Le progrès, notre pari humain

vendredi 26 juillet 2019, par Karel Vereycken

Rizières en Chine alliant parfois culture du riz, aquaculture et sériciculture (vers à soie se nourrissant de feuilles de mûriers).

Pour une écologie responsable et humaine

Extraits du programme de Jacques Cheminade,
ancien candidat aux élections présidentielles.

Aujourd’hui, l’écologie est devenue un enjeu politique, économique et culturel. Cependant, le mot recouvre deux visions diamétralement opposées de l’être humain. La première postule qu’il faut sauver la planète en économisant ses ressources, qui seraient nécessairement finies. Au sein de cette conviction, certains exigent une croissance zéro ou une décroissance y compris démographique.

(…) La seconde vision de l’écologie, celle que je défends car elle seule permet de concevoir un avenir pour notre espèce, établit que les « lois intangibles » ne sont que des contraintes momentanées, qui peuvent être dépassées par la découverte de principes physiques nouveaux, appliqués sous forme de technologies plus denses (c’est-à-dire produisant davantage par être humain, par surface donnée et par gramme de matière utilisée) dans un processus de développement harmonieux.

L’homme n’est pas un fléau destructeur de ressources, mais un créateur capable de changer volontairement son environnement pour le rendre plus apte à être peuplé. Il y a une ressource inépuisable, qui est la capacité créatrice de l’être humain.

(…) La croissance démographique est toujours allée de pair avec le progrès économique et social, l’amélioration des conditions de vie pour les générations futures.

(…) L’objectif d’une véritable politique écologique (…) est de promouvoir les conditions de maintenance et de développement des infrastructures – recherche, santé publique, éducation, services publics, grands travaux – nécessaires pour améliorer les conditions de vie pour tous et donc la capacité d’accueil de la biosphère.

(…) Ainsi, la question écologique légitime – quel monde allons-nous laisser aux générations futures ? – ne peut être résolue en revenant à des formes d’énergie moins denses, mais en rebâtissant notre milieu de vie par notre pensée et notre travail.

(…) Les propositions de sortir du nucléaire ou d’en réduire la part en 10, 20 ou 30 ans sont absurdes.

(…) En fait, le vrai défi pour l’avenir est de maintenir la sécurité et le contrôle du nucléaire existant, tout en mettant en place des centrales de conception plus avancée. Si on garde les critères de rentabilité financière actuels, si on ne fait pas progresser les techniques et si on laisse se développer des sous-traitances en cascade à bas prix, on aura, dans ces conditions, de très sérieux ennuis.

(…) Au niveau des transports, une politique de transports publics plus ambitieuse, dans les cadres urbain et interurbain, doit être lancée. On ne peut plus tolérer les embouteillages sur les grands axes d’accès et les périphériques de toutes les grandes villes, ainsi que les problèmes de stationnement à l’intérieur. Je défends le retour, avec des moteurs de la génération actuelle, à l’aérotrain de l’ingénieur Bertin, l’extension du ferroutage pour éviter l’encombrement par les camions et le financement avec des aides publiques de la voiture à hydrogène, dont la production en masse permettra de diminuer fortement la pollution. Je suis aussi partisan, grâce aux transports terrestres à grande vitesse, de type aérotrain et maglev, de réduire au maximum les vols continentaux de moins de 1500 km.

(…) Il y a en outre dans notre société une surconsommation d’objets inutiles, notamment dans le domaine des produits de beauté, de communication, de ménage ou de tourisme, qui est volontairement entretenue. La publicité, d’une part, vise à entretenir l’être humain dans un état d’attraction pour le physique, le sexe et la violence, et les objets sont fabriqués pour une durée de vie relativement brève, pour qu’il y ait rachat plus ou moins contraint. Mon projet combat cette forme de société en portant une autre conception de l’homme, celle de son attachement à une amélioration du milieu de vie collectif et des conditions d’existence pour les générations futures.

Le progrès pour accroître notre bonheur et notre liberté : un combat de l’humanité depuis la nuit des temps. Pourquoi y renoncer ? L’homme n’est pas un fléau destructeur de ressources, mais un créateur, capable d’améliorer ses conditions et son environnement. Exemples.

1. Norman Borlaug, l’homme qui sauva l’humanité de la famine

L"agronome américain de génie Norman Borlaug, premier à gauche. Ici en 1972 lors des formations qu’il offrait aux paysans mexicains.

Né aux Etats-Unis, Norman Borlaug passa son enfance dans les plaines de l’Iowa, à l’époque de la Grande Dépression, sur les bancs d’une école de campagne. Il dut renoncer à une carrière scientifique après avoir échoué à l’examen d’entrée universitaire, ce qui n’empêchera pas celui que l’on surnomme « le père de la Révolution verte » de recevoir le prix Nobel de la Paix, pour avoir sauvé de la famine et de la mort pas moins de deux milliards d’êtres humains ! Il lutta toute sa vie contre les pessimistes qui prétendent que la mort par dénutrition de centaines de millions de personnes en Afrique et en Asie est inévitable.

Tout commença en 1940 quand Henry Wallace, ministre de l’Agriculture (alors candidat à la vice-présidence de Franklin Roosevelt) recruta Borlaug, de l’Iowa comme lui, pour diriger au Mexique une unité de recherche agronomique chargée de développer des variétés de maïs et de blé hybride adaptées aux régions arides.

Dans l’après-guerre, ce sera la crainte que les pays pauvres ne s’alignent sur Moscou qui poussera les Etats-Unis, via les fondations de la famille Rockefeller, à inclure l’aide au développement dans leur arsenal politique.

Grâce à ses recherches, Borlaug réussira à développer des variétés de blé à haut rendement qui permettront au Mexique, à l’Inde, au Pakistan, à la Chine et à d’autres nations d’alimenter leur population. En plus de variétés productives, les agriculteurs avaient besoin d’espèces résistantes aux maladies, limitant l’utilisation de produits phytosanitaires, de variétés économes en eau et de cultures bénéfiques pour les sols.

Entre 1950 et 1992, la production mondiale de céréales passera de 692 millions de tonnes à 1,9 milliard, soit une hausse de 175 %, tandis que l’extension des surfaces utilisées pour leur culture n’augmentera que d’à peine 2 %. Mais Borlaug ne voulait pas seulement nourrir l’humanité, il voulait également éviter la déforestation. Or, en augmentant les rendements agricoles par unité de surface, il allait d’office sauver les forêts.

Il introduisit une série d’innovations. Sans intervenir directement sur les gênes des plantes, lui et ses collègues plantèrent et croisèrent des milliers de variétés de blé à travers le monde pour obtenir de nouvelles variétés résistantes aux maladies, augmentant la productivité de 20 à 40 %. Ensuite, il élabora une variété naine qui ne plierait pas sous le poids d’épis dont le volume et le poids n’allaient cesser de croître.

Borlaug développa également la pratique de récoltes-ponts, plantant deux fois par an au lieu d’une dans différentes régions du Mexique… Et comme les régions choisies possédaient des climats différents, les variétés résistantes aux maladies purent s’adapter à des terres, des latitudes et des altitudes différentes.

On vit ainsi exploser la production agricole mexicaine et les mêmes techniques furent ensuite appliquées et adaptées à d’autres espèces, notamment au riz en Asie. Sans cet essor de la productivité agricole, des millions de personnes seraient mortes de faim, ou alors, il aurait fallu, pour les nourrir, augmenter considérablement les surfaces de terres agricoles, en détruisant forêts et animaux et en freinant l’expansion urbaine et commerciale.

Pour Borlaug, comme pour nous, l’enjeu est clair : si les opposants au progrès l’emportent aussi bien contre l’homme que contre la nature, ils précipiteront dans la famine des millions de personnes.

2. Des panneaux solaires pour produire de l’hydrogène

En Belgique, après dix ans de travaux, l’équipe du professeur Johan Martens, de l’Université de Louvain (KUL), a annoncé fin février 2019, la mise au point de panneaux solaires capables de convertir directement 15 % de la lumière du soleil et de la vapeur d’eau environnante en hydrogène gazeux !
KUL

Personne n’ignore que l’hydrogène figure en bonne place pour devenir le combustible de demain. Les grands groupes, d’Engie à Total en passant par Air Liquide, Alstom, BMW ou General Motor, promettent d’investir dans cette nouvelle source d’énergie.

Et alors qu’en France, on ferme les « petites » lignes ferroviaires (comme Nantes-Rennes), Coradia iLint, le premier train à hydrogène, construit par Alstom à Tarbes, est entré en service en Allemagne en septembre 2018.

Composé d’un proton et d’un électron, l’hydrogène est un des éléments les plus simples de l’univers. Une molécule d’hydrogène (H2), composée de deux atomes d’hydrogène, est particulièrement énergétique : 1 kg d’hydrogène libère environ trois fois plus d’énergie qu’1 kg d’essence.

Sauf lors d’une réaction de fusion thermonucléaire (au centre du Soleil), l’hydrogène n’est pas une source d’énergie directe mais plutôt un vecteur énergétique. Dans les transports, il est par exemple utilisé dans une Pile A Combustible (PAC) conçue pour convertir de l’hydrogène en électricité. Le principe mis en œuvre avec la PAC est l’inverse d’une électrolyse : c’est la réaction chimique entre l’hydrogène (H2) et l’oxygène (O) qui va produire de l’électricité, de la chaleur et un peu de vapeur d’eau (H2O).

Seulement, pour l’instant, la production d’hydrogène pose problème puisqu’elle est à la fois polluante et coûteuse. A ce jour, 96 % de l’hydrogène est produit à partir d’énergie fossile (pétrole, gaz naturel et charbon), cette méthode étant la plus rentable.

Une invention toute récente promet pourtant de changer la donne. En Belgique, après dix ans de travaux, l’équipe du professeur Johan Martens, de l’Université de Louvain (KUL), a annoncé dans un communiqué, fin février 2019, la mise au point de panneaux solaires capables de convertir directement 15 % de la lumière du soleil et de la vapeur d’eau environnante en hydrogène gazeux ! Toyota suit d’ailleurs de près ces travaux. L’efficacité du procédé est tel qu’il a actuellement la capacité de produire 250 litres par jour d’hydrogène gazeux : un record mondial selon ces ingénieurs !

En évitant deux étapes successives de transformation (production d’électricité + électrolyse), ce procédé limite les pertes. Il offre dès lors un meilleur rendement de conversion. L’autre innovation réside dans le fait que l’hydrogène n’est pas produit à partir d’eau liquide, mais à partir de la captation de l’humidité de l’air.

Le dispositif présenté par la KUL, dédié à 100 % à la production d’hydrogène, doit encore passer l’étape de sortie du laboratoire et la solution de conditionnement pour stockage. Du point de vue résidentiel, selon les estimations des chercheurs, un ensemble de 20 panneaux de ce type, associés à un réservoir d’eau souterrain, pourrait couvrir la totalité des besoins en électricité et en chauffage d’un ménage pour un prix modique.

La validation de ce procédé ouvrira surtout la voie à une production fortement décentralisée et offrira de nouvelles perspectives et des alternatives aux batteries chimiques dans de nombreux secteurs, notamment pour les camions et les bus, mais également pour les navires fluviaux et maritimes. Ce mode de production ne peut qu’intéresser les îles, les plateformes pétrolières et, à l’avenir, les bases lunaires.

Prométhée : pourquoi j’ai donné le feu aux hommes

Dans la tragédie d’Eschyle (Ve siècle av. J.-C.), Prométhée décrit la condition humaine avant qu’il ne lui fasse découvrir le feu :

Quelle était la détresse des mortels ? Ce n’étaient que des enfants. Avant, ils regardaient pour rien, sans voir, ils écoutaient sans entendre (…) Ils ne connaissaient ni les maisons aux briques séchées ni le travail du bois (…) Ils vivaient sous la terre comme d’humbles fourmis (…) J’ai inventé pour eux la science des nombres, la plus importante, et celle des lettres qu’on assemble, qui garde une trace de tout (…) J’ai été le premier à mettre un joug aux bêtes (…) pour leur faire accomplir, à la place des hommes, les tâches les plus lourdes (…) Mieux encore, si l’un d’eux tombait malade, il n’avait aucune défense à sa disposition (…). En l’absence de tout remède, ils se consumaient, avant que je ne leur indique les préparations qui les soulagent et les préservent (…) Et les métaux utiles que la terre dissimule aux yeux des mortels, le bronze, le fer, l’argent et l’or (…) Tous les arts, chez les hommes, viennent de Prométhée.

3. Des lasers pour nettoyer les débris spatiaux et les déchets nucléaires

Gérard Mourou.

En octobre 2018, Gérard Mourou, professeur émérite à l’Ecole polytechnique et ancien directeur général du CNRS, recevait, avec son élève Donna Strickland, professeure à l’université de Waterloo, le prix Nobel de physique pour l’invention d’une technique laser permettant la génération d’impulsions optiques ultra-courtes de haute intensité.

Les puissances obtenues permettent d’aller dans des domaines de la physique qu’on ne pouvait atteindre jusqu’ici. « C’est comme au karaté : on délivre une puissance très importante dans un temps très, très bref », précise-t-il.

L’application la plus connue concerne la chirurgie de l’œil. On savait déjà utiliser le laser pour traiter la myopie, l’astigmatisme, le glaucome et d’autres affections. Avec la chirurgie femto seconde (durée encore plus courte que la nanoseconde) réfractive de l’œil et de la cornée, l’impulsion est si courte qu’on peut pratiquer une ablation sans rien détruire autour. Le risque d’effet délétère pour le patient se trouve ainsi minimisé. Ce perfectionnement de la technique laser permet de sauver la vue de millions de personnes.

Pour le Pr Mourou, l’important n’est pas le prix Nobel en soi, mais la curiosité et les applications toujours nouvelles à découvrir. Il a tout de suite compris qu’une forme dense d’énergie cohérente et ciblée pouvait accomplir, à faible coût et avec peu de ressources, un travail formidable pour l’homme et son environnement.

Dans son viseur, en particulier, l’élimination des débris spatiaux qui risquent de paralyser d’ici quelques décennies nos télécommunications satellitaires, et les déchets nucléaires. Si l’énergie nucléaire impacte beaucoup moins l’environnement que les hydrocarbures, néanmoins, avec près de 72 % de notre électricité provenant de l’énergie nucléaire, chaque Français produit 2 kg de déchets radioactifs par an, soit, en volume, l’équivalent d’une demi-brique de lait.

Avec le CEA, Mourou a donc lancé un projet pour réduire la longévité des déchets nucléaires. Sa technique, appelée transmutation, consiste à bombarder le noyau des atomes des résidus de nos centrales avec des lasers surpuissants pour en changer la composition nucléaire. Comme il l’explique, si dans un noyau atomique, composé de protons et de neutrons, se trouve un neutron en plus ou en moins, les propriétés de l’atome vont radicalement changer : il ne sera tout simplement plus le même. La durée de vie d’un déchet nucléaire est alors profondément transformée, de sorte qu’on peut la réduire d’un million d’années à 30 minutes ! Les puissances de laser atteintes aujourd’hui sont de l’ordre de 1021 W/cm2. Elles permettent d’obtenir des pressions, températures et champs électriques extrêmement élevés en laboratoire. Une puissance théoriquement suffisante pour altérer les propriétés des déchets traités. Reste, selon M. Mourou, à accélérer leur fréquence de répétition.

Le jour où l’on arrivera à mettre en œuvre ce procédé, l’opération prendra une demi-heure, alors qu’actuellement, il faut des milliers d’années pour voir varier l’intensité radioactive des déchets enfouis ! Rendus inoffensifs, ces déchets pourront alors être plus facilement détruits ou stockés.

4. Un ver marin au secours des greffes

Le chercheur Franck Zal sur le littoral finistérien, où il étudie le ver marin arenicola marina depuis 20 ans.

Ce sont ses études en biologie marine qui conduisent Franck Zal au CNRS et à Roscoff dans le Finistère. Lors de plongées sous-marines, ce chercheur se passionne pour les vers marins, des invertébrés aux qualités étonnantes. Installés près des cratères des volcans sous-marins, certains vers rouges, pleins d’hémoglobines, vivent et croissent dans un environnement extrême, sans lumière. Au laboratoire breton de Roscoff, Zal pousse ses recherches sur le ver local, l’arénicole, de prime abord moins exotique, qui vit dans le sable, sous l’eau ou dans l’air, selon la marée, en subissant des variations de température et de salinité.

Notre biologiste constate que ce petit ver ne respire que lorsqu’il est sous l’eau, à marée haute ; à marée basse, il cesse de respirer. Pour comprendre ce phénomène étonnant, Zal s’intéresse à l’hémoglobine, la molécule qui transporte l’oxygène dans le sang.

Le chercheur découvre alors qu’une molécule de l’hémoglobine de l’animal, 250 fois plus petite qu’un globule rouge, est capable de lier 40 fois plus d’oxygène qu’une hémoglobine humaine ! Cette molécule fonctionne à chaud et à froid, contrairement au globule rouge humain qui « vit » à 37°. L’absence de typage sanguin (A, B, I) et de rhésus négatif ou positif fait son universalité. En réalité, ce ver marin, une espèce vieille de 450 millions d’années, porte en lui l’ancêtre de nos globules rouges.

Nous sommes en 1999. Le scientifique entrevoit les applications concrètes de cette découverte pour sauver des vies humaines. Il crée alors sa propre société Hemarina, convaincu que son produit est, non pas un substitut sanguin, mais un véritable transporteur d’oxygène thérapeutique. En effet, sa capacité d’oxygénation augmente le temps de conservation des organes et les chances de reprise d’une greffe. Le produit a été testé dans plusieurs CHU français, lors de plusieurs dizaines de greffes de reins et d’autres organes.

Les vers sont élevés dans une ferme marine de 13 ha à Noirmoutier, en Vendée. Après purification, la molécule, sous forme liquide ou de poudre, se conserve pendant cinq ans à température ambiante, facilitant grandement les questions de logistique dans le cadre des transfusions en situation d’urgence. Une fois de plus, c’est l’alliance entre le génie humain et celui de la nature qui nous permettra de sauver des milliers de vies.

5. Des algues pour remplacer le plastique !

Rémy Lucas, le fondateur d’Algopack.

Deux sujets majeurs furent au cœur de l’exposition LaMerXXL à Nantes en fin juin 2019 : la bio-inspiration au service de l’économie et la dépollution des océans.

L’augmentation spectaculaire des déchets, plastiques en particulier, menace notre chaîne alimentaire et notre environnement. Il faut 450 ans pour qu’une bouteille de plastique se dégrade. Immergée, c’est encore plus long. Or, à chaque seconde, 500 kg de plastique sont déversés dans les océans, soit 12 millions de tonnes par an, tuant environ 100 000 mammifères marins et affectant plus de 1 400 espèces marines. A elle seule, la Méditerranée reçoit chaque année quelque 600 000 tonnes de plastique, sur les 24 millions de tonnes de déchets produits par ses 22 pays riverains.

Si, chez nous, le suremballage, l’obsolescence programmée et la culture des « sacs jetables » participent au massacre, une étude récente pointe du doigt le sous-développement. Qu’en déplaise au décroissants, les grands fleuves Yangtse, Indus, Jaune, Hai, Nil, Ganges, Perle, Amour, Niger ainsi que le Mékong fournissent 95 % des plastiques qui envahissent les océans.

Là, au fil du temps, ces déchets se décomposent en microparticules qui souvent s’agglomèrent avec d’autres toxines. Pour aggraver la situation, s’ajoutent les dégâts engendrés par notre surconsommation d’antibiotiques et nos textiles synthétiques (dont un seul lavage en machine peut libérer jusqu’à 700 000 particules de plastique). Ces dernières échappent aux filtres de nos stations d’épuration et finissent dans les océans pour y perturber le métabolisme de la faune et de la flore marine.

Or la production de plastiques compostables ou entièrement biodégradables se fait attendre. Parmi les filières les plus prometteuses : les macro et micro-algues. Les premières entrent déjà dans la fabrication de produits de beauté, médicaments, nourriture pour animaux ou encore « vaccins » pour nos légumes.

Une PME bretonne vient de relever le défi de produire des matériaux alternatifs au plastique, à partir d’algues disponibles en abondance sur les plages finistériennes. Les variétés furent choisies après des mois de recherche et d’échanges avec le CEVA (Centre d’études et de valorisation des algues) et la station biologique de Roscoff (CNRS/université de la Sorbonne).

Emballages alimentaires, clés USB, montures de lunettes, jouets de plage, plateaux de bûche de Noël, potences d’éprouvettes ou pot de fleurs 100 % biodégradable qui, une fois enterré, apporte une valeur nutritive aux plantes, autant d’objets fabriqués à partir de ce matériau biologique. Pour s’approvisionner, la société envisage l’achat de sargasses, ces algues qui gâchent le tourisme des Antilles, couvrant à perte de vue la blancheur des plages d’une épaisse couche brunâtre et malodorante.

Autre piste : les micro-algues et les bactéries marines. L’ESA en a compris toute l’importance. Son programme MELISSA étudie depuis trente ans leur utilisation , notamment la spiruline, pour transformer, lors des futurs vols habités vers la Lune ou Mars, les exhalations et excrétions des astronautes (notamment le CO2 et l’urine) en oxygène, en protéines et en eau douce.