
Sanctions envers la Chine, la Russie, l’Iran, l’Afghanistan, la Syrie et tant d’autres ; nouvelle doctrine militaire entérinant l’usage en premier de l’arme nucléaire ; livraisons d’armes sans fin à Israël et l’Ukraine ; renforcement de l’OTAN comme gendarme mondial ; provocations en Asie, la liste est longue. Avec une telle politique belliqueuse, on est bien tenté de croire qu’on ne peut pas faire pire que Biden, Clinton, Obama et Harris.
Le citoyen américain lambda est au bord du désespoir et Trump lui annonce que lui, il « saura faire la paix en 24 heures » et « mettre fin à la guerre en Ukraine ».
Acceptons un instant qu’il en à réellement aussi bien l’intention que la volonté. Victor Orban, qui est allé le rencontrer chez lui, l’affirme tout en promouvant le plan chinois. Reste à savoir comment Trump va s’y prendre et s’il en a la capacité.
Faute de précisions officielles, on est bien obligé de regarder ce qui sort dans la presse américaine.
Deux textes fournissent, hélas, des éléments concordants.
America First Policy Institute
Le premier est une proposition élaborée par le général à la retraite Keith Kellogg et un ancien conseiller de Trump Fred Fleitz, publiée le 11 avril sur le site du America First Policy Institute (AFPI), un laboratoire d’idées dans l’orbite de la campagne de Trump et truffé d’anciens conseillers.
Cité le 25 juin par l’agence Reuters, Kellogg affirme qu’il serait crucial d’amener rapidement la Russie et l’Ukraine à la table des négociations si Trump remporte l’élection.
Nous disons aux Ukrainiens : ’Vous devez venir à la table, et si vous n’y venez pas, le soutien des États-Unis se tarira’ », a-t-il déclaré. Et on dit à Poutine : ’Il doit venir à la table et si vous n’y venez pas, nous donnerons aux Ukrainiens tout ce dont ils ont besoin pour vous tuer sur le terrain’ .
Reuters précise que « selon ce document de recherche, Moscou serait également amené à la table des négociations par la promesse d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN... ».
A Reuters, « Fleitz a déclaré que l’Ukraine n’avait pas besoin de céder officiellement des territoires à la Russie dans le cadre de leur plan. Toutefois, il est peu probable que l’Ukraine reprenne le contrôle effectif de l’ensemble de son territoire à court terme. ‘Nous craignons que cette guerre ne devienne une guerre d’usure qui tuera toute une génération de jeunes hommes’, a-t-il déclaré. (…) Une paix durable en Ukraine nécessiterait des garanties de sécurité supplémentaires pour l’Ukraine, ont déclaré M. Kellogg et M. Fleitz. M. Fleitz a ajouté que ‘armer l’Ukraine jusqu’aux dents’ serait probablement un élément clé de ces garanties. »
Mike Pompeo dans le Wall Street Journal
Le deuxième indice est l’article (payant) publié par le Wall Street Journal du 25 juillet, intitulé « Un plan de Paix de Trump pour l’Ukraine », écrit par l’ancien chef de la CIA et ancien secrétaire d’État Mike Pompeo et David J. Urban, un lobbyiste washingtonien payé par un des plus grand profiteurs de guerre Raytheon et ex-conseiller de Trump. Par sa brutalité, son arrogance et surtout son incompétence, cet article fait froid dans le dos.
Mike Pompeo, faut-il le rappeler, est un fervent « sioniste chrétien », cette secte fondamentaliste dite des « évangélistes » qui compte 660 millions d’adeptes dans le monde dont pas moins de 50 millions aux Etats-Unis. [1]
Le 26 juillet, David Baron, sur le site du journal Israel Hayom, en résume l’essentiel, parlant de ce qui « pourrait être » le plan du candidat républicain s’il était élu.
A noter également, le fait que Pompeo s’est rendu récemment en Ukraine pour aborder le sujet avec la direction ukrainienne et renouer des liens entre Trump et Zelenski. L’Ukraine a fait savoir « qu’elle n’a pas de sueurs froides » avec le plan Trump, bien au contraire ! Vous allez comprendre pourquoi en lisant la suite.
Comme élément au débat, voici un extrait de notre traduction en français de l’article paru en anglais dans Israel Hayom (voir encadré).
Plan possible de Trump pour l’Ukraine : 500 milliards de dollars et l’adhésion à l’OTAN
par David Baron,
26 juillet 2024
IsraelHayom.com
Traduction
L’ancien secrétaire d’État Mike Pompeo et David J. Urban, ancien conseiller des campagnes de Trump en 2016 et 2020, ont publié hier soir un article dans le Wall Street Journal, décrivant ce qui pourrait être le plan de l’administration républicaine si Trump est élu président. Israël est également mentionné dans ce plan.
Selon les auteurs, « alors que M. Biden a trébuché dans la guerre par faiblesse, M. Trump pourrait rétablir la paix par la force ».
Que faut-il donc pour parvenir à cette paix ? Les auteurs énumèrent sept étapes :
- Libérer le potentiel énergétique de l’Amérique. Cela stimulera l’économie américaine, fera baisser les prix et réduira le budget de M. Poutine consacré aux crimes de guerre.
- Renforcer les liens avec l’Arabie saoudite et Israël et travailler ensemble contre l’Iran. Cela stabilisera le Moyen-Orient, atténuera la crise de Gaza et permettra aux Saoudiens de se joindre aux États-Unis pour évincer la Russie des marchés mondiaux de l’énergie.
- Imposer de véritables sanctions à la Russie. Les sanctions de l’administration Biden semblent bonnes sur le papier, mais elles sont creuses. Le Trésor, par exemple, exempte les banques russes des sanctions américaines si leurs transactions sont liées à la production d’énergie, la source de revenus la plus importante pour la machine de guerre du Kremlin.
- Renforcer l’industrie de défense américaine. Nous devons montrer à nos adversaires, en particulier à la Russie et à la Chine, qu’ils ne peuvent pas rivaliser avec les capacités de défense des États-Unis. L’économie russe est plus petite que celle du Texas. Nous ne pouvons pas permettre à la Chine d’égaler et de surpasser les États-Unis.
- Revitaliser l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Il s’agit notamment de faire payer aux Européens leur juste part. Il est temps de relever la barre des dépenses à 3 % du produit intérieur brut des pays membres.
- Créer un programme de « prêt-bail » de 500 milliards de dollars pour l’Ukraine. Au lieu d’accabler les contribuables américains avec de nouvelles factures, laissez l’Ukraine emprunter autant qu’elle en a besoin pour acheter des armes américaines afin de vaincre la Russie. C’est ainsi que nous avons aidé la Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale, avant Pearl Harbor. C’est ainsi que nous pouvons envoyer un signal clair à M. Poutine : il ne gagnera jamais.
- Lever toutes les restrictions sur le type d’armes que l’Ukraine peut obtenir et utiliser. Cela rétablira une position de force, et M. Poutine comprendra que la guerre doit cesser. Il devra faire face à des coûts croissants et n’aura plus aucune chance de gagner.
Selon les auteurs, ces mesures « permettraient à M. Trump de fixer les conditions d’un accord » : la guerre s’arrête immédiatement.
L’Ukraine met en place d’importantes forces de défense afin que la Russie ne puisse plus jamais attaquer. Personne ne reconnaît l’occupation et l’annexion revendiquée par la Russie des territoires ukrainiens, tout comme nous n’avons jamais reconnu l’incorporation des États baltes par l’Union soviétique et avons refusé de reconnaître l’Allemagne de l’Est jusqu’en 1974. La Crimée est démilitarisée. L’Ukraine se reconstruit grâce à des réparations provenant des réserves gelées de la banque centrale russe, et non de l’argent des contribuables américains. L’Ukraine adhère à l’OTAN dès que possible afin que tous les alliés européens assument le fardeau de sa protection. L’OTAN devrait créer un fonds de 100 milliards de dollars pour l’armement de l’Ukraine, la part des États-Unis étant plafonnée à 20 %, comme c’est le cas pour les autres budgets communs de l’alliance. L’Union européenne devrait rapidement admettre l’Ukraine et l’aider à moderniser et à développer son économie.
Et qu’en est-il de la Russie ? « Si la Russie respecte ces conditions, l’Occident lèvera progressivement les sanctions. Elles seront totalement levées lorsque l’Ukraine sera membre de l’OTAN et de l’UE ».
Pompeo et Urban affirment que
« ces mesures, et non les demi-mesures de l’administration Biden, mettront fin à la guerre, établiront une paix durable, garantiront que l’Europe supporte le fardeau de son maintien et rétabliront la liberté et la sécurité sur le continent.
« Pour ceux qui en doutent, concluent les auteurs, la dernière chose que M. Trump souhaite pour son second mandat est un échec en matière de politique étrangère qui détournerait l’attention de son programme national et ferait passer le retrait bâclé de M. Biden d’Afghanistan pour un succès en comparaison ».
L’article a été publié alors que l’on s’inquiète de plus en plus de l’arrêt de l’aide américaine à Kiev si Trump remporte les élections. Pompeo et Urban abordent également cette question, affirmant qu’il n’y a « aucun fondement aux affirmations des experts » selon lesquelles Trump mettra fin à l’aide, demandera à Kiev de céder des territoires et, avec Poutine, imposera une « paix honteuse ».
Toutefois, ces inquiétudes ne sont pas nées du néant. Trump lui-même n’a rien dit de substantiel sur la guerre, si ce n’est qu’elle « doit cesser », promettant « d’y mettre fin dans les 24 heures » et faisant des déclarations sur l’Ukraine face à une machine de guerre qui a déjà vaincu Napoléon et Hitler, lors d’une interview avec Fox.
Mais les experts en sécurité qui l’entourent ont parlé à Politico, Reuters et au Washington Post, et ce qu’ils ont proposé incluait définitivement la possibilité de contraindre l’Ukraine à céder des territoires et même à ne pas accepter l’adhésion à l’OTAN.
En outre, le choix par Trump de J.D. Vance, un opposant à l’aide à l’Ukraine, comme vice-président est remarquable : il est connu pour être un opposant à la poursuite de l’aide à Kiev.
On peut donc supposer que l’article témoigne des efforts déployés pour façonner la politique étrangère de Trump et qu’il tente de l’attirer dans le camp des auteurs.
(…)
Conclusion
Vu ces éléments, il apparaît clairement que les néo-conservateurs s’apprêtent à repartir pour un tour avec Trump. Jamais, dans leur univers parallèle, les intérêts légitimes de la Russie, de la Chine ou d’autres pays de la majorité planétaires sont pris en compte dans leurs propositions. Ils suffoquent dans ce qu’on pourrait qualifier de « déni d’autrui ».
Croient-ils réellement qu’il suffira de bomber le torse, de proférer des menaces et de brandir l’arme nucléaire pour que la Russie capitule en rase campagne ? Vraiment ?
Force est de constater que, malheureusement, en tout cas jusqu’à aujourd’hui, Trump n’a pas clairement indiqué qu’il veut et peux faire une autre politique que celle de ses conseillers qui risque de conduire assez rapidement le monde entier à un suicide thermonucléaire mutuel.