Syrie : fin d’une guerre ignoble et retour au « concert des nations »

vendredi 3 août 2018

Après sept ans de guerre, la victoire militaire sur les terroristes djihadistes est plus proche que jamais. C’est un échec retentissant pour la politique impérialiste des néo-conservateurs anglo-américains et de leurs complices, comme l’Arabie Saoudite et … la France.

L’armée syrienne prépare actuellement ses forces en vue de l’assaut contre l’un des derniers gros foyers de djihadistes se trouvant à Idlib et aux alentours. Des unités de l’armée pilonnent également des villages contrôlés par les djihadistes dans la province d’Hama. Au nord de Lattaquié, d’importantes forces militaires se réunissent, dont des unités des Forces de défense nationale et de la Garde républicaine, ainsi que la 4e division blindée, rejointes bientôt par les « Tiger Forces » (les unités d’élites syriennes), en prévision de la bataille décisive dans le nord-ouest, dont l’enjeu est de sceller la frontière turco-syrienne et de reprendre le contrôle du district stratégique de Jisr Al-Shughour, qui se trouve actuellement entre les mains des djihadistes.

Dans le nord-est, le Conseil démocratique syrien (CDS), une alliance arabo-kurde soutenue par Washington, a pour la première fois engagé des pourparlers avec le gouvernement de Damas, afin de trouver un terrain d’entente pour assurer la réunification du pays sous l’autorité légitime du gouvernement. Une délégation du CDS est arrivée en fin de semaine dernière à Damas pour cela, sans qu’aucune précondition à l’ouverture du dialogue n’ait été imposée, et avec l’idée que ce dialogue devra durer le temps nécessaire. Le coprésident du Conseil démocratique syrien, Riad Darar, qui fait partie de cette délégation, a déclaré que ces pourparlers pourraient « faciliter l’entrée de l’armée dans les territoires à majorité kurdes à l’est de l’Euphrate » en échange d’une « reconnaissance par la Constitution syrienne des droits culturels kurdes ».

Pendant ce temps, la priorité est désormais donnée au retour des millions de réfugiés syriens, et la Russie est très active pour en créer les conditions, en particulier pour ceux qui se trouvent dans les pays voisins de la Syrie. L’envoyé spécial de la présidence russe en Syrie, Alexander Lavrentyev, s’est rendu le 26 juillet à Beyrouth pour y rencontrer le président libanais Michel Aoun. « Les gens comprennent que le gouvernement et l’appareil de sécurité gouvernemental ne représentent aucune menace, et qu’ils peuvent retourner chez eux, dans les territoires se trouvant sous le contrôle du gouvernement », a déclaré Lavrentyev devant les journalistes.

Aoun, dont le pays accueille plus d’un million de Syriens, a apporté tout son soutien au plan russe, et plusieurs centaines de réfugiés ont d’ores et déjà pu retourner dans leur pays grâce à des convois de bus organisés par les gouvernements syrien et libanais. Le chef de la sécurité libanaise, Abbas Ibrahim, estime que « dans les prochains jours nous allons assister au retour de centaines de milliers de réfugiés depuis le Liban ». D’après le ministère russe de la Défense, plus de 100 000 réfugiés syriens sont déjà retournés chez eux depuis le début de l’année.

La reconstruction économique est également à l’ordre du jour, activement encouragée par la Russie et la Chine. Le gouvernement syrien vient notamment de lancer un programme pour la reconstruction de la province d’Alep, impliquant le rétablissement d’infrastructures publiques et la construction de logements.

Rideau sur la « fin de l’histoire »

Ce dénouement met non seulement fin à un processus qui menaçait de détruire l’un des berceaux de la civilisation humaine, modèle de pays multiconfessionnel et facteur de stabilité pour tout le Moyen-Orient, mais il met surtout un coup d’arrêt au cycle infernal de guerre enclenché par les néo-cons à la fin de la guerre froide, qui visait à imposer au monde l’hégémonie incontestée du capital financier et criminel de la City de Londres et de Wall Street.

La stratégie de changement de régime, qui a été suivie en Afghanistan, en Irak et en Libye, sous la bannière hypocrite de la « responsabilité de protéger » les populations promue par Tony Blair, apparaît désormais pour ce qu’elle est : une politique néo-coloniale brutale et cynique, dans laquelle les pays de l’Otan n’ont pas hésité soit à coopérer directement avec les groupes djihadistes, soit à favoriser leur progression, comme l’avait dénoncé à propos de Daesh le général Michael Flynn en 2015, avant de démissionner de son poste de directeur du renseignement militaire américain.

Les responsables de cette ignominie devront rendre des comptes devant la justice, à commencer par notre ancien ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, qui avait déclaré fin 2012 que Jabhat al-Nosra (Al Qaïda) faisait « du bon boulot » en Syrie.

Le fantasme de la « fin de l’histoire » des élites mondialistes, théorisé en 1990 par Francis Fukuyama, où la disparition des État-nations et l’avènement des marchés globalisés était censé mettre fin aux conflits et établir une paix universelle, a produit l’exact contraire, et il est en passe de se dissiper comme un mauvais rêve. Les alliances et coopérations qui s’établissent et se consolident entre les différents pays et organisations régionales ou mondiales comme les « BRICS-Plus », l’Initiative chinoise de la ceinture et la route, l’Organisation de la coopération de Shanghai, etc, sont en train de définir un nouvel ordre mondial où les nations parviennent à mettre de côté les motifs de conflits et envisagent une coexistence pacifique autour de projets de développement économique mutuels.

La rencontre d’Helsinki entre Poutine et Trump, en dépit des réactions hystériques et des tentatives de sabotage des deux côtés de l’Atlantique, s’inscrit dans ce processus, et en représente même potentiellement un point d’inflexion. Car le rétablissement du dialogue entre la Russie et les États-Unis va être déterminant pour résoudre les points chauds restant dans le monde. Depuis le mois de juin, les deux chefs d’État-major Joseph Dunford et Valery Gerasimov entretiennent désormais des contacts réguliers, en particulier sur la Syrie. On rapporte d’ailleurs que lors de leur rencontre à Helsinki, en marge du sommet entre les deux chefs d’État, Dunford et Gerasimov ont discuté de la coordination de leurs actions militaires respectives à l’approche de l’attaque de l’armée syrienne à Idlib.

Le gouvernement français, quant à lui, se trouve à l’heure des choix, car il ne sera pas tenable de rétablir des relations de détente et même de coopération avec la Russie – comme on l’a vu avec l’opération humanitaire conjointe en Syrie – tout en préservant nos relations avec les responsables de cette politique de guerres impériales comme l’Arabie Saoudite, auprès de qui la ministre de la Défense, Florence Parly, vient de réaffirmer le soutien de la France dans sa guerre au Yémen.

Il est donc temps que les Français remontent sur la scène de l’histoire !