Londres prête à abandonner l’Ukraine

samedi 2 novembre 2024

Suite à la déroute des docteurs Folamour anglo-américains dans leur tentative d’entraîner les États-Unis et l’OTAN dans un conflit direct contre la Russie en Ukraine, une nouvelle rhétorique circule parmi les impérialistes britanniques, qui reconnaissent désormais comme inéluctable la défaite de Kiev, et estiment qu’il vaut mieux négocier l’arrêt immédiat des combats plutôt que de tout perdre. Une position assez proche de celle des conseillers de Donald Trump (lire notre article « Avec Pompeo, le ‘plan de paix’ pour l’Ukraine de Trump sera un plan de guerre »).

Les va-t-en-guerre en échec

Pour résumer : début août, le régime de Kiev a joué le tout pour le tout en lançant une attaque en territoire russe, destinée à détourner les forces armées russes du Donbass, où les Ukrainiens cumulent les défaites, et à prendre le contrôle de la centrale nucléaire de l’Oblast de Koursk.

Le but de cette offensive « surprise » (en réalité, elle avait été concoctée et planifiée par les stratèges américains et britanniques au moins un an auparavant) était de pousser Moscou à une riposte démesurée, justifiant une réponse de l’administration Biden, y compris en recourant à une « mini-bombe nucléaire ». Heureusement, Poutine n’a pas mordu à l’hameçon (lire la chronique du 3 septembre : « L’Ukraine et la tentation des ‘mini-nukes’ »).

Puis, par trois fois, les va-t-en-guerre ont tenté d’amener Washington à donner le feu vert à Kiev pour frapper en profondeur le territoire russe avec les missiles à longue portée Storm Shadows. Le 13 septembre, le Premier ministre britannique Keir Starmer s’est rendu à Washington dans ce but, mais le président Biden, sous la pression du Pentagone, n’a finalement pas accordé l’autorisation américaine. Le 26 septembre, le président ukrainien Zelensky s’est rendu à son tour à Washington, en vain également (lire la chronique du 3 octobre : « Proche-Orient, Ukraine : stopper la fuite en avant »).

Enfin, le président américain a annulé sa participation à la réunion du groupe de contact « Ramstein », le 12 octobre en Allemagne, où les fous du canon espéraient bien retourner la situation en leur faveur (lire la chronique du 10 octobre : « OTAN : chou blanc et Bérézina »).

C’est ainsi que le monde, dans l’indifférence quasi-générale des médias grand public, a échappé de peu à une troisième guerre mondiale nucléaire, en partie grâce aux hauts gradés du Pentagone, qui ont fini par prendre au sérieux les multiples avertissements de Vladimir Poutine, notamment sur la modification de la doctrine nucléaire russe. Avertissements que le président russe vient de réitérer lors de sa conférence de presse, en conclusion au sommet des BRICS à Kazan, le 24 octobre : « Ils ne m’ont pas fait de rapport, mais, je l’espère, ils ont entendu [mon avertissement] », a-t-il déclaré.

Les Britanniques revoient leur copie

Dans ce contexte, les Britanniques, qui ont toujours été à la manœuvre pour entraîner les États-Unis dans une escalade contre la Russie (lire « L’huile britannique sur le feu de la guerre mondiale »), semblent remettre en question leur stratégie.

Dans un article paru le 25 octobre dans The Conversation, sous le titre explicite « L’Ukraine ne peut pas vaincre la Russie », Frank Ledwidge, principal conseiller de l’armée britannique, admet effectivement la défaite militaire de l’Ukraine, alors qu’il s’en était fait l’un des garants de sa victoire depuis deux ans.

Pour le général italien Fabio Mini (à la retraite), ancien chef d’état-major du Commandement de l’OTAN pour l’Europe du Sud et commandant de la mission internationale au Kosovo, l’aveu de Ledwidge est « surprenant », étant donné qu’il « s’est toujours rangé du côté de l’Ukraine et des forces armées britanniques qui en ont fait leur champ de bataille, en instiguant et en organisant toutes les opérations les moins scrupuleuses et les plus agressives de Kiev », affirme-t-il dans un article paru le 27 octobre dans Il Fatto Quotidiano.

Le général italien souligne que l’analyste britannique n’est pas un personnage anodin, puisqu’il a travaillé pendant une décennie dans les Balkans et en Europe de l’Est sur la réforme internationale des droits de l’homme et du droit pénal. Premier conseiller juridique de la mission britannique dans la province de Helmand (Afghanistan) en 2007-2008, il a joué un rôle similaire à l’ambassade britannique en Libye pendant et après la guerre (2011-2012). Il a également été missionné en Ukraine pendant le conflit en cours.

« [Il] a toujours commenté la guerre en Ukraine en se calquant sur la propagande de Kiev », souligne Fabio Mini. Mais aujourd’hui, il semble avoir changé d’avis :

La guerre est devenue une guerre d’usure, et vous ne pouvez pas gagner une guerre d’usure contre la Russie, écrit Ledwidge. Il est préférable d’entamer des négociations. Un point de départ pourrait être d’accepter que la Crimée, Donetsk et Lougansk sont perdues, ce qu’un nombre croissant d’Ukrainiens commencent à dire ouvertement. Ensuite, nous devons commencer à planifier sérieusement l’Ukraine d’après-guerre, qui aura plus que jamais besoin du soutien de l’Occident.

Étonnant en effet, d’autant plus quand on connaît le zèle qu’ont déployé les Britanniques pour saboter les premières initiatives de négociations diplomatiques, dès le début du conflit en 2022.

Il ne faut pourtant pas s’y tromper, ainsi que le souligne le général Mini : les Britanniques

abandonneraient volontiers les territoires annexés par la Russie, non pas par magnanimité, mais parce qu’ils ne pourraient pas les contrôler sans procéder au génocide de tous les russophones ou russophiles, écrit-il. Ils seraient prêts à faire des concessions maintenant, non pas pour la sécurité de tous, mais pour gagner dix ans afin de s’armer, réarmer l’Europe et ‘affronter’ un jour la Russie. (…) Mais la Russie a déjà déclaré qu’elle n’était pas disposée à conclure un compromis qui ne tiendrait pas compte de la sécurité de l’Europe, et la Chine, qui la soutient, y a également ajouté la sécurité de l’Asie continentale.

Et lorsque Ledwidge s’enflamme en affirmant que « l’Occident doit planifier comment soutenir une Ukraine héroïque, brisée mais toujours indépendante ! », on peut se demander à quel point l’analyste britannique croit en « l’indépendance » d’un pays à moitié détruit et dont la survie dépend de l’aumône extérieure, ce qui le réduit de facto à l’esclavage.

La Russie veut un arrangement de sécurité européen qui ne la place pas sous la menace constante de l’OTAN ou de qui que ce soit d’autre, conclut le général Mini. Si l’OTAN veut la même chose, sortir du cauchemar de la guerre totale par l’usure ou de l’anéantissement par la honte, elle doit renoncer à de nouveaux élargissements. Et peut-être vérifier si ceux qui ont été accordés jusqu’à présent respectent le principe de contribuer à la sécurité commune ou s’ils ne sont pas au contraire propices à l’insécurité et aux conflits.