La rencontre Trump-Poutine donne des sueurs froides aux Britanniques

mercredi 4 juillet 2018

Le premier sommet bilatéral entre Donald Trump et Vladimir Poutine devrait avoir lieu le 16 juillet à Helsinki en Finlande, pour le plus grand déplaisir des néocons outre-Atlantique et surtout outre-Manche.

D’après ce que nous en savons pour l’instant, les sujets abordés seront :

  • La paix en Syrie, dans le contexte de l’abandon par les États-Unis de la doctrine de changement de régime ;
  • L’acceptation par les États-Unis de laisser la main libre aux forces syriennes et russes sur le terrain, sous condition d’une mise à l’écart du Hezbollah et des milices chiites iraniennes ;
  • Le retrait des soldats américains de Syrie ;
  • Un plan proposé par l’Égypte pour une trêve religieuse (Houdna) entre le Hamas et Israël, fondée sur le développement d’une zone industrielle à Rafah, avec la construction d’un aéroport et d’un port maritime ;
  • De son côté, la Russie met sur la table la nécessité de relancer le processus de désarmement nucléaire des deux super-puissances.

Une rencontre préparatoire de ce sommet a eu lieu début juin à Helsinki entre les chefs d’état-major Valéri Guerasimov et Joseph Dunford, consacrée principalement à la dés-escalade du conflit en Syrie. John Bolton, le conseiller américain à la sécurité nationale, était la semaine dernière à Moscou pour finaliser les conditions du sommet. Les Russes n’ont pas manqué de s’amuser de voir dans ce rôle ce nationaliste partisan d’une ligne dure néoconservatrice : « le faucon s’est fait pigeon », a relevé par exemple TV Dojd, une chaîne indépendante russe. Enfin, une délégation de parlementaires américains se trouve actuellement à Moscou, pour y rencontrer leurs homologues russes, ce qui n’était plus arrivé depuis dix ans.

Dans un entretien sur la chaîne britannique Channel 4, le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov a souligné le fait que ces développements montrent que l’« ordre mondial post-occidental » est déjà en train d’émerger. Après des siècles de domination collective des pays occidentaux, un nouveau paradigme multilatéral se met progressivement en place, avec de nouvelles puissances économiques, financières et politiques comme la Chine, l’Inde, le Brésil, les pays africains et la Russie.

« On ne peut plus ignorer leur rôle dans le commerce et l’économie mondiale », a déclaré Lavrov. « Il y a des tentatives pour le ralentir, parce qu’il est très douloureux de perdre un demi-millénaire de domination dans les affaires du monde ». Le ministre russe a toutefois précisé que ce n’est pas la Russie en elle-même, ou ces autres pays, qui façonne ce nouvel ordre mondial : « c’est l’histoire, c’est le développement lui-même ».

Albion dans les cordes

Tandis que la presse française se montre mi-figue mi-raisin à propos du sommet Trump-Poutine, les réactions sont beaucoup moins nuancées de l’autre côté de la Manche. La peur que Trump, qui rencontrera Poutine quelques jours après le sommet de l’OTAN, ne saisisse l’occasion pour renverser la table comme il l’a fait au G7, est palpable dans tout le pays ; et ce ne sont plus quelques gouttes de sueur qui perlent dans le dos, mais toute une rivière.

Jeudi, lors du sommet de l’Union européenne, Theresa May a demandé aux autres pays de rester sur une ligne dure contre la Russie. La Première ministre va faire des pieds et des mains en faveur du renouvellement des sanctions. « La Russie et d’autres acteurs cherchent à semer la désunion, à déstabiliser nos démocraties et à tester notre détermination », a-t-elle martelé, oubliant que les Européens n’ont pas besoin de la Russie ou d’autres pour se diviser et se déstabiliser.

Le London Times du 28 juin rapporte les inquiétudes grandissantes au sein des cabinets ministériels sur le fait que Trump puisse miner l’OTAN et réduire les engagements militaires américains en Europe. « Ce qui nous rend nerveux », dit un ministre cité par le Times, « c’est qu’un genre d’accord de paix soit soudainement annoncé, et que Trump et Poutine se demandent ‘Pourquoi il y a tous ces déploiements militaires en Europe’, et se mettent d’accord pour les retirer. (…) On peut difficilement être contre la paix, mais s’agira-t-il d’une paix réelle ? »

A la veille du 26e sommet de l’OTAN qui doit avoir lieu à Bruxelles les 11 et 12 juillet, Donald Trump a envoyé des lettres aux dirigeants de plusieurs pays membre de l’alliance, notamment l’Allemagne, la Belgique, la Norvège et le Canada pour leur demander d’augmenter de toute urgence leur contribution financière à l’organisation. Si leur engagement se fait tarder, Trump, qui par le passé a déclaré que l’OTAN était une institution « obsolète » et « incapable de lutter contre le terrorisme » n’exclut pas de réduire la participation américaine.

De son côté, Tony Blair, dans un discours prononcé au Royal Institute for International Affairs (Chatham House), conjure Trump à « préserver l’alliance transatlantique, sans quoi l’on assistera à l’affaiblissement de l’ensemble de l’Occident dans sa lutte contre les nations émergentes tel que la Chine ».

« La mondialisation et ses défenseurs sont dans les cordes », a ajouté Blair. « Le populisme de gauche et de droite convergent à un certain point dans la dénonciation des accords de libre-échange, des migrations et des alliances internationales. Toutes ces questions sont dépeintes comme contraires à l’intérêt national ».

Autrement dit, rien ne va plus dans la maison Albion, et nous avons toutes les raisons de nous en réjouir…

Le vieux monde se meurt

Comme l’avait souhaité Helga Zepp-LaRouche, la présidente internationale de l’Institut Schiller, lors de ses vœux pour 2018, nous assistons aujourd’hui à la fin de la « géopolitique » telle qu’elle est conçue dans les institutions et dans les consciences occidentales. Il s’agit de l’inversion du processus débuté lors de l’effondrement de l’URSS en 1989-1990, où Londres et Wall Street ont voulu imposer un ordre mondial unipolaire anglo-américain et néoconservateur, au moyen de la thérapie de choc en Russie, de la politique de changement de régime pour tous les pays s’opposant à ce système, et des guerres interventionnistes basées sur des mensonges.

Mais comme le disait Antonio Gramsci, c’est le genre de période où « le monde ancien se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ».

Car l’ignorance de l’immense majorité des Américains et des Européens, qui pensent qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, constitue le principal danger. Les élites, qui sont davantage renseignées sur les évolutions dans le monde, continuent de voir les choses à travers des lunettes géopolitiques, et projettent leurs propres intentions. « Ils ne peuvent imaginer qu’un seul pays au monde puisse se dévouer au bien commun de l’ensemble de la population », a déclaré Mme Zepp-LaRouche lors de la conférence de l’Institut Schiller à Francfort le 30 juin dernier. « L’establishment géopolitique et la plupart des citoyens en Occident sont complètement incapables de penser dans les termes du concept gagnant-gagnant basé sur la philosophie confucéenne, parce qu’ils ont été habitués à penser en terme de jeu à somme nulle, où il y a forcément un gagnant et un perdant ».

Solidarité & progrès se trouve en France à l’avant-garde de ce changement de paradigme, et nous encourageons tous nos lecteurs et sympathisants à rejoindre notre effort visant à sortir les citoyens de ce « clair-obscur » entretenu par l’environnement médiatique et culturel, et leur donner un sens que nous vivons un moment de l’histoire unique où tout peut être bouleversé très rapidement, pour le meilleur ou pour le pire.