qu’il y ait une crise climatique, n’a reçu aucun écho dans les principaux médias, celui de l’ASM a été largement diffusé. Comme le montre le titre de l’article de Bloomberg News, l’intention est on ne peut plus claire : « La Terre a besoin de moins de gens pour vaincre la crise climatique ».

En effet, cette fois-ci l’appel en question ne se contente pas de faire un constat mais prodigue carrément un plan tout à fait politique visant à prendre des décisions drastiques pour changer notre « modèle de développement ». Selon les scientifiques signataires de l’appel, le problème est que la population mondiale « continue d’augmenter d’environ 80 millions de personnes par an, soit plus de 200 000 personnes par jour », et qu’elle « doit être stabilisée et, idéalement, progressivement réduite, dans un cadre qui assure l’intégrité sociale ».

Le mérite scientifique de l’ASM est sans aucun doute démontré par la présence, parmi les contributeurs, de Paul Ehrlich, l’ancien conseiller scientifique de Barack Obama, et auteur en 1968 de La Bombe P, à l’époque où il criait partout déjà à l’« urgence climatique », à la différence près qu’il s’agissait selon lui d’un refroidissement... L’oracle Ehrlich, qui prévoyait alors une terrible famine pour l’année 1975 dans le monde entier, préconisait de mettre en œuvre un plan de contrôle des naissances en introduisant des agents stérilisateurs dans les denrées alimentaires de base et dans l’eau courante.

Ne confondons pas écologisme et « révolution verte »

Dans le sillage de l’appel publié dans BioScience, le porte-parole pour la politique de développement du groupe parlementaire du Parti démocrate libéral (FDP) en Allemagne, Christoph Hoffmann, a appelé le 7 novembre à l’organisation d’une conférence mondiale sur la démographie, afin d’envisager des mesures en vue d’une réduction substantielle de la croissance démographique. Son argument consiste à dire que compte tenu de l’augmentation de la population humaine, que l’on prévoit atteindre 11 milliards en 2100, nous serons forcés de créer des terres arables, au dépend des forêts et donc du climat. Ce qui serait aggravé par la perte des terres arables dues à la désertification, qu’il affirme, sans base scientifique, sera de 10 %.

Pour Hoffmann, si l’on voulait nourrir tous les êtres humains de la planète, il faudrait augmenter la production agricole de 50 %, ce qu’il considère comme impossible. C’est ignorer les prouesses accomplies par le passé, en particulier par l’agronome Norman Borlaug, surnommé « le père de la révolution verte », et qui avait reçu en 1970 le prix Nobel de la paix pour avoir sauvé de la famine et de la mort pas moins de deux milliards d’êtres humains. Borlaug avait développé des variétés de blé et de maïs adaptées aux régions arides, résistantes aux maladies et bénéfiques pour les sols, qui ont permis au Mexique, à l’Inde, au Pakistan, à la Chine et à d’autres pays de nourrir leurs populations. De 1950 à 1992, sous l’effet de cette révolution verte, la production mondiale de céréales est passée de 692 à 1900 millions de tonnes, alors que l’extension des surfaces utilisées pour leur culture n’a augmenté que d’à peine 2 % !

« Respirer un air pur dans le noir » ?

Outre-Manche, au pays de Thomas Malthus et d’Extinction Rebellion, tout le monde ne rentre pas dans le rang. Le Guardian rapporte que Craig Morley, candidat conservateur aux prochaines élections législatives, a publié sur son blog une tribune intitulée « Les théories dangereuses sur le changement climatique reposent sur des preuves douteuses ».

L’alarmisme et le langage d’urgence utilisé dans l’actuel débat a perdu tout sens de réalité et toute proportion, écrit Morley. Il n’y a aucune catastrophe en cours et aucun feu à la baraque. Jadis, nous avions une science où les scientifiques faisaient une affirmation ou une hypothèse, et la confrontaient ensuite aux observations. En cas d’échec, ils revenaient en arrière et recommençaient. Aujourd’hui, il semblerait que ce qui compte est qui crie le plus fort.

S’il y a bien consensus sur le fait que la Terre se soit réchauffée, il n’y en a aucun concernant ce qui va se produire dans le futur, et sur l’impact réel des gaz à effet de serre, estime Craig Morley. « La vérité pure et simple est que le mouvement moderne sur ‘l’urgence climatique’ a plus à voir avec la politique et le partage des richesses qu’avec la science », écrit-il.

Comme pour illustrer cette affirmation, lors de la 25e conférence annuelle de la Semaine africaine du pétrole, qui se tenait la semaine dernière au Cap en Afrique du Sud, plusieurs militants d’Extinction Rebellion ont manifesté à l’extérieur, pour demander aux nations africaines de cesser d’exploiter les ressources fossiles, au nom de « la lutte contre le changement climatique ».

Alors que près de la moitié des Africains du continent – soit environ 600 millions de personnes – n’ont pas accès à l’électricité, « il est criminel d’affirmer, de l’extérieure du continent, que nous ne devrions pas développer ce secteur », s’est indigné le ministre de l’Énergie de la Guinée équatoriale, Gabriel Obiang Lima. Son homologue sud-africain, Gwede Mantasche, a quant à lui déclaré : « L’énergie est le catalyseur de la croissance. Ils nous demandent même d’arrêter toutes nos centrales d’énergie à charbon. Jusqu’à ce qu’on leur dise : ‘Vous savez, nous pouvons le faire ; mais alors vous devrez respirer un air pur dans le noir’ ».

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