Casques blancs : l’impérialisme brutal dans le gant de velours de l’aide humanitaire

vendredi 13 avril 2018

Le script est rigoureusement identique à celui qui avait été suivi en août 2013 : Assad le barbare a gazé son propre peuple et nous autres braves Occidentaux, garants de la démocratie et des droits de l’homme, devrions nous embarquer dans une aventure militaire en Syrie pour « punir » le tyran. N’oublions pas toutefois que l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Tandis que les terribles images et vidéos d’enfants gazés tournaient en boucle dans nos médias, les « experts » expliquaient partout que la responsabilité du régime syrien était la seule explication plausible. Par exemple, Nicolas Tenzer, président du centre d’études et de réflexions pour l’action politique, affirmait mardi sur franceinfo : « Oui, il n’y a absolument aucun doute là-dessus, malgré le discours de désinformation du Kremlin. C’est le seul à posséder de tels stocks aujourd’hui, qui n’ont d’ailleurs pas été éliminés ».

Notre expert semble ignorer que le prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology) a publié le 14 janvier 2014 un rapport montrant que le massacre chimique d’août 2013 avait été perpétré par les rebelles syriens, comme le rapportait Le Point en février 2014.

Par ailleurs, personne dans les grands médias n’a jugé utile de questionner la source des photos et récits diffusés sur la prétendue atrocité de Bashar el-Assad. On sait pourtant qu’il s’agit du groupe jihadiste Jaych al-Islam, que les forces armées syriennes et russes étaient sur le point de déloger de la Douma, et des « Casques blancs », que l’on a pu voir dans les vidéos portant et manipulant les enfants gazés, sans sembler le moins du monde souffrir eux-mêmes de ce contact direct avec ce que les médias ont décrit comme un mélange terriblement meurtrier de gaz sarin et de chlore.

A l’heure où le président Macron affirme — ce que même les Américains et les Anglais ne font pas — détenir les preuves que « des armes chimiques ont été utilisées par le régime », il est utile que nous prenions le temps de regarder d’un peu plus près qui sont ces héros à casques.

Les Casques blancs, une histoire presque parfaite

Dès leur création en 2013, les Casques blancs ont été très promus dans les médias occidentaux, présentés comme des Syriens bravant héroïquement le danger sur le théâtre de guerre pour aller sauver les victimes civiles des bombardements. En 2017, ils figuraient sur la liste des favoris pour le prix Nobel, et le documentaire Netflix qui leur était consacré obtenait un Oscar.

La légende raconte qu’ils auraient été formés par la Croix rouge, ce qui n’a pourtant été confirmé par aucun responsable de l’ONG internationale. Au contraire, de nombreux secouristes et docteurs ont exprimé leur scepticisme sur les « secours » apportés par les Casques blancs. Par exemple, le pédiatre suédois Leif Elinder disait en mars 2017 sur le site The Indicter : « En visionnant une vidéo, j’ai pensé que les mesures infligées aux enfants, certains d’entre eux sans vie, étaient bizarres, non médicales, non salvatrices, et même contre-productives s’il s’agissait de leur sauver la vie ».

Ce qui n’a pas été expliqué aux publics occidentaux, c’est que les Casques blancs entretiennent des liens étroits avec des groupes terroristes comme le Front al-Nosra (la branche d’Al Qaïda en Syrie), liens abondamment documentés par des photos et vidéos ; il n’a pas été expliqué non plus qu’ils ont été créés et dirigés par un agent du renseignement militaire britannique, et ont bénéficié de financements massifs des gouvernements des États-Unis, du Royaume-Uni et des monarchies du Golfe.

Vanessa Beeley, une journaliste britannique indépendante se trouvant actuellement sur le terrain en Syrie, et qui a exposé le fait que les Casques blancs sont une création britannique, expliquait en mars 2018 à Sputnik que le timing des prétendues attaques chimiques en Syrie coïncide toujours avec un moment où les djihadistes sont sur le point de perdre une bataille cruciale face aux forces syriennes gouvernementales.

La main, le cerveau et l’argent britannique

En 2016, Sir Philip Jones, officier de la marine royale britannique et chef d’état-major de la Marine, lâchait l’aveu : « La frappe dure du pouvoir militaire est souvent enveloppée dans le gant blanc de l’aide humanitaire ». (Source : Mintpressnews)

« Les Casques blancs ont joué un rôle important dans la campagne de propagande anti-Assad », explique Vanessa Beeley à Sputnik, « fournissant des ‘preuves’ d’attaques chimiques ou d’autres violences présumées commises par les forces gouvernementales, qui ont été utilisées comme prétexte pour l’intervention militaire. Plus tard, il s’avère que ces attaques ont été soit des mises en scène, soit organisées par les forces d’opposition ».

Les Casques blancs ont été créés en mars 2013 par James Le Mesurier, un « ancien » officier militaire britannique, au moment où « la donne changeait en faveur d’Assad en Syrie et (...) les pressions internationales contre le président étaient en train de s’essouffler », comme le dit Mme Beeley. En effet, face à l’échec de la première phase de la guerre en Syrie, qui du point de vue des Occidentaux consistait à reproduire le scénario libyen de changement de régime, il s’agissait alors de lancer une opération visant à reconquérir l’opinion publique occidentale, auprès de laquelle l’image des braves « rebelles » syriens s’effritait au fur et à mesure qu’apparaissaient à la lumière leur affiliation au terrorisme djihadiste.

Avant de créer les Casques blancs, Le Mesurier avait été vice-président du Olive Group, une organisation mercenaire privée, qui plus tard a fusionné avec la société américaine privée Academi, ex-Blackwater ; puis il a occupé une position de dirigeant dans la société Good Harbor Consulting, aux côtés de Richard A. Clarke, un vétéran de l’establishment de la sécurité nationale américaine, et ancien « tsar » du contre-terrorisme sous les administrations Clinton et Bush. En juin 2016, en récompense pour son travail dévoué au service de sa Majesté, il a reçu le grade d’officier de l’ordre de l’Empire britannique.

Le Mesurier a lancé l’opération des Casques blancs depuis la Turquie, grâce à une enveloppe de 300 000 dollars fournis par les gouvernements britannique, américain et japonais. En décembre 2017, un documentaire diffusé par la BBC a montré que le Adam Smith Institute (ASI) – la plus importante ONG « humanitaire » britannique –, que le gouvernement de sa Majesté subventionnait massivement pour former la police dans les « zones libérées » syriennes, finançait en réalité Al Qaïda. Le gouvernement britannique avait créé en avril 2015 un fonds pour la sécurité et la stabilisation (CSSF), qui a fait parvenir des financements, via l’ASI et deux autres ONG « humanitaires » Integrity Global et Tamkeen, au maire auto-proclamé d’Alep-Est et aux Casques blancs.

Face au scandale, le gouvernement de Theresa May a dû couper les fonds à l’ASI. Puis, le ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, les a discrètement rétabli au début de l’année 2018.

En septembre 2017, interrogé par la baronne Caroline Cox, membre de la Chambre des Lords britannique, sur la nature de l’assistance apportée à l’opposition syrienne, Lord Ahamd of Wimbledon avait répondu que le Royaume-Uni avait consacré pour la Syrie, via le CSSF, 66 millions de livres (environ 76 millions d’euros) en 2015-2016, 64 millions en 2016-17 et 69 millions pour l’année fiscale 2017-18 en cours.

Il est temps de ne plus être naïfs. Car il s’agit bien d’une guerre psychologique visant à manipuler chacun d’entre nous par les bons sentiments afin de nous entraîner dans une nouvelle guerre, pour le bon plaisir de sa Majesté et de l’oligarchie financière de la City. Et aujourd’hui, à la différence de celles en Irak et en Libye, une guerre en Syrie mènerait tout droit à une confrontation avec la Russie, ce qui serait alors, comme l’a dit le général à la retraite Evgeny Buzhinsky le 3 avril sur la BBC, « la dernière guerre dans l’histoire de l’humanité ».