Après le sommet d’Helsinki

mercredi 18 juillet 2018

Le sommet historique qui s’est tenu lundi entre Donald Trump et Vladimir Poutine à Helsinki représente un point d’inflexion dans le changement de paradigme international qui se déroule actuellement. C’est le résultat d’une longue bataille de l’ombre, dans laquelle Solidarité et Progrès, en association avec l’Institut Schiller international, a joué un rôle d’éclaireur et de catalyseur.

En 2009, l’économiste et dirigeant politique Lyndon LaRouche avait appelé à constituer une alliance entre les quatre grandes puissances – les États-Unis, la Chine, l’Inde et la Russie – afin de substituer au système de pillage financier dominé par Londres et Wall Street un nouvel ordre de coopération entre nations, seul moyen de résoudre enfin les problèmes vitaux de l’humanité. Les événements récents, depuis le sommet de Singapour entre Trump et Kim Jong-un jusqu’au sommet d’Helsinki, semblent bien aller dans cette direction, et le moins que l’on puisse dire est que les élites néolibérales transatlantiques ne sont pas vraiment ravies.

Il est notable d’ailleurs qu’avant son entretien en tête-à-tête avec Poutine, Trump ait dit aux journalistes que la Russie et les États-Unis devaient coopérer avec « notre ami commun le président Xi ». Lors de la conférence de presse qui s’est tenue après leur discussion de deux heures et demi, les deux présidents ont tous deux déploré la « folie » et le « danger » de permettre que les relations entre les deux puissances nucléaires (qui détiennent à elles seules 90 % de l’arsenal nucléaire mondial, comme l’a rappelé Trump) continuent de se dégrader.

« Les tensions actuelles, l’atmosphère tendue, n’ont en réalité aucun fondement réel », a déclaré Poutine. « La Guerre froide appartient au passé. L’ère de confrontation idéologique exacerbée entre les deux pays appartient à un passé révolu ».

Les deux présidents ont fait en sorte d’établir des « points de contact » dans plusieurs domaines, avec la création de trois groupes permanents travaillant ensemble : un groupe d’entrepreneurs et d’hommes d’affaires pour envisager la coopération économique et commerciale russo-américaine ; un groupe d’experts composé de politiques, de diplomates et de militaires, pour résoudre les différents problèmes mondiaux, et avant tout élaborer un accord de paix en Syrie et dans le Moyen-Orient ; et enfin un groupe de travail sur la cybersécurité.

Poutine a également proposé que les douze membres du renseignement russe accusés par le procureur spécial Robert Mueller d’être impliqués dans le « Russiagate » soient interrogés par la justice russe, en présence d’officiels américains, y compris des membres de la commission d’enquête de Robert Mueller, mais à condition de réciprocité vis-à-vis des ressortissants américains ayant interféré dans la vie démocratique russe. Il a notamment cité le cas du multimilliardaire George Soros.

Dans sa déclaration, le président Trump s’est dit déterminé à s’inscrire dans la tradition diplomatique américaine qui considère que « la diplomatie et le dialogue sont toujours préférables au conflit et à l’hostilité ». Il a affirmé que la relation entre la Russie et les États-Unis « n’a jamais été aussi mauvaise ; toutefois, cela a changé il y a environ quatre heures ».

« Je préfère prendre un risque politique à la recherche de la paix plutôt que de menacer la paix en recherchant des avantages politiques », a-t-il ajouté.

Le système géopolitique en péril

Trump ne savait pas si bien dire, car un déluge de furie et d’hystérie s’est immédiatement déclenché parmi les élites et les médias américains, contre le fait que le président ait osé nier l’existence d’une interférence russe dans l’élection de 2016, et donc contredire les services de renseignement. Il faut dire que le terrain avait été soigneusement préparé, Robert Mueller ayant choisi de sortir de son chapeau la mise en accusation des douze membres du renseignement russe deux jours avant le sommet d’Helsinki (alors que les faits étaient connus depuis quatre mois).

Vingt minutes après la conférence de presse de Trump et Poutine, l’ancien directeur de la CIA de l’époque Obama, John Brennan, a accusé le président américain de « crime de haute trahison » (« High crimes and misdemeanors »), termes qui, rappelons-le, désignent dans la Constitution américaine un crime passible de la peine de mort. L’accusation de Brennan a très vite été relayée dans l’ensemble de la presse par les dirigeants politiques proche du clan Obama, comme l’ancien chef du Pentagone Chuck Hagel, qui a déploré que « les États-Unis soient devenus un État failli » et a appelé à la destitution de Trump.

« Trahison ouverte », titre ce quotidien new-yorkais. Un appel non-dissimulé à passer à l’action ?

Le sénateur Charles Schumer et la députée Nancy Pelosi, qui dirigent la minorité démocrate au Sénat et à la Chambre, ont tous deux fustigé la « faiblesse » de Trump face au président russe et dénoncé le fait qu’il « privilégie les intérêts de la Russie sur ceux des États-Unis ». De leur côté, le Washington Post écrit : « C’est tout ce dont Poutine aurait rêvé », et le New York Magazine titre : « Au sommet avec la Russie, Trump trahit son pays à la vue de tous ».

En Grande-Bretagne, où l’on perçoit mieux qu’ailleurs la menace que représente la rencontre entre Trump et Poutine, le journal The Guardian s’inquiète de voir Trump malmener les « alliances démocratiques » tout en « nouant des amitiés avec des dirigeants autoritaires » : « Si cette tendance se poursuit », lit-on, « nous pourrions assister à la destruction du système géopolitique tel qu’il fut érigé à la fin de la Seconde Guerre mondiale et renforcé à la fin de la Guerre froide ».

La presse française, malheureusement fidèle à ses habitudes, fait du copier-coller de la presse anglo-américaine, comme par exemples Le Parisien et L’Express qui titrent «  Poutine hypnotise Trump  » et « À Helsinki, Trump s’aplatit devant Poutine ».

La tribune d’Hadrien Desuin publiée dans Le Figaro et intitulée « Helsinki : comment Trump a refusé une deuxième guerre froide », fait toutefois exception. « À Washington, la deuxième guerre froide est déclaré et l’ambiance est au maccarthysme », écrit-il. « En somme, les relations russo-américaines devraient être rompues et l’on s’offusque d’une rencontre entre ennemis. On accuse sans aucune précaution l’hôte de la Maison-Blanche d’être manipulé par le maître espion du Kremlin. (…) Le délire complotiste gagne les esprits de ce côté-ci de l’Atlantique ».

Ce qui doit venir ensuite

L’ordre mondial est en train de changer de façon irrémédiable, et les tentatives hystériques de l’en empêcher ne peuvent conduire qu’à une guerre générale dont personne ne sortirait vainqueur.

Comme l’a défini Lyndon LaRouche, les États-Unis doivent, aux côtés de la Russie, de l’Inde et de la Chine, bâtir une communauté d’intérêts entre États-nations souverains, comme principe de base dans les relations internationales. L’une des étapes incontournable de ce processus, afin de garantir une coopération économique entre les nations, sera d’établir une nouvelle architecture monétaire internationale, un « nouveau Bretton Woods », c’est-à-dire un système de crédit basé sur des parités fixes dans lequel, contrairement au système de Bretton Woods de 1944-1971, la référence ne serait pas le dollar mais un panier de matières premières.

Dans ce cadre, la priorité devra être donnée à l’exportation de biens d’équipements des nations développées vers le secteur en voie de développement, dans une perspective de bénéfice mutuel. Les Nouvelles Routes de la soie que promeut la Chine offriront pour cela une véritable plate-forme. Les États-Unis et les pays d’Europe pourront ainsi mettre fin à la logique de désindustrialisation et de libéralisme qui a ravagé nos économies au cours des quarante dernières années, tandis que les pays en voie de développement pourront s’industrialiser, qualifier leur main-d’œuvre, et élever les niveaux de vie. C’était l’intention du président Franklin D. Roosevelt en 1944, lors de la conférence de Bretton Woods. Malheureusement, Roosevelt est mort trop tôt, et le Plan Marshall s’est cantonné à contribuer à la reconstruction de l’Europe et du Japon.