Leo Strauss : l’idéologie fasciste des néoconservateurs

dimanche 30 janvier 2005

[sommaire]

Pour Léo Strauss (1899-1973), la tromperie perpétuelle des citoyens par les dirigeants est indispensable car les premiers ont besoin d’être dirigés et il leur faut des dirigeants forts qui leur disent ce qui est bien pour eux.

Lorsqu’on examine la philosophie, ou plutôt l’idéologie, qui sous-tend la doctrine impériale du gouvernement américain, on décèle deux courants essentiels. Ce qui frappe d’abord, c’est l’empreinte du fondamentalisme religieux, voir du mysticisme, qui transparaît de tous les discours du président Bush et de son ministre de la Justice, John Ashcroft. C’est ainsi qu’il est question de « croisade du bien contre le mal », le bien étant incarné, bien entendu, par l’Amérique, et le mal par tout pays qui s’oppose à elle. D’autre part, on découvre une école politique « plus subtile », remontant à feu Leo Strauss, qui défend ouvertement l’impérialisme et la « loi du plus fort ».

Professeur de philosophie politique à l’université de Chicago de 1953 à 1973, Strauss a créé toute une génération d’idéologues et de politiciens qui, aujourd’hui, sont infiltrés dans le gouvernement américain et dans le milieu néo-conservateur.

Tom Friedman, un journaliste du New York Times, commente qu’il pourrait citer « le nom de 25 personnes et que, si on les avait envoyées il y a un an et demi sur une île lointaine, il n’y aurait pas eu de guerre en Irak ». Il exagère à peine. Ce petit nid de néo-conservateurs existe bel et bien, et la plupart d’entre eux sont des disciples de Leo Strauss (voir encadré). Tony Papert aborde ici l’approche philosophico-politique de Strauss et de son collaborateur Allan Bloom, tandis que Barbary Boyd s’intéresse à l’alliance entre idéologie fasciste et fondamentalisme chrétien.

La série de textes suivants devraient permettre à nos lecteurs de mieux comprendre les enjeux et d’itentifier les faiblesses du régime présentement en place aux Etats-Unis. Nous avons réunis deux textes récents sur Leo Strauss et Carl Schmitt, ainsi qu’un texte plus ancien sur Schmitt et une analyse du projet de loi que s’apprête à soumettre le ministre de la Justice John Ashcroft au Congrès américain.

Les réseaux straussiens

Le principal straussien dans l’administration Bush est le vice-ministre de la Défense, Paul Wolfowitz, qui a étudié auprès d’Allan Bloom à l’université de Chicago. Depuis les années 70, il compte parmi ses collaborateurs Richard Perle, Steven Bryen et Elliot Abrams. On peut en citer un autre, l’ancien directeur de la CIA, James Woolsey, aujourd’hui membre du Defense Policy Board.

Dans le domaine des médias, on trouve John Podhoretz, rédacteur du New York Post et ancien éditeur du Weekly Standard, ainsi qu’Irving Kristol, éditeur de longue date de Public Interest, l’organe des néo-conservateurs, et collaborateur de l’American Entreprise Institute. Son fils William est un idéologue des républicains. Citons encore Werner Dannhauser, un protégé personnel de Strauss qui a quitté le monde universitaire pour assurer la rédaction de Commentary, après le départ à la retraite de Norman Podhoretz, ainsi que deux autres membres de la rédaction du Weekly Standard, David Brook et Robert Kagan, le fils d’un professeur straussien de Yale, Donald Kagan.

Côté justice, mentionnons le juge de la Cour suprême, Clarence Thomas, et le ministre de la Justice, John Ashcroft. Pour ce qui est du gouvernement, on y trouve Lewis Libby, directeur de cabinet du vice-président Richard Cheney et ancien élève de Wolfowitz à Yale. Après le 11 septembre 2001, insatisfait des renseignements fournis par la CIA et l’intelligence militaire, Abram Shulsky fut nommé à la tête d’une unité de renseignements au sein de la bureaucratie civile du Pentagone, censée produire, sinon inventer, tous les montages dont les faucons avaient besoin pour justifier la guerre contre l’Irak. Straussien convaincu, Shulsky anime encore aujourd’hui des débats sur la pensée du « maître ».
Parmi les « penseurs » et stratèges, on compte l’auteur du Choc des civilisations, Samuel Huntington, ainsi que Francis Fukuyama et Allan Bloom, décédé récemment.

Tenus plutôt à l’écart du gouvernement pendant la présidence Clinton, les straussiens ne sont cependant pas restés inactifs. En plus de l’élaboration de doctrines militaires, dont celles qui ont cours actuellement, ils ont notamment rédigé un document pour le gouvernement israélien (Clean Break), prévoyant la fin des accords d’Oslo. Plusieurs disciples de Strauss et de Bloom avaient d’ailleurs émigré en Israël où ils militaient contre la paix. L’Institute for Advanced Strategic and Political Studies (IASPS) a été créé à Washington et à Jérusalem en 1984, afin de promouvoir le libre-échange et explicitement, dès 1996, la pensée de Strauss.

Début 1997, William Kristol et Robert Kagan, deux « intellectuels dans la tradition de Strauss », ont lancé à Washington, en collaboration avec l’American Entreprise Institute, une organisation intitulée Project for the New American Century, dans le but exprès de promouvoir la présence militaire américaine partout dans le monde, pour y tenir littéralement le rôle de « gendarme du globe », à commencer par l’Irak. Le 3 juin 1997, cette organisation a publié un acte de fondation, appelant à une nouvelle politique étrangère basée sur l’« hégémonie globale bienveillante » des Etats-Unis. Parmi les signataires de cette lettre : Elliot Abrams, William Bennett, Jeb Bush (frère du Président), Dick Cheney, Francis Fukuyama, Lewis Libby, Norman Podhoretz, Donald Rumsfeld et Paul Wolfowitz.

Et les straussiens ont aussi essaimé en France ! Il y a Pierre Hassner, ancien professeur de l’université de Chicago, qui rédigea les chapitres sur Hegel et Kant de l’ouvrage de Strauss-Cropsey (Hassner collabore avec l’Institut européen des études sur la sécurité), Pierre Manent, qui enseigne au Centre de recherche Raymond Aron, à Paris, et qui est l’un des fondateurs de la revue Commentaire à laquelle il contribue régulièrement. Citons encore Terence Marshall, qui enseigne à l’université de Nanterre. Tous trois sont d’anciens élèves et collaborateurs d’Allan Bloom.

Le « Royaume secret » de Léo Strauss

par Tony Papart

Il y a une dizaine d’années, un camarade et moi, nous nous étions mis à lire le livre d’Allan Bloom, l’Ame désarmée (The closing of the American Mind) et cela nous plaisait assez. Pourquoi ? Son rejet de la contre-culture nous semblait venir droit du cœur. Il y racontait par exemple comment, en tant que professeur, il amenait ses propres disques pour les faire écouter à ses élèves dans leurs résidences, les incitant à couper un instant le rock pour écouter Mozart avec lui. Bloom dénonçait également avec passion le fait qu’on n’apprenait quasiment plus rien dans les facultés, et j’étais parfaitement d’accord là-dessus. Même si je constatais des divergences notables, je lui accordais le bénéfice du doute, me disant qu’un jour j’allais découvrir que ce n’était que des regrettables malentendus.

Avec mon ami, nous avions donc la ferme intention de l’intéresser aux idées et à la campagne de Lyndon LaRouche. Mais avant, je décidais qu’il fallait que j’en sache un peu plus.

Comme tous ceux qui l’ont lu s’en souviennent, l’Ame désarmée de Bloom vous laisse toujours un arrière-goût particulier, chaque fois qu’on referme le livre. En plein dans l’exposé du sujet, Bloom glisse soudainement des déclarations fortes et inattendues, apparemment hors sujet et sans développement ultérieur. Aussi, précisément pour cette raison, ces remarques vous trottent pendant un bout de temps dans la tête.

Je m’en rappelle deux, en particulier. Bloom écrit que lors du procès de Socrate, certaines personnes souhaitaient le voir acquitté : ces gens n’étaient pas les « gentlemen ». Je n’avais jamais entendu ce mot dans ce contexte, mais Bloom nous laissait là, sans jamais reprendre le fil. Un peu plus loin, il dit que Socrate était accusé de ne pas croire aux dieux de la cité, mais qu’il n’avait jamais contesté cette accusation. Suite à mon embarras face à cette accusation, j’ai fini par trouver le passage dans l’Apologie de Socrate, où Socrate conteste précisément cette accusation. Or ce Bloom passait pour le spécialiste de la Grèce classique et le traducteur réputé de Platon. Où voulait-il en venir ?

Quand j’appris qu’Allan Bloom avait été l’élève du professeur Léo Strauss, à l’université de Chicago, je décidai qu’il me fallait savoir ce que Strauss racontait. La seule chose que je savais de lui me venait d’un ami, dont la mère avait suivi ses cours à la New School de New York, entre 1938 et 1948. Elle était tout émerveillée par sa maîtrise du Grec ancien et sa minutie pour les textes.

Léo Strauss, né en 1899 d’une famille de juifs orthodoxes des environs de Marbourg, en Allemagne, vécut aux Etats-Unis de 1938 jusqu’à sa mort, en 1973. De la bonne douzaine de livres qu’il écrivit, je décidai de lire Socrate et Aristophane, car le sujet me tenait à cœur. Mais tout me semblait sans art et extrêmement lourdaud. Les nuées d’Aristophane sont une pièce fondamentale pour la compréhension des enjeux que soulève Socrate, mais Strauss nous amène illico dans sa traduction de la pièce, une traduction très terre à terre, ornementée de long commentaires sur la mise en scène, qui finissent par parasiter les dialogues.

A l’époque, j’avais un ami qui avait reçu une formation classique et animait une série de conférences-débats sur La République de Platon pour les militants de la campagne de Lyndon LaRouche, lui-même en prison suite à une machination politique comparable à celle ourdie contre Socrate à Athènes. Or cet ami, qui dirigeait ce séminaire, avait reçu sa formation de Stanley Rosen, un adepte de Strauss. J’ai toujours eu le pressentiment que cette série d’exposés sur Platon était fort problématique. Certaines parties, comme celle sur l’histoire d’Athènes, avaient beaucoup d’intérêt, mais d’autres étaient sans fondement. Comme l’affirmation inquiétante selon laquelle Socrate « séduisait » son public. Plus troublante encore était cette espèce de malaise qui pesait sur chaque discussion.

En fin de compte je me rendis à l’évidence qu’à travers Stanley Rosen, Léo Strauss avait transmis l’état d’esprit que lui avait inculqué son professeur, Martin Heidegger. Shadia Dury raconte « que rien n’avait plus impressionné Léo Strauss que la façon dont Heidegger avait décortiqué la "Métaphysique". Il pensait que l’approche d’Heidegger mettait à nu, à merveille, les tendons intellectuels d’un texte, et pour lui, c’était du jamais vu. Heidegger avait la réputation d’exercer un effet hypnotisant sur ses élèves et on l’accusait de se livrer à une sorte de " rudoiement mystique". Son but n’était plus de faire naître une compréhension mais d’initier dans une secte mystique. C’est précisément la raison qu’évoqua Karl Jaspers, dans sa lettre à la commission sur la dénazification, pour plaider contre le retour de Heidegger dans l’enseignement, après la guerre. Il y disait en substance que son enseignement était profondément dépourvu de liberté et que les élèves manquaient de force pour résister à son envoûtement. La jeunesse n’était pas en sécurité avec Heidegger jusqu’à ce qu’elle soit capable de penser par elle-même, et dans ce domaine, Heidegger n’était pas l’idéal. A une échelle plus limitée, on pourrait en dire autant de Strauss. »

Le mouvement larouchiste a aussi des antennes au collège Saint-Jean d’Annapolis, dans le Maryland, dont j’eus le plaisir de rencontrer l’un des professeurs. Brièvement, il m’esquissa les axes des cours. Sur les dialogues de Platon, il m’avoua que le professeur ne se couchait pas la nuit et comptait chaque mot du dialogue afin de montrer à la classe le mot central : par exemple le 25 000ème mot sur 50 000, supposé indiquer l’idée centrale de l’œuvre. J’éclatai : « Ça sonne comme du Strauss ! ». « Oui, répondit-il, Strauss est très influent dans le curriculum classique à Saint-Jean. »

Alors, est-ce un hasard que les livres de Strauss, en particulier les derniers, soient illisibles ? Non, je suis convaincu du contraire. Le but visé est qu’un grand nombre de lecteurs se lassent après n’y avoir trouvé que des choses assez banales, comme le conseil d’être moral, d’avoir un sens patriotique et de vivre dans la crainte de Dieu. Toutefois, quelques « jeunes garçons intelligents » (jamais des « femmes », ni des « gens »), intrigués par les « obiter dicto », ces remarques fragmentaires, presque toujours « hors propos », se demanderont « de quoi parle-t-il maintenant ? Je dois le savoir. » Ils sont alors pris à part et suivent un enseignement en privé, individuellement.

Ce soi-disant savoir secret que Strauss inculqua à Pangle, Bloom, Werner Dannhauser et bien d’autres, y compris le protégé de Bloom, Paul Wolfowitz, n’est en réalité que du Nietzsche pur et dur, seuls les noms étant changés. Le « surhomme » de Nietzsche devient « le philosophe » ; chez Strauss.

C’est l’homme rare, capable de supporter la vérité. Cette vérité, c’est qu’il n’y pas de Dieu, que l’univers n’a que faire de l’homme et de l’espèce humaine et que l’entièreté de l’histoire humaine n’est qu’une minuscule poussière insignifiante sur la croûte de l’univers, dont la naissance coïncide quasiment avec la disparition. Il n’existe ni moralité, ni bien ni mal, et toute discussion sur l’au-delà n’est que commérage. D’ailleurs, dans un panégyrique, Strauss disait d’un collègue : « Je pense qu’il est mort comme un philosophe, sans crainte ni espoir. » Mais évidemment, l’immense majorité de la population est si incapable de faire face à la vérité qu’elle appartient quasiment à une autre race. Nietzsche l’appelle « le troupeau » ou encore « les esclaves ». Ils ont besoin d’un Dieu père fouettard, de la crainte d’une punition après la vie, et de la fiction du bien et du mal. Sans ces illusions, ils deviendraient fous et se révolteraient, ce qui empêcherait toute forme d’ordre social. Puisque la nature humaine est ainsi faite et ne changera jamais, selon Strauss, ce sera toujours comme ça.

C’est le surhomme/philosophe qui fournit au troupeau les croyances religieuses, morales et autres, dont il a besoin, mais dont il sait très bien, lui, qu’elles sont erronées. Nietzsche appelait ces surhommes les « prêtres athées », et Strauss affirme que ses mensonges sont des « mensonges nobles ». Ce qui ne veut pas dire qu’ils servent le bien ! Car le bien, la charité et la bienveillance sont méprisés par Nietzsche et Strauss, comme indignes des dieux et des hommes/dieux. En réalité, les « philosophes » n’utilisent ces manigances que pour plier la société à leurs propres intérêts.

Par ailleurs, les philosophes font appel à toutes sortes de gens utiles, y compris les « gentlemen », ce mot qui m’avait frappé auparavant, quand Bloom parlait du procès de Socrate. A la place des savoirs secrets ou « ésotériques », les futures « gentlemen » sont formatés dans les connaissances « exotériques » ou publiques. On les dresse à croire à la religion, à la moralité, au patriotisme et à la chose publique et certains deviennent hauts fonctionnaires. Bien sûr, en plus de ces vertus, ils croient aussi aux philosophes qui leur ont enseigné toutes ces bonnes choses. Ces « gentlemen », qui deviennent des politiques, continueront à écouter à vie les conseils des philosophes. La gouvernance du monde par l’intermédiaire de ces golems implantés dans les gouvernements est ce que Strauss appelle le « Royaume secret » et pour beaucoup de ses élèves, c’est la mission de leur vie.

Bloom passait la plupart de son temps comme une araignée au centre de sa toile, à répondre au téléphone, mettant en communication de multiples correspondants, administrant la carrière et la vie sentimentale de ses acolytes. Pendant la guerre du Golfe, en 1991, il reçut un appel de Wolfowitz sur son portable. Celui-ci l’informait que la Maison Blanche annonceraient le lendemain sa décision de ne pas aller jusqu’à Bagdad. Bloom les traita de couards.

Plus d’un an après le 11 septembre, le « Royaume secret » de Strauss leur semble réalisable, ou peut-être y sommes-nous déjà. Cette perspective a dû émerveiller Nietzsche, dans les derniers jours de son délire.

Strauss, Carl Schmitt et le Troisième Reich

par Barbara Boyd

Il est indispensable de connaître le contexte historique dans lequel se sont développées les idées de Leo Strauss et de son professeur et collaborateur Carl Schmitt. Les néoconservateurs modernes ont reconceptualisé la théorie fasciste de Schmitt afin qu’elle s’intègre bien aux structures de croyance « fondamentalistes chrétiennes », une évolution assez inquiétante de l’administration Bush au sein de laquelle néo-conservateurs et fondamentalistes chrétiens sont légion. Selon le professeur allemand Heinrich Meier, il faut remonter à la source : la collaboration, dans les années 30, entre Strauss et Schmitt sur la théorie d’Etat totalitaire telle qu’elle a été développée par Schmitt.

Les nazis nommèrent Carl Schmitt « juriste principal du Troisième Reich » parce qu’il avait réussi, dès 1919, à dénaturer la Constitution de la République de Weimar. En tant que professeur influent et conseiller juridique des gouvernements successifs de Brüning, Von Papen et Hitler, Schmitt détruisit un système constitutionnel qui avait été fondé sur les idéaux de libéralisme politique et de droits individuels. En effet, considérant ce système impuissant, corrompu et inadéquat pour prendre les mesures requises alors que l’Allemagne sombrait économiquement, il proposa de mettre en place un régime d’exception gouvernant par décret et d’établir momentanément une dictature présidentielle afin de « sauver » la Constitution.

Schmitt admirait beaucoup Mussolini et s’était entretenu avec lui sur le droit romain. Selon Schmitt, le dictateur italien avait imaginé un système parfait fondé sur un Etat autoritaire, l’Eglise, une économie de libre-entreprise et un mythe fort pour stimuler et fasciner la volonté du peuple.

Quand les nazis orchestrèrent l’incendie du Reichstag, le 27 février 1933, aboutissant à la suspension des droits par Hitler et à la mise en place de la dictature, Schmitt fournit le cadre juridique justifiant ces mesures. Selon Schmitt, le pouvoir du Fürher était démocratique car ses ordres pouvaient être adoptés directement par référendum ou plébiscites, plutôt que de perdre du temps avec d’interminables discussions impuissantes et des votes au Parlement. La collaboration de Schmitt avec Hermann Göring et Hans Frank permit d’adapter tout le droit allemand à la théorie nazie et sa collaboration avec Heidegger permit de purger les universités allemandes des juifs et autres éléments « indésirables « . Quand Hitler envahit la Pologne, Schmitt justifia la légalité de la guerre préventive au motif que la sécurité nationale allemande avait besoin d’un Grossraum, une sphère d’influence pour protéger le Reich des hordes bolcheviques envahissantes.

Le droit fasciste de Schmitt est une mixture mêlant le droit Romain aux théories de Donoso Cortes, G.W.F. Hegel et, surtout, de Thomas Hobbes, qui considérait que les vérités universelles n’étaient qu’une illusion et réduisait l’existence de l’homme à la guerre de chacun contre tous. Selon Schmitt et Hobbes, l’homme n’est pas bon de façon inhérente, mais « déchu « et, en conséquence, mauvais et dangereux. Dans une remarque célèbre, Schmitt avait affirmé : « Si l’homme n’était pas mauvais, alors mes idées seraient mauvaises. « En tant qu’étudiant de Schmitt, ainsi qu’après son émigration, Leo Strauss collabora à l’adaptation de Hobbes à l’idéologie nazie. Schmitt fut si impressionné par Strauss qu’il obtint pour lui une bourse de Rockefeller afin de l’envoyer étudier Hobbes en Angleterre. La correspondance de Strauss et Schmitt entre 1932 et 1933 amena Schmitt à revoir de façon significative son propre travail - Le concept du politique.

Guerre de religion et régime d’exception

Heinrich Meier, un professeur associé à la Fondation Siemens en Allemagne, a écrit deux études sur la philosophie de Schmitt et de Strauss qui font autorité parmi la droite straussienne en Allemagne et aux Etats-Unis. Meier est un protégé d’Armin Mohler, l’élève de Schmitt qui joua un rôle clé, autant pour réhabiliter son maître et le remettre en vogue en Allemagne et aux Etats-Unis, que pour promouvoir la « révolution conservatrice ». Avant de s’intéresser à l’étude de Schmitt, certains critiques de Meier pensent que celui-ci aurait « travaillé sur le "biosocialisme", une forme de darwinisme social raciste reposant sur la thèse de l’inégalité naturelle de l’homme ».

Meier explique que la collaboration entre Strauss et Schmitt permit de replacer les idées de ce dernier dans un contexte théologique s’inscrivant parfaitement dans la révélation « chrétienne « et dans un impérialisme basé sur le choc des civilisations, lequel nous entraîne dans une guerre de religions afin de maintenir la vivante présence de Dieu dans la culture humaine.

Au début, Schmitt définit la politique comme une sphère de l’activité humaine, uniquement déterminée par la relation entre ami et adversaire. En s’opposant à la recherche de la paix et du consensus à tout prix, en d’autres termes la démocratie libérale, il écrit qu’un peuple ou Etat ne trouve son identité et sa vitalité qu’en identifiant un ennemi et en se mobilisant contre lui. Il ajoute que la seule souveraineté légitime est celle qui définit la situation exceptionnelle et l’adversaire dans cette situation. La République de Weimar, selon Schmitt, manquait de « leadership charismatique », sans lequel un Etat est un « régime bureaucratique » sans orientation. Ainsi, Schmitt transforme-t-il la « guerre de chacun contre tous » de Hobbes en guerres de groupes ou d’Etats contre d’autres. Il affirme, comme Kissinger depuis le 11 septembre, que l’ordre « westphalien » de l’Europe, avec ses Etats-nations souverains, a été complètement brisé par la Première Guerre mondiale. Schmitt souligne le fait que ce qui détermine la légitimité d’un Etat, c’est la façon dont il réagit face à un « danger concret » et non son objectif moral.

Toutefois, Meier pense que la foi constitue la force directrice cachée de la dichotomie ami-adversaire chez Schmitt, c’est-à-dire l’obéissance du leader vis-à-vis de la révélation divine en déterminant concrètement qui est l’ennemi à un moment donné de l’histoire. Strauss suggère ouvertement à Schmitt de « reconnaître » cette force directrice. C’est dans ce débat que Strauss élaborera son idéologie politique synthétique. Il insiste auprès de Schmitt pour que celui-ci ne considère pas le « politique » comme une sphère d’activité humaine parmi d’autres, comme le font les libéraux, mais plutôt comme l’activité humaine première, bien qu’imprégné d’une puissante hérésie religieuse.

Avec Schmitt, revu et corrigé par Strauss, la foi en Dieu apporte le fondement pour la distinction ami-ennemi qui préserve la suprématie du politique sur les autres sphères de la société. La foi enseigne l’opposition de Dieu et de l’Antéchrist « mais laisse à l’homme une totale latitude d’action en décidant où et sous quels traits apparaît l’Antéchrist et comment s’opposer à lui efficacement ».

A travers la politique libérale de la modernité, explique Strauss, l’Antéchrist a commencé à établir son règne en convaincant les hommes qu’ils « n’ont plus besoin de choisir entre le Christ et l’Antéchrist ». Ainsi, l’Antéchrist est un libéral qui cherche à convaincre les hommes d’abandonner l’opposition entre ami et ennemi, laquelle constitue l’élément vital de la politique et de la religion.

La version straussienne de Schmitt légitimise toutes les guerres de religion. Une fois que cette définition du politique est comprise en tant qu’identité première de toute société, alors les relations au sein de l’Etat peuvent aussi être définies par la notion fondamentale d’inimitié, « l’ennemi intérieur » qui est contre « quoi que ce soit qui est de Dieu ».

Carl Schmitt, théoricien de la dictature
et de la « gestion de crise »

par Barbara Boyd

Publié pour la première fois dans le journal Nouvelle Solidarité, le 9 février 2001.

Le principal juriste des nazis, Carl Schmitt, a puisé à différentes sources - dont le droit romain, Thomas Hobbes, Jean-Jacques Rousseau et Emmanuel Kant - pour concocter une théorie du droit synthétique qui subvertit la Constitution de la République de Weimar et rationalisa le putsch d’Hitler.

En 1929, l’Allemagne est frappée par la dépression. Cette année-là, Carl Schmitt est appelé auprès du gouvernement Brüning, puis de celui de von Papen, à qui il prodigue des conseils sur la façon de mettre en oeuvre une politique d’austérité à coups de décrets d’urgence. Son expertise juridique sur une dictature temporaire ou permanente, reposant sur l’Article 48 de la Constitution de Weimar, fournira la justification légale à la dictature instaurée par Hitler à partir de la déclaration d’urgence et de la suspension des droits fondamentaux, le 28 février 1933, jour de l’incendie du Reichstag.

Schmitt avait toutes les qualifications pour cela. Pendant la Première Guerre mondiale, il avait travaillé pour l’état-major, administrant la loi martiale. Depuis, il était fasciné par les concepts de gestion de crise en vigueur à l’époque : « régime d’exception » et « état d’urgence ». Selon lui, la légitimité de l’Etat est déterminée par son comportement face à un « danger concret » ou à une « situation concrète », plutôt que par son but moral. La propagation de la révolution russe représentait, pour lui, le plus grand péril pour l’Allemagne.

Se plongeant dans l’étude du fascisme italien et de Lénine, Schmitt en ressort fervent adepte de Mussolini, qui avait réussi à unir efficacement l’Eglise, un Etat autoritaire et une économie libérale et à créer un mythe puissant ralliant l’adhésion de la population. En outre, il était convaincu de l’impuissance d’un système fermé de lois positives et de normes démocratiques, face à des mouvements politiques charismatiques et aux mythes irrationnels diffusés par les bolcheviques pour recruter les masses. En présence de soulèvements sociaux, les « normes » démocratiques sont condamnées, d’après Schmitt, précisément parce que ces moments représentent des discontinuités non-linéaires et des moments « non types ».

Depuis la parution de son livre Le romantisme politique, en 1919, suivi chaque année d’autres livres et discours jusqu’à la fin de la République de Weimar en 1933, Schmitt attaque sans relâche cette République et sa Constitution. Ainsi, dans La crise de la démocratie parlementaire et Théologie politique, il qualifie de « romantiques » le libéralisme, la protection des droits individuels et le pluralisme de Weimar. Ces attaques rappellent celles de la révolution conservatrice et des populistes aujourd’hui aux Etats-Unis. La légitimité parlementaire, selon Schmitt, repose sur l’idée qu’une « discussion sans fin » peut déboucher sur la vérité, mais pour lui, le parlement de Weimar a depuis longtemps cessé de représenter le peuple. Schmitt commenta un jour que si on demandait à un social-démocrate de choisir entre « le Christ ou Barabbas », celui-ci ouvrirait des consultations avant de convoquer une commission pour étudier la question. Selon lui, le régime libéral et romantique a remplacé l’objectivité de Dieu par la subjectivité de l’individu, tandis que le clientélisme et les groupes d’intérêt rendent impossible toute action gouvernementale décisive, notamment en cas d’urgence.

Dans le concept du politique et Le dictateur, Schmitt développe sa réponse à la démocratie libérale et au positivisme juridique. L’existence de l’Etat, dit-il, présuppose l’existence du politique et le politique est déterminé avant tout par la relation entre ami et ennemi. Dans quelle autre relation trouve-t-on la légitimité empirique et objective de l’Etat, demande- t-il à à ces concitoyens, dans cette Allemagne dévastée par la guerre, en proie à l’effondrement économique et une crise sociale. Le souverain est avant tout, dit-il, l’individu qui est en mesure de reconnaître une situation d’exception et d’identifier l’ennemi.

L’Article 48

En proposant sa « solution » à la paralysie politique de la République de Weimar, Schmitt se concentre sur l’Article 48 de la Constitution, autorisant le gouvernement provisoire par décret-loi et la suspension pendant un temps limité de tout ou partie des droits fondamentaux, en cas de situation d’urgence [1]. S’inspirant du droit romain et de Napoléon III, Schmitt argumente que l’Article 48, qui instaure une dictature temporaire sans pour autant abroger la Constitution, constitue, dans des conditions de crise, la seule façon de gouverner. Cette dictature temporaire ayant pour but de sauver la Constitution existante, la conduite des affaires par le seul Président, en application de l’article 48, n’établit pas une dictature souveraine ou à long terme. Dans sa campagne pour légitimer sa théorie des pouvoirs présidentiels, Schmitt gagna le soutien du social-démocrate Hugo Preuss, l’auteur de la Constitution de Weimar, et de Max Weber, sociologue raciste notoire qui avait défendu l’intégration de l’Article 48 dans la Constitution de Weimar.

Alors que la dépression bat son plein, en 1929, le chancelier Heinrich Brüning demande à Schmitt de conseiller le gouvernement sur le maintien de la Constitution, dans le contexte du régime d’austérité draconienne qu’il compte appliquer en réponse à la crise économique, ce malgré l’opposition d’un parlement divisé. Dans une note adressée le 28 juillet 1930 au gouvernement, Schmitt soutient que l’Article 48 permet au Président, en cas d’urgence économique, d’émettre des décrets-loi, c’est-à-dire de légiférer sans tenir compte du parlement. En conséquence de l’austérité brutale imposée par Brüning, la représentation des nazis au parlement passa de 12 à 104 sièges aux élections du 14 septembre 1930. Brüning doit démissionner, laissant la place à von Papen, un conservateur radical d’intelligence moyenne.

Lorsque von Papen déclare la loi martiale et retire au SPD le gouvernement de la Prusse, Schmitt le défend devant la Cour suprême. Il soutient aussi avec force l’imposition par le gouvernement de mesures d’austérité encore plus brutales, avant tout des baisses de salaires et la réduction des allocations chômage. Dans un discours devant des industriels, en soutien au programme de von Papen, Schmitt développe les deux thèmes d’un « Etat fort » et d’une « économie libérale ». Seul un Etat autoritaire, maintient-il, peut assurer le succès d’une économie de marché pure. Tout en reconnaissant que la gestion de crise n’a pas amélioré la situation économique, il plaide pour l’utilisation de l’Article 48.

Le juriste des nazis

Comme Nouvelle Solidarité l’a documenté dans d’autres articles, Hitler est arrivé au pouvoir grâce au soutien de cercles importants de l’establishment américain et britannique, dont le grand-père de George W. Bush et des intérêts de la banque Morgan. En revanche, si la politique de reprise économique prônée par von Schleicher avait reçu davantage de soutien, on aurait pu éviter les événements funestes qui suivirent. Le 27 février 1933, les nazis, sous la houlette d’Hermann Goering, orchestrent l’incendie du Reichstag. Le lendemain, Hitler suspend les droits fondamentaux et commence à persécuter les communistes, accusés de sabotage, interdisant leur groupe au Parlement ; 4000 communistes (ou prétendus tels) sont aussitôt arrêtés.

Dans les sept semaines suivant la nomination d’Hitler au poste de chancelier, vingt décrets d’urgence sont émis en invoquant l’Article 48 de la Constitution de Weimar. Puis, le 23 mars, par 444 voix contre 94, le Reichstag adopte la « Loi de soulagement de la détresse du peuple et du Reich », les fameux pleins pouvoirs qui permirent à Hitler d’instaurer sa dictature. Cette loi restera en vigueur jusqu’à la fin du Troisième Reich, justifiant entre autres la condamnation des auteurs de l’attentat du 20 juillet 1944 contre le Führer. La loi sur les pleins pouvoirs transforme de fait la dictature temporaire en dictature permanente.

Dans un article paru dans le Deutsche Juristen Zeitung du 25 mars 1933, Schmitt loue dans cette loi une « révolution nationale triomphante », la comparant à la révolution allemande de 1918. Le nouveau gouvernement, d’après lui, serait l’expression de « la volonté politique de la nation qui cherche à mettre fin aux méthodes de l’Etat pluraliste, méthodes destructrices pour l’Etat et la Constitution. »

Pendant qu’il était au service des national-socialistes, Schmitt en référait directement à Hermann Göring et à Hans Frank. En tant que professeur de droit à l’Université de Berlin, il supervise un projet en vue de conformer l’ensemble du droit allemand à la théorie nazie. Il estime que le Reich se compose de trois éléments : l’Etat, le parti et le peuple. L’Etat s’occupe de l’administration, le parti représente la direction politique exécutant la volonté du peuple, et ce dernier, ou société civile, est libre de toute ingérence gouvernementale, protégé par l’ordre politique supérieur. Si les décrets du Führer nécessitent une légitimité démocratique, ils peuvent faire l’objet de référendums.

Carl Schmitt abolit l’homme

En révisant le code criminel, Schmitt affirme que la loi en vigueur renforce l’influence des criminels. Il critique durement la Cour suprême pour ne pas avoir condamné à mort les personnes accusées de l’incendie du Reichstag, du fait que la loi rendant l’incendie criminel passible de la peine capitale n’a été adoptée qu’après la destruction du parlement. Schmitt estime que les juges devraient pouvoir appliquer rétroactivement les lois, afin d’arriver au « bon » résultat, sans s’inquiéter de précédents abstraits ou inutiles. Dénonçant le droit bourgeois, il prétend que le « concept légal de l’homme cache et falsifie les différences entre citoyen du Reich, étranger, Juif, etc. (...) Considérer l’égal comme égal, et avant tout, l’inégal comme inégal, et insister sur les différences entre hommes de différentes races, nations et catégories professionnelles au sens des réalités données par Dieu, tels sont les objectifs des juristes académiques nationaux-socialistes », écrit-il.

Dans la presse des émigrés, où travaillent nombre d’anciens élèves de Schmitt, on commente ces remarques sous le titre : « Carl Schmitt abolit l’homme ».

Arrêté après la guerre pour être jugé au Tribunal de Nuremberg, il est détenu durant dix-huit mois mais jamais jugé. A sa libération, il se retire dans sa ville natale de Plettenburg où il s’efforcera, jusqu’à la fin de sa vie, de rétablir sa réputation en se présentant comme un « académicien victime des événements », un « théoricien » qui ne soutenait Hitler la brute que parce qu’il n’y avait pas d’autre choix.

Les mesures d’Etat policier de Patriot II

par Edward Spannaus

Publié pour la première fois dans le journal Nouvelle Solidarité, le 7 mars 2003.

Alors que l’Amérique s’apprête à entrer en guerre contre l’Irak et d’autres nations souveraines pour y « instaurer la démocratie », le département de la Justice américain s’empresse de supprimer des acquis démocratiques et des libertés individuelles aux Etats-Unis mêmes.

Sous prétexte de « guerre au terrorisme », le ministre américain de la Justice, John Ashcroft, bafoue la Constitution américaine et abolit certains droits civiques. Après plus d’un an de ratissages dans les milieux arabes et musulmans aux Etats-Unis, assortis d’arrestations, de poursuites et d’expulsions secrètes, le ministère de la Justice a élaboré en catimini une suite à la loi adoptée au lendemain du 11 septembre 2001 (« Patriot Act ») qui donnerait au gouvernement fédéral des pouvoirs dignes d’un Etat policier.

Pour nos lecteurs, cette dérive n’est pas surprenante. Dès janvier 2001, Lyndon LaRouche s’opposait, dans un témoignage écrit à la Commission judiciaire du Sénat, à la nomination de John Ashcroft, parce qu’il prévoyait que, dans des conditions de crise grave, ce dernier aurait recours à des mesures similaires aux décrets d’urgence émis dans l’Allemagne nazie de 1933.

En tant que ministre de la Justice, et avec la connivence de Donald Rumsfeld à la Défense, il a déjà autorisé la « détention militaire » de terroristes présumés, afin de les priver des sauvegardes prévues par le système civil de justice.

Le nouveau projet de loi, baptisé Patriot II, éliminerait nombre des protections traditionnelles accordées aux citoyens américains et aux immigrants légaux. Il permettrait notamment au ministère de la Justice d’ouvrir, sans autorisation de la Cour, une instruction secrète contre un terroriste présumé, de le mettre en détention et de le condamner.

Il est également clair que les dispositions de la nouvelle loi ne s’appliqueraient pas aux seuls terroristes présumés. Le texte est si général que même des protestations politiques ordinaires, dégénérant en actes de violence (même s’ils sont le fait d’agents provocateurs), pourraient être considérées comme des actes « terroristes », et même des contributions innocentes à une association à but non lucratif pourraient être considérées comme un « acte de soutien » au terrorisme.

Une copie de ce projet de loi « Patriot II » est parvenue au Center for Public Integrity de Washington, qui l’a divulguée. Sinon, on croit savoir qu’Ashcroft voulait attendre que la guerre contre l’Irak soit lancée ou que se produise un attentat terroriste d’envergure avant de le dévoiler, tout comme la loi « Patriot I » n’avait été rendue publique qu’après les attentats du 11 septembre.

Les dispositions du projet

Voici quelques-unes des dispositions du projet de loi :

Le gouvernement obtiendra plus facilement l’autorisation de recourir à la surveillance électronique et de mener des enquêtes secrètes dans des cas de « terrorisme » présumé. Actuellement, le ministre de la Justice peut autoriser le recours à des « écoutes téléphoniques » ou à des perquisitions sans autorisation de la Cour, dans les quinze jours suivant une déclaration de guerre de la part du Congrès. La nouvelle loi prévoit ce même délai de quinze jours après l’autorisation par le Congrès de l’utilisation de la force ou la déclaration d’un état d’urgence par le gouvernement. Signalons que ces deux conditions ont été remplies après le 11 septembre.

Actuellement, pour obtenir un mandat de surveillance ou de perquisition dans le cadre du FISA, le gouvernement n’a aucunement besoin que le suspect soit soupçonné de crime, mais seulement d’être un agent d’une organisation ou d’une « puissance » étrangères. Dans la nouvelle version, la définition de « puissance étrangère » peut inclure des individus non affiliés, n’agissant pas pour le compte d’un gouvernement étranger ou d’une organisation internationale.

Même une activité purement interne pourrait être l’objet d’une surveillance et d’une investigation secrètes au nom de la protection de la « sécurité nationale ». Ainsi des « activités conspiratrices menaçant les intérêts de la sécurité nationale » pourraient être sujettes à surveillance. Cette catégorie est si vaste et si vague qu’elle pourrait viser une activité politique normale d’opposition.

En outre, l’accès, pour le gouvernement, à certaines informations confidentielles personnelles - numéros de téléphone appelés, e-mails envoyés et reçus, sites internet visités - est si élargi qu’il n’est même pas besoin de soupçonner la personne en question d’un quelconque lien avec le terrorisme.

La nouvelle loi supprimerait certaines garanties traditionnelles touchant à la liberté individuelle, autoriserait des atteintes à la vie privée et couvrirait du sceau du secret certaines procédures légales. Les restrictions sur l’arrestation et la détention secrètes seraient assouplies, tandis que la confidentialité du casier judiciaire serait moins protégée. Signalons que depuis septembre 2001, on estime qu’environ 2000 personnes ont été détenues au secret, dont très peu étaient accusées d’un délit lié au terrorisme. La nouvelle loi prévoit aussi une période indéfinie de détention préventive, sauf si la personne peut démontrer pourquoi cette détention est injuste, ce qui est particulièrement difficile pour quelqu’un qui se trouve emprisonné et privé d’avocat.

En vertu de la nouvelle loi, la police américaine pourrait obtenir des mandats de perquisition sur simple demande d’un gouvernement étranger, même s’il n’existe pas de traité avec ce pays, comme c’est le cas actuellement. De même pour l’extradition où, là aussi, il n’y aurait plus besoin de traité en bonne et due forme avec le pays demandeur.

Les déportations sommaires, même d’immigrés légaux, sans aucun procès, seraient autorisées au motif de « protection de la sécurité nationale », notion bien vague !

Enfin, tout citoyen américain pourrait se voir retirer sa nationalité et être expatrié, si le parquet « présume » que, de par sa conduite, il accorde un soutien matériel à une organisation qualifiée de terroriste par le gouvernement - même si cette personne pensait, en toute bonne foi, soutenir une activité légitime.

Université de Californie
Les faucons démasqués !

par Nick Walsh

Armée de l’analyse de Lyndon LaRouche sur l’idéologie des va-t-en guerre, une brigade du mouvement des jeunes larouchistes (LYM) a eu l’occasion de confronter une volée de « faucons mouillés » le 2 avril à l’université de Californie, à Los Angeles (UCLA). Bien que ces partisans de la guerre permanente aient exprimé tout à fait ouvertement une partie de leurs intentions, les jeunes militants larouchistes les ont obligés à révéler quelque chose qu’ils auraient préféré garder secret : leur adhésion à l’idéologie insensée du fasciste Leo Strauss. Dévoiler ce secret est crucial pour arrêter la guerre en cours.

La conférence organisée à l’UCLA, consacrée au « changement de régime en Irak et au-delà », se vantait d’avoir pour orateurs principaux Paul Bremer, William Bennett et James Woolsey. Des trois, le plus fou est sans doute Woolsey, ancien chef de la CIA pendant la présidence de Bill Clinton, membre actuel du Defense Policy Board et apologiste de la guerre perpétuelle.

« Personnellement, dit-il, je n’aime pas du tout ce langage sur la "guerre au terrorisme". Je préfère le verbiage de mon bon ami Elliot Cohen, à savoir qu’il serait plus approprié d’appeler ce que nous entreprenons la Quatrième Guerre mondiale - la Troisième ayant été la Guerre froide. La Quatrième sera plus longue que les Première et Deuxième Guerres mondiales ».

Et de préciser les trois ennemis à combattre. « D’abord, les chiites islamistes, liés aux Hezbollahs, avec qui nous sommes en guerre depuis 25 ans. Deuxièmement, le parti Baas fasciste, avec qui nous sommes en guerre depuis 12 ans. Troisièmement, les sunnites se faisant passer pour des musulmans, avec qui nous sommes en guerre depuis les années 90 . »

Pour ce belliciste fou, les chiites iraniens devraient « se sentir dans une situation analogue à celle du Kremlin en 1988 ». Mais son délire ne s’est pas arrêté là. « Dans notre campagne pour propager la démocratie, nous allons rendre nerveux beaucoup de gens. Les Moubarak, les Saoudiens, qui disent déjà "vous, les Américains, vous nous inquiétez avec votre guerre en Irak, avec vos discours". Quelle devrait être notre réponse ? Eh bien, de leur dire très bien ! Nous voulons que vous soyez nerveux. Notre pays est en marche, et nous sommes du côté de ceux que vous craignez le plus, votre propre peuple. »

Sur la sellette

Après un commentaire du néo-conservateur William Bennett, ancien ministre de Ronald Reagan, les larouchistes ont pris la parole. Le premier intervenant a interrogé Bennett sur son attachement aux idées de Strauss. De toute évidence déstabilisé, celui-ci a dit qu’il n’avait jamais lu Strauss de sa vie.

Aussitôt, un deuxième militant, prenant le micro, s’est dit choqué par cette déclaration : « J’ai la transcription d’un débat dans lequel vous avouez être un straussien, comme Wolfowitz, Perle et Rumsfeld. Strauss lui-même était un élève du nazi Heidegger et de Carl Schmitt, qui a défendu la notion de "loi du plus fort" de Thrasymaques, contre la notion socratique de justice. Comment pouvez-vous côtoyer ceux qui défendent cette idée, tout en prétendant défendre la Déclaration d’Indépendance, qui est basée sur une notion socratique ? »

Devant l’embarras général et quelques protestations venant du podium, Bennett se tourna vers le modérateur pour lui demander s’il avait quelque chose à dire ! Celui-ci bégaya : « Je fus l’élève d’un des principaux élèves de Leo Strauss et je n’ai pas honte de le dire. »

Ah, on était déjà plus près de la vérité ! A la sortie de la réunion, devant les caméras de télévision, Woolsey déclara que « l’opposition, c’est LaRouche ». Puis, lorsqu’un militant demanda à Bennett pourquoi il avait menti concernant Strauss, il répondit, écarlate, « Certains de mes meilleurs amis sont straussiens ».

La campagne pour en démasquer d’autres continue !

Les instigateurs de la guerre permanente :
histoire et architectes de la nouvelle doctrine américaine de guerre préemptive

par Jeffrey Steinberg

La guerre contre l’Irak et l’occupation anglo-américaine du pays est l’œuvre d’un groupe relativement restreint d’individus qui y travaillent depuis plus de douze ans. Nombre d’entre eux sont des disciples du philosophe fasciste Leo Strauss.

Le dimanche 16 mars 2003, le vice-président américain Dick Cheney a accordé une interview d’une heure à Tom Russert pour son émission Meet the Press, sur NBC, au cours de laquelle il a clairement laissé entendre que, quoi qu’il fasse, Saddam Hussein n’empêcherait pas les Américains d’envahir l’Irak. A plusieurs reprises, il fit référence aux attaques du 11 septembre 2001, les qualifiant de « tournant historique » ayant justifié, pour la première fois, une guerre préventive unilatérale de la part des Etats-Unis.

En réalité, il y a une douzaine d’années déjà que ce même Cheney a épousé l’idée de guerre préventive - pas spécifiquement contre Saddam Hussein, mais contre toute nation ou groupe de nations osant défier la puissance militaire globale des Etats-Unis dans l’ère post-soviétique. Sur la question de la guerre préventive, Cheney a donc menti. Mais ce n’est que le sommet de l’iceberg.

En fait, la prestation du vice-Président américain était presque entièrement bâtie sur de la désinformation, en partie déjà discréditée.

Il prétendit notamment que Saddam Hussein travaillait activement à l’acquisition d’armes nucléaires, alors que quelques jours auparavant, l’inspecteur en désarmement de l’ONU, Hans Blix, avait déclaré devant le Conseil de sécurité que ces accusations reposaient sur des documents falsifiés. Dans le numéro du 31 mars du New Yorker, le journaliste d’investigation Seymour Hersh exposait en détail comment les enquêteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) avaient établi, en quelques heures, que les prétendus communiqués du gouvernement nigérien confirmant la vente de 500 tonnes d’oxyde d’uranium à Bagdad, étaient des faux grossiers, rédigés sur un entête officiel périmé depuis longtemps. Selon Hersh, les faux avaient été transmis à l’administration Bush par le service de renseignement britannique MI6 et auraient été fabriqués soit par ce dernier, soit par le Mossad, ou encore par des cercles de l’opposition irakienne, associés au Congrès national irakien (CNI) d’Ahmed Chalabi.

Le vice-président américain a également émis l’accusation, déjà totalement discréditée, selon laquelle Saddam Hussein entretenait des liens « de longue date » avec Al-Qaïda et serait sur le point de fournir aux terroristes des armes de destruction massive - biologiques, chimiques, et avec le temps, nucléaires. Pourtant, il savait pertinemment que le parti de la guerre - notamment l’ancien directeur de la CIA, James Woolsey - n’avaient trouvé, en dépit de leurs efforts acharnés, aucun élément de preuve crédible de tels liens, encore moins avant le 11 septembre 2001.

Quant à la guerre qui sera lancée quelques jours plus tard, Cheney prétendit qu’elle ne serait qu’« une simple balade » et que les Américains seraient accueillis à bras ouverts. Il alla jusqu’à prévoir que l’action militaire américaine pour renverser Saddam Hussein stabiliserait le Moyen-Orient. Citant à témoin Bernard Lewis, l’auteur du scénario d’« arc de crise » et de « carte islamique », Cheney déclara qu’une réponse ferme et forte des Etats-Unis aux menaces contre eux « contribuerait beaucoup, franchement, à calmer les choses dans cette partie du monde ».

Quelque 80 heures après l’apparition du vice-président à NBC, les Etats-Unis lancèrent contre l’Irak une guerre non provoquée et non nécessaire.

Le mensonge des straussiens

Les propos arrogants de Dick Cheney à « Meet the Press » et sa déclaration de guerre à l’Irak constituent le point culminant (provisoire) d’une campagne vieille de douze ans, destinée à redessiner la carte du Proche-Orient et du golfe Persique au moyen d’une guerre permanente et d’une mainmise sur les matières premières.

Plus encore, ils confirment le putsch politique opéré à Washington et préparé de longue date par un petit groupe de fanatiques néoconservateurs, dans le but politique de transformer les Etats-Unis, république constitutionnelle défendant l’intérêt général et une communauté de principes entre Etats-nations souverains, en une imitation moderne de l’empire romain, se livrant à des aventures impériales sanglantes à l’étranger et à une répression brutale sur le plan intérieur.

Ce n’est pas un hasard si la plupart de ces néoconservateurs sont des disciples de Leo Strauss, un philosophe fasciste d’origine allemande (1899-1973). Bien que juif, celui-ci, qui avait été actif au sein des cercles de Vladimir Jabotinsky, dans l’Allemagne des années 20, soutenait les idées du philosophe existentialiste Martin Heidegger, un admirateur de Nietzsche, et du juriste nazi Carl Schmitt, qui fournit les bases juridiques du putsch instaurant la dictature d’Hitler, en mars 1933, peu après l’incendie du Reichstag. C’est Schmitt qui, en 1934, obtint personnellement de la Rockefeller Foundation une bourse permettant à Leo Strauss de quitter l’Allemagne afin d’étudier à Londres et à Paris, puis aux Etats-Unis où il devint professeur à la New School for Social Research de New York et, par la suite, à l’université de Chicago.

Dans l’Allemagne des années 20 et 30, certains juifs qui adhéraient à l’idéologie nazie (tels Leo Strauss, ainsi que différents nietzschéens de gauche de l’Ecole de Francfort, dont Theodor Adorno, Max Horkheimer, Leo Lowenthal, Herbert Marcuse, etc.) voyaient cependant leur carrière bloquée par l’anti-sémitisme d’Hitler. Ils décidèrent donc, pour la plupart, de quitter l’Allemagne afin de poursuivre ailleurs leurs objectifs fascistes « universels », notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

Pour Leo Strauss et ses disciples, le « mensonge noble » - la désinformation - est crucial pour atteindre et conserver le pouvoir politique, qu’ils considèrent comme leur but ultime. Pour eux, il n’existe pas de principes universels, de loi naturelle, de vertu, d’agapê ni de notion de l’homme créé à l’image de Dieu.

L’un des chefs de file du courant straussien et propagandiste en chef du parti de la guerre à Washington, William Kristol, s’est clairement exprimé sur ce sujet dans une interview avec Nina J. Easton, l’auteur d’un profil des principaux dirigeants de l’insurrection conservatrice des années 90 intitulé Gang of Five (Simon & Schuster, 2000). Kristol lui dit : « L’un des principaux enseignements [de Strauss], c’est que toutes les politiques sont limitées et qu’aucune ne se base vraiment sur la vérité. Il existe donc une certaine disposition philosophique qui nous donne de la distance par rapport à ces luttes politiques (...). On ne se prend pas soi-même, ni les causes que l’on défend, aussi au sérieux qu’on le ferait si on les croyait vraies à 100%. Les mouvements politiques sont toujours pleins de partisans luttant pour leurs opinions. Mais c’est bien différent de "la vérité". »

Effectivement, depuis son bureau de rédacteur-en-chef du magazine Weekly Standard lancé en 1995 et financé par Rupert Murdoch, William Kristol a perfectionné l’art de la tromperie politique et du « grand mensonge » si cher à Goebbels. Fils de deux néoconservateurs d’après-guerre, Irving Kristol et Gertrude Himmelfarb, William fut formé à Harvard à partir de sa dix-huitième année par l’un des principaux disciples de Leo Strauss, Harvey Mansfield, Jr.

A l’époque où Kristol faisait ses études de doctorat, son camarade de chambrée était Alan Keyes, un « co-straussien » qui obtiendra un poste au département d’Etat, sous Ronald Reagan. Parmi ses autres camarades de classe à Harvard, on trouve Francis Fukuyama, futur défenseur de la thèse nietzschéenne de « la fin de l’histoire », qui venait de l’université Cornell où il avait été formé par Allan Bloom, adepte du cercle intime des étudiants de Leo Strauss de l’université de Chicago. Saul Bellow, également à Chicago à l’époque, a raconté la vie de Bloom dans son roman Ravelstein, fortement inspiré de la réalité.

Putsch néoconservateur

L’hommage de Saul Bellow à Allan Bloom parle aussi d’un straussien qui joue un rôle extrêmement important aujourd’hui parmi les putschistes de Washington : Paul Wolfowitz. Wolfowitz fut l’un des premiers disciples de Strauss et de Bloom à s’installer à Washington. Alors qu’il achevait sa thèse à l’université de Chicago, Wolfowitz fut présenté, par l’intermédiaire de Bloom, à Albert Wohlstetter, fondateur de la RAND Corporation, et à Paul Nitze, grand « expert du désarmement » qui occupa un poste d’importance dans la plupart des gouvernements d’après-guerre. Au cours des années 70, Wolfowitz montait en grade dans la bureaucratie du désarmement en même temps qu’il tissait des liens avec d’autres straussiens et des protégés de Wohlstetter ayant infiltré le personnel de bon nombre de commissions du Sénat. Parmi les collaborateurs de Wolfowitz à cette époque, on compte Richard Perle, Steven Bryen et Elliott Abrams, qui étaient alors collaborateurs, respectivement, aux bureaux des sénateurs Henry Jackson, Clifford Chase et Daniel Patrick Moynihan. Perle dit avoir rencontrer Wolfowitz pour la première fois en 1969, lorsque Wohlstetter les chargea tous deux de participer à un projet de recherches pour le sénateur Jackson.

Parmi d’autres disciples de Strauss participant à l’insurrection néoconservatrice en cours, citons :

  • John Podhoretz, rédacteur de la page éditoriale du New York Post, le tabloïde de Murdoch, et ancien rédacteur en chef du Weekly Standard ; fils de deux membres de la première génération des néoconservateurs, Norman Podhoretz et Midge Decter ;
  • le juge de la Cour suprême, Clarence Thomas ;
  • le ministre de la Justice, John Ashcroft ;
  • le chef de cabinet du vice-président Dick Cheney, Lewis Libby, qui fut initié au monde de Leo Strauss par son professeur à l’université de Yale, Paul Wolfowitz ;
  • le responsable de la désinformation au Pentagone, Abram Shulsky ;
  • Gary Schmitt, directeur exécutif d’un projet de Kristol, le Project for the New American Century ;
  • David Brook, également rédacteur du Weekly Standard ;
  • Werner Dannhauser, un protégé de Strauss qui quitta le monde académique pour devenir rédacteur du magazine des néoconservateurs, Commentary, suite au départ à la retraite de Norman Podhoretz ;
  • Robert Kagan, également du Weekly Standard et fils d’un important straussien de Yale, Donald Kagan.

Comme l’illustre si bien le cas Wolfowitz, ce cercle de disciples de Strauss, ainsi qu’un cercle plus restreint de compagnons de route du camp conservateur et du Likoud, agit depuis une trentaine d’années comme un réseau souterrain dans le gouvernement et autour, attendant le moment opportun pour lancer leur opération. Les attaques du 11 septembre 2001 leur offrirent la chance de leur vie, et ils étaient prêts à la saisir.

Comme Lyndon LaRouche l’explique dans son essai Zbigniew Brzezinski and September 11th, (cf. Les écrits de Lyndon LaRouche sur ce site), les événements de ce jour fatidique n’auraient jamais pu se produire sans une complicité certaine au sein de la communauté américaine de sécurité nationale. Sinon, il est impossible d’expliquer la paralysie totale des procédures de sécurité élémentaires, ainsi que la connaissance intime de ces points faibles par les auteurs des attaques. Selon Lyndon LaRouche, des exécutants d’Al-Qaïda n’auraient jamais pu mener à bien ces attentats sans une telle complicité. En effet, ils reflètent une capacité de guerre irrégulière couverte, dépassant de loin celle d’Al-Qaïda. L’idée que Oussama ben Laden, opérant depuis une grotte quelque part en Afghanistan, ait pu organiser un acte de guerre irrégulière aussi spectaculaire, contre la plus grande puissance du monde, constitue sans doute la plus formidable campagne de propagande de tous les temps - qui aurait rendu Goebbels jaloux.

Dans cette même étude, LaRouche reconnaît que l’on ne découvrira sans doute jamais les détails de l’orchestration des attentats du 11 septembre 2001, en raison des différentes couches de secrets militaires, mais que la question du cui bono ? - à qui profite le crime ? - est plus facile à aborder. Pour traiter cette question, il est nécessaire de passer en revue quelques événements remontant, au moins, à la période du gouvernement de Bush père (1988-1992).

La guerre préventive impériale

Le 21 mai 1991, à la demande de Dick Cheney, alors secrétaire à la Défense, une équipe de stratèges civils du bureau politique du Pentagone dresse un tableau de la situation stratégique au lendemain de la dissolution de l’Union soviétique et de ses implications pour la sécurité nationale des Etats-Unis. Le plus gros de l’exposé est présenté par le sous-secrétaire à la Défense chargé des questions politiques, Paul Wolfowitz. L’équipe comprenait également Lewis Libby, adjoint de Wolfowitz ; Zalmay Khalilzad, un protégé d’Albert Wohlstetter, de la RAND et de l’université de Chicago, et Eric Edelman, un diplomate de carrière subordonné à Wolfowitz. Aujourd’hui, tous quatre détiennent des postes importants dans le gouvernement Bush : Wolfowitz est numéro deux du Pentagone, Libby est chef de cabinet et conseiller à la sécurité nationale de Cheney, Edelman est l’adjoint de Libby et Khalilzad est chargé des liaisons entre la Maison Blanche et l’opposition irakienne.

Lors de cette présentation, Wolfowitz proposa que les Etats-Unis adoptent une politique d’action préventive afin d’empêcher, par tous les moyens, une nation ou un groupe de nations de défier la « primauté » militaire et économique des Etats-Unis. Lorsque Cheney intégra ce concept dans sa Defense Policy Guidance (DPG - ses recommandations pour la politique de défense), cela provoqua une levée de boucliers. Des officiers supérieurs firent parvenir de larges extraits du rapport au New York Times et le président Bush, son conseiller à la sécurité nationale, le général Brent Scowcroft (cr), et son secrétaire d’Etat, James Baker III, rejetèrent en bloc l’unilatéralisme de la stratégie prônée par Cheney et Wolfowitz.

En fin de compte, on rédigea une nouvelle version de la DPG qui ne comportait plus qu’une version édulcorée du plan. Puis,entre la défaite de Bush aux présidentielles de novembre 1992 et l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, Cheney et son équipe lancèrent une dernière salve, en publiant Defense Strategy for the 1990s : The Regional Defense Strategy, une proposition de défense régionale qui reprenait non seulement l’idée d’une guerre unilatérale préventive, mais soutenait que les Etats-Unis devaient mettre au point une nouvelle génération de « mini » armes nucléaires, destinées à être utilisées contre des cibles dans le tiers monde.

Ce n’est un secret pour personne que Cheney et Wolfowitz étaient furieux contre le président Bush pour avoir refusé, suite à la « Tempête du désert », d’envoyer sur Bagdad les forces de la « coalition », dirigées par les Etats-Unis, pour renverser Saddam Hussein. Il semble bien que, depuis cette époque, Wolfowitz soit obsédé par la chute du dirigeant irakien et par la transformation de l’échiquier moyen-oriental.

« Clean Break », ou « Rupture nette »

Pendant les huit années de la présidence Clinton, la cabale straussienne resta assez loin du pouvoir, mais nullement inactive. Suite à la signature des accords d’Oslo à la Maison Blanche, en septembre 1993, straussiens et néoconservateurs lancèrent une offensive pour étouffer dans l’œuf cet arrangement prévoyant « la paix en échange des territoires ». Plusieurs disciples importants de Strauss et Bloom s’étaient déjà installés en Israël, où ils formèrent le noyau dur du réseau engagé à torpiller le processus de paix.

En 1994, Hillel Fradkin et Yoram Hazoney créent le Shalem Center, grâce à des fonds fournis par deux milliardaires américains, Ronald Lauder et Roger Hertog, tous deux associés à une organisation de sionistes de droite, peu connue mais puissante, le « Mega Group ». Co-propriétaire, avec lord Conrad Black et Michael Steinhardt, du New York Sun, Hertog détient aussi, avec Steinhardt et Martin Peretz, un tiers du New Republic, vieux bastion de la propagande politique straussienne.

Fradkin, ancien élève d’Allan Bloom, fut professeur de pensée sociale à l’université de Chicago, avant de lancer le Shalem Center à Washington. Hazoney obtint son doctorat à l’université de Rutgers auprès d’un autre disciple de Strauss, Wilson Cary McWilliams, avant de s’installer en Israël où il rédigeait les discours du dirigeant du Likoud, Benjamin Netanyahou. Hazoney est un partisan avoué de feu le rabbin Meir Kahane, fondateur de l’organisation terroriste Jewish Defense League et du mouvement Kach.

Outre le Shalem Center et la Fondation pour une démocratie constitutionnelle, lancée par Paul Eidelberg, un élève de Strauss qui défend l’annexion permanente par l’Etat hébreu de toute la « Judée », la « Samarie » et Gaza, il existe un troisième centre de réflexion israélien ayant joué un rôle clé dans le développement de l’agenda néoconservateur : l’Institut des études stratégiques et politiques avancées (IASPS). Créé en 1984, avec des bureaux à Jérusalem et à Washington, l’IASPS se voulait un avant-poste de la Chicago School of Economics, promouvant le libre-échange et les oeuvres d’Adam Smith, Friedrich von Hayek et Milton Friedman. Douze ans plus tard, l’Institut établit aussi un département de stratégie. De son propre aveu, l’IASPS est un centre d’influence straussienne en Israël. Dans une annonce passée sur son site Internet en vue de recruter un collaborateur pour son programme Stratégie, l’Institut précise que tous ceux qui ne sont pas versés dans l’œuvre de Leo Strauss peuvent s’abstenir de se présenter.

En 1996, après l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin, ce département Stratégie a préparé, à l’adresse du nouveau Premier ministre Netanyahou, une série d’études sur la meilleure façon d’annihiler les accords d’Oslo.

La principale étude de la série s’intitulait A Clean Break : A New Strategy for Securing the Realm (Rupture nette : une nouvelle stratégie pour sécuriser le royaume), préparée par une équipe de néoconservateurs dirigée par Richard Perle, composée notamment de :

  • James Colbert, du Jewish Institute for National Security Affaires,
  • Charles Fairbanks de la Johns Hopkins University School of Advanced International Studies, un disciple de Strauss et ami intime de Paul Wolfowitz depuis les années 60,
  • Douglas Feith, actuellement sous secrétaire à la Défense chargé des questions politiques,
  • Robert Loewenberg, président de l’IASPS,
  • Jonathan Torop, du Washington Institute for Near East Studies, créé par le lobby officiel d’Israël en Amérique, l’American Israel Public Affairs Committee,
  • David Wurmser, alors directeur du projet Moyen-Orient de l’American Enterprise Institute (AEI) et actuellement adjoint du négociateur en matière d’armement du département d’Etat, John Bolton, lui-même ancien vice-président d’AEI,
  • Meyrav Wurmser, directeur des programmes Moyen-Orient du Hudson Institute.

Le 8 juillet 1996, Richard Perle remit en mains propres Clean Break à Benjamin Netanyahou. Deux jours plus tard, ce dernier prononça devant une session conjointe du Congrès américain un discours truffé d’extraits de ce document, où les auteurs appelaient au rejet des accords d’Oslo et des « territoires pour la paix », à une répression brutale dans les territoires palestiniens que les Forces de défense israéliennes devaient réoccuper, ainsi qu’à une guerre contre l’Irak, destinée non seulement à faire tomber le régime de Saddam Hussein, mais aussi le parti Baas à Bagdad et Damas.

« Israël peut façonner son environnement stratégique, écrivaient-ils, en coopération avec la Turquie et la Jordanie, en affaiblissant, endiguant et même repoussant la Syrie. Cet effort peut se focaliser sur le renversement de Saddam Hussein en Irak - un important objectif israélien en soi - comme moyen de torpiller les ambitions régionales de la Syrie. »

Richard Perle et ses co-penseurs savaient parfaitement qu’en 1990-91, l’administration Bush avait lancé la « Tempête du désert » suite aux menaces de dirigeants israéliens de lancer eux-mêmes une guerre contre Saddam Hussein, ce qui aurait déclenché le scénario de choc des civilisations, décrit en 1990 par Bernard Lewis.

Un nouveau siècle américain

Début 1997, William Kristol et Robert Kagan, deux « intellectuels » straussiens, se joignirent à des collaborateurs de l’AEI pour tenter d’imposer au gouvernement Clinton la politique de « rupture nette » Depuis leurs bureaux situés au cinquième étage du siège de l’AEI, ils lancèrent une nouvelle organisation dont le but spécifique était de promouvoir l’idée que les Etats-Unis étaient destinés à devenir le gendarme unilatéral du monde - à commencer par l’Irak. Cette organisation fut baptisée Project for the New American Century (PNAC).

Le 3 juin 1997, le PNAC publia une déclaration de principe signée par Elliot Abrams, Gary Bauer, William Bennett, le gouverneur de Floride Jeb Bush, Dick Cheney, Midge Decter, Francis Fukuyama, Lewis Libby, Norman Podhoretz, Peter Rodman, Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz, etc. Le texte se basait sur un article de Kristol et Kagan, paru dans le numéro de juillet/août 1996 de Foreign Affairs, dans lequel ils appelaient de leurs vœux une nouvelle politique étrangère, basée sur l’« hégémonie globale bienveillante » des Etats-Unis. Ceux-ci devraient désavouer leurs 200 ans de tradition anti-colonialiste, proposaient-ils, et notamment le legs de John Quincy Adams, pour qui les Etats-Unis ne devaient pas « chercher à l’étranger des monstres à détruire ».

Ah oui, écrivent-ils, « et pourquoi pas ? L’alternative consiste à donner quartier libre à ces monstres, pour qu’ils ravagent et pillent à volonté, pendant que les Américains restent tranquillement à les observer. Ce qui fut peut-être un sage conseil en 1823, lorsque l’Amérique était une petite puissance isolée dans un monde de géants européens, ne l’est plus aujourd’hui alors que l’Amérique est le géant. Parce que l’Amérique a la capacité d’endiguer ou de détruire nombre des monstres du monde (...) et parce que la responsabilité de la paix et la sécurité de l’ordre international repose si lourdement sur les épaules de l’Amérique, la politique consistant à s’asseoir en haut d’une colline et à diriger par l’exemple, traduit une politique de lâcheté et de déshonneur. »

Le 26 janvier 1998, le PNAC publia une lettre ouverte au président Clinton, appelant à un « changement de régime » immédiat en Irak, sous prétexte que Saddam était sur le point de lancer des armes de destruction massive contre les Etats-Unis et leurs alliés. Parmi les signataires de cette lettre, on trouve les personnes suivantes, qui sont toutes dans le gouvernement actuel : Elliot Abrams, Richard Armitage, John Bolton, Fukuyama, Khalilzad, Perle, Peter Rodman, Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz et Robert Zoellick. L’ont également signée, William Kristol, Robert Kagan et James Woolsey, qui dirigea brièvement la CIA sous la présidence Clinton et avocat du CNI en 1998.

En septembre 2000, à la veille des élections présidentielles opposant George W. Bush à Al Gore, le PNAC consacra une longue étude à la « reconstruction des défenses de l’Amérique », qui remettait sur la table la stratégie de guerre préventive, prônée par Cheney et Wolfowitz en 1991-93. Parmi les participants à cette étude, on trouve le protégé de Wolfowitz, Lewis Libby. Après un bref passage comme conseiller juridique à la commission Cox, qui prônait une confrontation avec la Chine et la Corée du Nord, il allait bientôt être nommé chef de cabinet du vice-président Cheney. Il avait aussi été l’avocat personnel de Marc Rich, un « parrain » de la mafia russe, condamné par contumace par une cour fédérale américaine pour fraude fiscale et « commerce avec l’ennemi ».

Toutefois, en dépit de la prolifération des straussiens et néoconservateurs dans l’appareil de sécurité nationale du gouvernement de George W. Bush, le lobby de la guerre contre l’Irak ne fit que de modestes progrès, jusqu’à cet événement qualifié par Dick Cheney de « tournant historique ».

Les attentats du 11 septembre 2001 déclenchèrent une réponse immédiate de la part des néoconservateurs au sein du gouvernement et autour. Le 15 septembre, lors d’une réunion du Conseil national de sécurité avec le président Bush à Camp David, Paul Wolfowitz proposa de monter aussitôt une invasion de l’Irak. Pour des raisons non encore élucidées, le Président, le vice-Président et même le secrétaire à la Défense rejetèrent la proposition du numéro deux du Pentagone, jugée « prématurée ». Cependant, quelques jours plus tard, dans un ordre présidentiel autorisant l’attaque contre l’Afghanistan, le président Bush chargeait la CIA et les militaires de commencer à élaborer des plans pour s’attaquer à Saddam.

Une nouvelle unité de renseignement

Une semaine après que Wolfowitz ait prononcé son discours de « promotion de la guerre », Richard Perle convoqua une session du Defense Policy Board pour écouter l’« expert » du Bureau arabe britannique, Bernard Lewis, et le fondateur du CNI, Ahmed Chalabi. Rappelons que ce protégé d’Albert Wohlstetter, choisi par la droite israélienne pour succéder à Saddam Hussein en Irak, a été condamné à 20 ans de prison en Jordanie pour escroquerie et manipulations de devises. A la CIA et au département d’Etat, Chalabi était pratiquement persona non grata et son INC considéré comme un club d’exilés privilégiés, plus préoccupés par les cocktail-parties que par le sort des Irakiens.

Peu avant le 11 septembre, Donald Rumsfeld avait confié à des collaborateurs qu’il envisageait de démissionner de sa fonction ministérielle pour retourner à Chicago. Son explication était révélatrice : « Le Likoud règne en maître ici », dit-il à des amis, en référence à la cabale Wolfowitz-Perle. Les tendances au « micro-management » de Rumsfeld sont connues, c’est-à-dire qu’il veut tout contrôler jusque dans les détails, et il pensait pouvoir agir ainsi avec la bureaucratie du Pentagone.

C’est grâce aux efforts personnels de l’ancien secrétaire d’Etat George Shultz, autre idéologue de l’Ecole de Chicago, que Wolfowitz avait été admis chez les « Vulcains », le club intime des conseillers politiques du candidat présidentiel de l’époque, George W. Bush, ce qui lui permit de faire venir Richard Perle et d’autres néoconservateurs au Texas pour des sessions d’endoctrinement du Président. Grâce à cette relation personnelle avec Bush, Wolfowitz put remplir le bureau de Rumsfeld de disciples de Strauss et de partisans du Likoud.

Par conséquent, Paul Wolfowitz et Doug Feith mirent sur pied une unité de renseignement spéciale. Sa mission était claire : fournir au secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld - qui avait rejoint entre-temps le camp de Wolfowitz - de l’« intelligence » permettant de contrercarrer la résistance de la CIA et de la DIA aux plans anti-Saddam. L’une des sources de ces renseignements devait être le Congrès national irakien de Chalabi, en dépit de son manque de crédibilité auprès des experts du renseignement.

Pour diriger cette nouvelle unité, enfouie quelque part dans la bureaucratie du Pentagone, Wolfowitz et Feith choisirent Abram Shulsky. Autre disciple de Strauss, Shulsky avait travaillé pour le bureau du sénateur de New York, Daniel Moynihan, aux côtés d’Elliot Abrams et de Gary Schmitt (actuel directeur du PNAC). En 1999, Shulsky, Khalilzad et d’autres avaient rédigé pour la RAND Corporation une étude sur les Etats-Unis et la Chine, qui soutenait que la Chine, plus que toute autre nation, représente un défi direct pour la suprématie militaire américaine internationale et régionale, et qu’il fallait donc l’affronter directement.

Parmi les collaborateurs de cette unité de renseignement spéciale des « faucons mouillés », citons :

  • Harold Rhode, spécialiste du Moyen-Orient à l’Office of Net Assessments du Pentagone, dirigé par le Dr Andrew Marshall qui, avec Albert Wohlstetter, avait fondé la Rand Corporation à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Michael Ledeen admet dans son dernier livre que Rhode est « son gourou pour les questions moyen-orientales depuis une vingtaine d’années ». En 1991, Rhode travaillait au bureau du Pentagone, en charge de la Turquie, au moment où Richard Perle et Doug Feith dirigeaient une société internationale de consultants qui vendait de l’équipement militaire israélien à la Turquie. Wolfowitz décrit Rhode comme son « conseiller aux affaires islamiques ».
  • William Luti, ancien conseiller du vice-président Cheney, récemment promu sous-secrétaire à la Défense pour le Proche-Orient et l’Asie du sud. Apparemment, il est obsédé depuis des années par l’idée de renverser Saddam Hussein et, selon un visiteur récent, son bureau est rempli de photographies et de coupures de presse concernant le dictateur irakien. Le 17 décembre, Luti et le général David Barno ont rencontré dans le plus grand secret, à Londres, onze dirigeants de l’opposition irakienne et ont choisi un premier groupe d’Irakiens devant suivre un entraînement pour participer aux opérations militaires américaines.
  • Reuel Marc Gerecht, officier de la CIA à la retraite. Il a servi de liaison entre l’unité de Shulsky et l’opposition irakienne à Londres et ailleurs. Installé à Bruxelles, Gerecht est collaborateur de l’AEI et directeur de l’initiative sur le Moyen Orient du PNAC.

Etats-Unis : les straussiens dans le collimateur

Depuis la mi-avril, les militants de la campagne « LaRouche en 2004 » ont distribué plus de 400 000 exemplaires d’une brochure sur l’idéologue fasciste Leo Strauss et ses disciples aux Etats-Unis, qui constituent aujourd’hui le noyau du « parti de la guerre ». Depuis, d’autres organes de presse ont commencé à s’intéresser également au père du mouvement néoconservateur.

Suivant l’initiative prise par le mouvement larouchiste, les médias sont de plus en plus nombreux à révéler la nature des réseaux néoconservateurs qui ont mené avec succès - du moins temporairement — un putsch à Washington. Quoique très utiles, ces exposés sont insuffisants. Il faut en effet aller plus loin en montant un « contre-coup » pour éloigner définitivement ces réseaux du pouvoir, comme le réclame Lyndon LaRouche.

Dans son édition dominicale du 4 mai, le New York Times publie un long article sur le legs de Leo Strauss et les « nouveaux bâtisseurs d’empire ». En illustration, on peut voir une caricature du vice-secrétaire à la Défense, Paul Wolfowitz, un des principaux disciples de Strauss, en tenue de gladiateur romain, tenant en mains un exemplaire du livre de Strauss, De la tyrannie, et muni d’un bouclier sur lequel est dessiné un aigle américain. On y voit aussi les portraits de divers « faucons mouillés » de l’administration Bush, déjà identifiés dans le dossier publié par la campagne de LaRouche sous le titre Children of Satan et dans Nouvelle Solidarité des 18 avril et 2 mai.

L’article est signé James Atlas, auteur d’une récente biographie de Saul Bellow, un romancier qui a écrit une biographie romancée du straussien Allan Bloom. « Pour les théoriciens de la conspiration intellectuelle, la politique étrangère de l’administration Bush est entièrement une création straussienne. Paul Wolfowitz, le vice-secrétaire à la Défense, a été identifié comme un disciple de Strauss ; William Kristol, fondateur du Weekly Standard, très lu à la Maison Blanche, se considère comme un straussien ; Gary Schmitt, directeur du Projet pour un nouveau siècle américain, groupe de politique étrangère influent créé par M. Kristol, est fermement dans le camp de Strauss. »

Parmi les associés de Leo Strauss, Atlas mentionne Martin Heidegger, Walter Benjamin et Alexandre Kojève, sans entrer dans les détails et sans jamais évoquer les convictions fascistes de Strauss.

Néanmoins, tout le monde interprète cet article comme une attaque de l’establishment contre l’appareil néo-conservateur qui a perpétré un coup d’Etat virtuel au sein même de l’administration Bush et qui pousse à des « guerres perpétuelles » au Moyen-Orient et en Asie du nord. Au-delà de la problématique de Leo Strauss, la seule idée que des éléments de l’establishment américain se tournent vers le leadership intellectuel de LaRouche pour monter un contre-coup provoque des ondes de choc à Washington et dans d’autres capitales du monde.

Deuxième coup de canon

Peu après la parution de l’article du New York Times, le journaliste d’investigation Seymour Hersh exposait de manière encore plus incisive, dans le magazine New Yorker, le personnage de Strauss et de ses adeptes infiltrés au Pentagone. Lui aussi reprend des éléments contenus dans le dossier de la campagne de LaRouche, concernant notamment le passé de divers agents du Pentagone, responsables de la désinformation ayant conduit le président Bush à lancer la guerre d’Irak. Le premier d’entre eux est Abram Shulsky, qui dirige ce que LaRouche appelle la « Chickenhawk Intelligence Agency » (CIA) du Pentagone, et que Hersh surnomme l’unité du « renseignement sélectif ».

« Le directeur de l’opération "Plans spéciaux" est Abram Shulsky, universitaire spécialiste des oeuvres du philosophe politique Leo Strauss, écrit-il. (...) Le Bureau des plans spéciaux est supervisé par le sous-secrétaire à la Défense William Luti, capitaine de Marine en retraite. » Le rôle de Shulsky et de Luti a aussi été évoqué dans Children of Satan.

A diverses reprises, le tandem Shulsky-Luti a transmis des renseignements falsifiés obtenus d’« agences de renseignement extérieures », telles que, souvent, le Congrès national irakien de l’escroc financier Ahmed Chalabi, lui aussi ancien élève de l’Université de Chicago. Revenant au thème de Leo Strauss, Hersh écrit que « comme Wolfowitz, Shulsky a été un élève de Leo Strauss à l’Université de Chicago et tous deux ont obtenu leur doctorat auprès de lui en 1972. Strauss, un réfugié de l’Allemagne nazie arrivé aux Etats-Unis en 1937, était versé dans l’histoire de la philosophie politique et devint l’un des principaux universitaires émigrés du camp conservateur. Il est connu pour sa thèse selon laquelle les oeuvres des philosophes anciens recèlent des significations ésotériques volontairement dissimulées, dont les vérités ne peuvent être comprises que par quelques-uns et restentméconnues des masses. »

Hershdressesa propre liste de straussiens à l’intérieur et autour de l’administration Bush, y ajoutant StephenCambone, sous-secrétaire à laDéfense chargédu renseignement.

Alors que sa campagne contre Strauss et ses disciples était reprise dans la grande presse, LaRouche levait d’autres lièvres, notamment les réseaux straussiens français dont la figure de proue est l’émigré russe Alexandre Kojève.

Distorsion de la pensée platonicienne

D’autres exposés sur l’influence straussienne ont suivi. Les 6 et 7 mai, deux articles paraissaient dans le New York Observer et l’agence Inter Press, ainsi que des commentaires dans le Corriere della Sera en Italie et le London Times en Grande-Bretagne. L’article de Jim Lobe dans Inter Presse, repris dans l’Asia Times, est intéressant surtout parce qu’il a interviewé Shadia Drury, professeur de l’Université de Calgary et auteur de deux livres sur Strauss et d’un exposé sur Alexandre Kojève.

Drury s’insurge contre l’affirmation de Seymour Hersh selon laquelle Strauss était un libéral démocrate (ligne adoptée aussi le mois dernier par Le Monde). Elle maintient que « Strauss n’était ni libéral, ni démocrate. La tromperie perpétuelle des citoyens par les dirigeants au pouvoir est indispensable [selon Strauss] car les premiers ont besoin d’être dirigés et il leur faut des dirigeants forts qui leur disent ce qui est bien pour eux. » Elle montre clairement la différence entre Platon et Strauss, dans la mesure où Platon soutient que les dirigeants doivent avoir atteint le plus haut degré de moralité, alors que pour Strauss, « sont compétents pour diriger, ceux qui se sont rendus compte qu’il n’existe pas de moralité et qu’il n’existe qu’un seul droit naturel, celui du supérieur à diriger l’inférieur. (...) On veut une population malléable que l’on puisse modeler comme du mastic. »

Drury explique aussi à Lobe que le système de gouvernement préconisé par Strauss nécessite l’image d’un ennemi. « Il maintient qu’en l’absence de menace externe, il faut en inventer une. (...) Selon Strauss, l’on doit lutter constamment [pour survivre]. En ce sens, il est très spartiate. La paix mène à la décadence. La guerre perpétuelle, et non la paix perpétuelle, voilà ce en quoi croient les straussiens ». C’est la raison pour laquelle les straussiens de Washington, comme Wolfowitz, Kristol, Shulsky et Schmitt, poursuivent « une politique étrangère agressive et belliqueuse ». Drury attaque aussi l’administration Bush, qui « n’a que faire » du libéralisme et de la démocratie », mais qui « conquiert le monde au nom de la démocratie et du libéralisme ».

La prise de conscience du danger représenté par ce réseau néo-conservateur s’étend donc aux Etats-Unis. Maintenant, pour le conjurer, il n’y a que la « solution LaRouche ».

Alexandre Kojève et Leo Strauss : la « French Connection » des néoconservateurs américains

par J. Steinberg et T. Papart

L’enquête menée par nos confrères de l’Executive Intelligence Review sur la « cabale straussienne » infiltrée à Washington, inspiratrice du « néo-impérialisme américain », a mis en lumière un scandale majeur. Au coeur de ce scandale, se trouve Alexandre Kojève, un proche collaborateur de Leo Strauss, le « parrain » du mouvement néoconservateur.

C’est en Allemagne, en 1928, que Leo Strauss rencontre pour la première fois Alexandre Kojève, un émigré russe qui allait s’installer à Paris. Plus tard, et durant toute sa carrière aux Etats-Unis comme professeur à la New School for Social Research, à l’université de Chicago et au St. John’s College, Strauss enverra ses principaux disciples dans la capitale française pour étudier auprès de Kojève. A titre d’exemple, feu Allan Bloom, le professeur de l’actuel numéro deux du Département américain de la Défense, Paul Wolfowitz, effectuait chaque année, de 1953 à 1968, année de la mort de Kojève, un pèlerinage à Paris pour s’immerger dans la pensée fasciste de l’émigré russe. Se disant opposés sur certains points, Strauss et Kojève partageaient avant tout une même vision brutale du monde, méprisante à l’égard des humiliés et offensés et vouée à une volonté de puissance sans limites morales.

Bien qu’il ait enseigné Hegel pendant six ans à l’Ecole pratique des Hautes études (EPHE), le véritable nid de Kojève, après la Deuxième Guerre mondiale, fut le ministère français de l’Economie, d’où il prépara la politique de dérégulation commerciale et financière au sein de la Communauté européenne. Dans sa logique, la loi de la jungle devait préparer le triomphe du plus apte et accélérer le mouvement de l’histoire vers un empire et une bureaucratie universels - « fin de l’histoire », au sens hégélien du terme.

Plus importants, cependant, étaient les séminaires informels qu’il tenait en marge de son travail, destinés à « parfaire » l’éducation de plusieurs générations de « straussiens » américains et européens. Francis Fukuyama, auteur de >La fin de l’histoire et le dernier homme, où il fait de Napoléon Bonaparte un héros de l’histoire moderne pour avoir imposé une tyrannie mondialiste, fut l’un des auditeurs les plus assidus de ces séminaires, au point de devenir plagiaire de son animateur.

Un « empire synarchiste » américain ?

Kojève fut non seulement un idéologue du « fascisme universel », mais aussi un important acteur des plus puissants cercles fascistes français du XXème siècle, les synarchistes. Les services secrets français et américains ont étudié, pendant et après la guerre, le rôle des synarchistes dans le gouvernement de Vichy, et les uns comme les autres ont vu dans ce mouvement clandestin des « collaborateurs » nazis plus que complaisants. En effet, le Mouvement pour un empire synarchiste, fondé en France au début des années 30, faisait partie d’un appareil européen composé d’hommes d’affaires, de banquiers et de hauts fonctionnaires entièrement dévoués à une Europe fasciste unifiée, qui décidèrent de soutenir Adolf Hitler et le parti nazi comme instruments de leur vision.

Les dossiers sur les cercles fascistes de Kojève, compilés par l’Armée américaine, le département d’Etat et le FBI pendant la Deuxième Guerre mondiale, étaient étiquetés « synarchistes/nazi-communistes ». Il ne s’agissait pas seulement d’une référence au Pacte Hitler-Staline de 1938-41, brutalement rompu en mai 1941 par l’invasion nazie de l’Union soviétique. Les synarchistes, qui prônaient un totalitarisme européen pour écraser la menace d’« anarchie », avaient pénétré et financé tous les mouvements politiques d’extrême-droite et d’extrême-gauche, ainsi que les principaux ministères, notamment ceux chargés de la politique économique et financière, de même que les relations franco-allemandes.

Ainsi, après la mort de Kojève, le renseignement français a révélé qu’il avait sans doute été un agent d’influence soviétique pendant trente ans, oeuvrant à l’intérieur de la bureaucratie française. Cette activité recoupait donc son recrutement dans l’orbite synarchiste au milieu des années 30.

Pour sa part, Leo Strauss considérait Alexandre Kojève comme son partenaire intellectuel, l’homme qui avait apporté à ses propres théories ésotériques du pouvoir, l’élément de « violence régénératrice ». Ceci est de la plus haute importance aujourd’hui, étant donné le rôle dominant tenu actuellement à Washington par la « pépinière » Strauss-Kojève, qui rêve de la mise en place d’un empire mondial centré sur les Etats-Unis et revêtant de nombreuses caractéristiques synarchistes.

Rappelons qui sont les principaux disciples de Leo Strauss au sein - et en marge - du gouvernement américain :

  • Paul Wolfowitz, protégé personnel d’Allan Bloom et lui-même admirateur de Kojève ;
  • William Kristol, propagandiste des néoconservateurs, stipendié par Rupert Murdoch ;
  • Abram Shulsky, tsar de l’unité secrète de renseignement (désinformation) du Pentagone ;
  • Clarence Thomas, juge à la Cour suprême ;
  • John Ashcroft, ministre de la Justice ;
  • Gary Schmitt, directeur du Projet pour le New American Century (a rédigé, avec Shulsky, un éloge de Leo Strauss sous le titre « Leo Strauss et le monde du renseignement », fustigeant Sherman Kent, fondateur du National Intelligence Board) ;
  • Robert Kagan, spécialisé dans la propagande sur la « Quatrième Guerre mondiale ».

Signalons qu’un réseau parallèle d’instituts straussiens a été mis en place ces dernières années pour soutenir le régime jabotinskien d’Ariel Sharon, dont l’Institute for Advanced Strategic and Political Studies (IASPS).

Alexandre Kojève et ses amis échappèrent aux poursuites judiciaires après-guerre pour réapparaître comme piliers de l’élite bureaucratique de la Quatrième République. Mais Kojève n’a personnellement jamais abandonné la cause du synarchisme et du fascisme universel. Il joua, avec Leo Strauss, un rôle majeur dans la « réhabilitation » du juriste nazi Carl Schmitt. En 1955, ce dernier invita Kojève à prendre la parole devant un groupe d’hommes d’affaires à Dusseldorf et tenta même d’arranger un entretien privé entre Kojève et Hjalmar Schacht, ancien ministre de l’Economie d’Hitler et architecte du système des camps de travail nazis.

Le dossier synarchiste/nazi-communiste

La collusion entre Vichy et les nazis était connue des cercles patriotiques du renseignement militaire, tant français qu’américain, qui s’efforcèrent, pendant la guerre, de rassembler des renseignements sur les éléments fascistes/synarchistes les plus durs dans le gouvernement de Pétain. Tout au long de la Deuxième Guerre mondiale, les Etats-Unis maintinrent une légation diplomatique et militaire à Vichy, dont ces recherches furent l’une des principales activités.

En 1947, William L. Langer, responsable de l’Office of Strategic Services (OSS, prédécesseur de la CIA), puis professeur à Harvard, publia un document sur les relations entre les Etats-Unis et Vichy, que le secrétaire d’Etat Cordell Hull avait formellement commandé en 1944. Intitulé Our Vichy Gamble (New York, Alfred A. Knofp, 1947), ce livre se basait sur les dossiers secrets de l’OSS, du département d’Etat et du département de la Guerre, ainsi que sur des interviews approfondies que Langer a conduites avec les principaux décideurs politiques de l’administration Roosevelt, dont le fondateur de l’OSS, le général William Donovan, et le président Roosevelt lui-même. Il ressort clairement du récit de Langer sur l’engagement controversé des Etats-Unis auprès de Vichy, que les synarchistes étaient considérés par l’administration Roosevelt comme appartenant aux collaborateurs nazis les plus durs et les plus enthousiastes.

A propos de l’amiral François Darlan, l’un des principaux collaborateurs nazis dans le gouvernement de Vichy, Langer écrivait : « Mais les partisans de Darlan ne se limitaient pas à la flotte. Sa politique de collaboration avec l’Allemagne pouvait compter sur un nombre plus que suffisant de sympathisants enthousiastes parmi les intérêts industriels et bancaires français - bref, parmi ceux qui, même avant la guerre, s’étaient tournés vers l’Allemagne nazie et avaient considéré Hitler comme le sauveur de l’Europe face au communisme. Ce sont les éléments qui avaient, dès le départ, soutenu Pétain et Weygand (...). Ces gens n’étaient pas moins fascistes que les pires fascistes d’Europe. Ils craignaient le Front populaire comme la peste et étaient convaincus de pouvoir prospérer même sous le sabre d’Hitler. Beaucoup d’entre eux avaient maintenu de longues relations commerciales extensives et intimes avec des intérêts allemands et rêvaient encore d’un nouveau système de « synarchie », signifiant que l’Europe serait gouvernée suivant les principes fascistes par une confrérie internationale de financiers et d’industriels. [Le Premier ministre français Pierre] Laval avait été associé pendant longtemps à ce groupe. »

Selon Langer, le coeur de la synarchie française était la Banque Worms et Cie. « Pour se rendre compte à quel point des membres du groupe de la Banque Worms avaient été accueillis dans le gouvernement en automne 1941, il est des plus utile de passer en revue la composition du conseil et les noms des secrétaires d’Etat. » Langer énumère ensuite des dizaines de hauts fonctionnaires de Vichy, notamment dans les ministères de l’Industrie, des Finances et des Relations franco-allemandes, tous membres du groupe Synarchie/Banque Worms.

Le 29 mars 1944, dans un mémorandum adressé au président Roosevelt, William Donovan fait état d’interviews qu’il avait réalisées avec divers dirigeants de la Résistance, qui prouvent que les synarchistes se trouvaient effectivement au centre du groupe hitlérien, à Vichy comme à Paris.

Le rôle personnel d’Alexandre Kojève pendant la période de Vichy est entouré de mystère. Aucune information concernant ses activités de 1939 jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale n’est du domaine public. Cependant, les dossiers des services secrets français montrent que l’un de ses meilleurs élèves à l’EPHE, Robert Marjolin, était un membre clé du groupe Synarchie/Banque Worms. Nommé ministre de l’Economie en 1945, il parraina, avec Bernard Clappier et Olivier Wormser, les vingt ans de carrière de Kojève dans ce ministère.

Mais la véritable preuve des convictions fascistes/synarchistes d’un Kojève non repenti est à chercher dans ses propres écrits et enseignements.

La pépinière de Dick Cheney

La glorification par Alexandre Kovève du jacobinisme, du bonapartisme et de la violence régénératrice a clairement laissé des traces dans le « parti de la guerre » regroupé autour de Cheney et Wolfowitz. La récente attaque vicieuse de Newt Gingrich contre Colin Powell et tout le bureau du Proche-Orient au département d’Etat, n’est qu’un exemple de l’attachement malsain de ce groupe à la violence. La défense par Wolfowitz, ces douze dernières années, de la doctrine de « guerre préventive » chère à Hitler en est un autre, encore plus sinistre.

Leo Strauss, connaissant bien l’aversion des Américains pour le fascisme, se drapa dans la tradition des Pères fondateurs des Etats-Unis pour mieux les tromper, mais il envoyait ses élèves favoris à Paris - au « salon » d’Alexandre Kojève - pour y recevoir un endoctrinement fasciste/synarchiste.

En ce sens, les attaques au vitriol contre le président Jacques Chirac et la France, lancées par des synarchistes américains modernes comme Richard Perle et Michael Ledeen (qui se vante d’être un « fasciste universel « ), peuvent être interprétées par certains comme une tentative de détourner l’attention de leur propre « French connection ». Quoi qu’il en soit, la tradition historique républicaine, américaine et française, se situe à l’exact opposé des convictions anti-humanistes de ces hommes, fascinés par la violence et le pouvoir exercé sur l’autre. Vichy n’était pas plus la France que le Washington des Wolfowitz, des Perle et des Cheney n’est aujourd’hui l’Amérique.


[1S’il est normal que toute Constitution ait des dispositifs en situation d’urgence, l’article 48 prévoyait, contrairement à l’article 16 de la Constitution de la République française par exemple, que le Président puisse prendre des mesures exceptionnelles sans accord préalable du Parlement, et « à l’aide des forces armées »