Pour lancer sa croisade anti-chinoise, Biden veut transformer le G7 en G1

dimanche 13 juin 2021, par Karel Vereycken

Si le président américain Donald Trump se voyait comme l’envoyé des évangélistes chrétiens, Joseph Robinette Biden se revendique catholique. D’où sans doute le goût prononcé pour les croisades qui s’installe durablement à la Maison Blanche. Les historiens se rappelleront de l’immense succès qu’eurent, au XIIIe siècle, les envoyés du pape sommant les Mongols à se convertir à sa belle religion…

En réalité, Biden, lors des grandes rencontres en Europe (sommet du G7, sommet de l’Otan et réunions avec les dirigeants des 27 de l’UE à Bruxelles), ne poursuit qu’un seul objectif : rallier à sa vaste croisade anti-russe et anti-chinoise ses alliés du G7 et de l’UE, s’érigeant en commandant-en-chef d’un G1 déterminé à mettre au pas tous les autocrates et autres hooligans de la planète à qui il lira à voix haute le Riot Act (loi anti-émeute) !

Précisons que la réforme OTAN 2030, dont on discutera ce lundi, vise explicitement à transformer l’Alliance Atlantique, en « alliance politico-militaire » agissant, non seulement dans l’hémisphère nord, mais à l’échelle mondiale sous la houlette exclusive du Pentagone. Si Biden est « de retour » dans le multilatéralisme, ce n’est pas pour écouter ou dialoguer. Il s’agit tout simplement de faire connaître les conditions de la soumission à ses alliés et celles de leur capitulation inconditionnelles à ses rivaux ou opposants.

Le but du G7 était donc d’accorder le camp « occidental » afin de permettre à Biden d’acter la réforme lors du sommet de l’OTAN le 14 juin, de s’imposer, fort du soutien « des alliés », lors de la rencontre avec Poutine le 16 juin, et de préparer un passage en force lors du G20 finance (dont font partie la Chine, la Russie et l’Inde), qui aura lieu à Venise du 9 au 10 juillet.

De Rambouillet à Cornouailles

On est loin du G7 de Rambouillet de 1975, lorsque la France avait lancé l’idée d’une rencontre informelle entre chefs d’Etats des pays les plus riches du monde à l’abri de leurs sherpas et de leurs conseillers.

A l’époque, le G7 « pesait » 70 % du PIB mondial, alors qu’aujourd’hui cette part est en dessous des 50 %. En termes de PPP (parité de pouvoir d’achat), le G7 ne représentait plus que 30 % du PIB en 2019, bien moins que celui des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Et ces derniers représentent 41 % de la population mondiale, alors que le G7 n’en représente que 10 %…

Au nom de « nos valeurs » ?

De jour en jour, comme avec la Russie, les rapports entre les Etats-Unis et la Chine se dégradent. Si sous Trump, le bras de fer avec la Chine se faisait initialement sur le plan des rapports commerciaux puis sur le plan des nouvelles technologies, des campagnes soutenues de China-bashing (accusations d’un piétinement de la liberté à Hong-Kong, d’existence de camp de travail forcé et d’un prétendu « génocide en cours » contre les Ouïghours dans le Xinjiang, d’un laboratoire de Wuhan à l’origine de la Covid, etc.) ont déplacé le curseur sur le plan de l’émotionnel.

La Chine, nous disent les Anglo-Américains, n’est pas seulement un « rival stratégique ». Toute coopération avec elle doit cesser, car elle ne partage pas « nos valeurs »… Le G7, reconnaissons le, a d’étranges valeurs. Par exemple, laisser croupir Assange dans une prison britannique fait partie de ses valeurs, alors que faire libérer Navalny en Russie est une priorité...

A ceci s’ajoute que la Russie et la Chine refusent de se plier à « l’ordre libéral international », c’est-à-dire qu’en gardant une politique d’État stratège, elles refusent de se soumettre à l’occupation financière instaurée par une oligarchie financière contrôlant aussi bien nos banques centrales, nos marchés, nos grands médias et nos GAFAM.

Sabordage de l’accord UE-Chine sur l’investissement

Par exemple, le 22 mars, suite à cette campagne mensongère sur les Ouïghours, menée par des moulins à fake news comme l’évangéliste Adrian Zenz, l’UE, suivie par le Royaume-Uni, a imposé des sanctions contre quatre responsables chinois, notamment des interdictions de visas et gels d’avoirs. Après une réponse chinoise symétrique au travers de mesures identiques contre des députés européens impliqués dans cette propagande, la Commission européenne, par la voix de son vice-président Valdis Dombrovski, a fini par annoncer le 4 mai 2021 la « suspension » de l’accord des investissements entre la Chine et l’UE, conclu le 30 décembre 2020 après 7 ans de négociations assidues ! « Dans la situation actuelle, avec les sanctions de l’UE contre la Chine et les contre-sanctions chinoises, y compris contre des membres du Parlement européen, l’environnement n’est pas propice à la ratification de l’accord », a-t-il expliqué à l’AFP.

De son coté, cherchant en vain à ternir le prestige (soft power) de la Chine, la présidente démocrate de la Chambre américaine des représentants, Nancy Pelosi, lors d’une audition consacrée aux droits de l’Homme, a appelé à un « boycott diplomatique » des Jeux olympiques d’hiver qui doivent se dérouler du 4 au 20 février 2022 à Beijing. « Ne faisons pas l’honneur au gouvernement chinois de recevoir des chefs d’Etat. »

Orientations du G7

Le Projet Eden à Cornouailles au Royaume-Uni, ville où s’est tenu le G7.

La rencontre du 5 mai des ministres des Affaires étrangères du G7, celle des ministres de Finances avec les gouverneurs des banques centrales et le Financial Stability Board (FSB) de la Banque des Règlements Internationaux (BRI) de Bâle, ont fixé le contenu qu’adopteront enfin les chefs d’Etats réunis à Cornouailles en Angleterre en compagnie de la joyeuse Reine Elisabeth II et sa parentèle.

1. Fascisme vert et finance verte. Le G7, en droite ligne de la « grande réinitialisation » prônée par Davos et les grands gestionnaires d’actifs (BlackRock, etc.) et prenant prétexte des menaces extérieures (Chine, Russie), climatiques et pandémiques, resserre les rangs pour imposer la transition verte et une décarbonation tous azimuts nocive aussi bien pour l’homme que la nature. Alors que 90 % du continent africain tire son énergie du bois et du charbon, il sera désormais interdit d’investir le moindre dollar dans ce type de ressource.

2. Infrastructures. Pour « contrer » les Nouvelles Routes de la soie de la Chine, programme présenté comme une vilaine tentative égoïste de s’accaparer le monde, le G7 annonce vouloir lancer des grands programmes d’infrastructures dans les pays pauvres ! Le 12 juin, le site de la Maison Blanche annonce l’initiative Build Back Better World (B3W), un partenariat « transparent » organisé par les grandes « démocraties » pour combler le déficit infrastructurel mondial estimé à plus de 40000 milliards de dollars. Il s’agit de mobiliser les pays du G7 et des partenaires « ayant le même esprit » pour amener le secteur privé dans quatre domaines capitaux : le climat, la santé et la sécurité sanitaire, le numérique et l’égalité et l’équité du genre, le tout avec des investissement catalyseurs des grandes institutions financières (Banque mondiale, FMI, Banque africaine de développement, etc.). Le tout bien sûr, contrairement à l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la soie, en pleine conformité avec les objectifs climatiques de l’accord de Paris…

3. Pandémies. A part la promesse de donner 1 milliard de vaccins aux pays pauvres, les dirigeants du G7 affirment, avec la « déclaration de Carbis Bay » de Boris Johnson, vouloir mettre en place un mécanisme spécial pour éviter qu’une catastrophe du type Covid-19 se répète. Le premier volet de cette déclaration comprend en premier lieu une série d’engagements pour empêcher une nouvelle pandémie en réduisant le délai pour développer des vaccins, des traitements et des diagnostics, avec l’espoir que le monde soit prêt en moins de 100 jours pour faire face à une maladie soudaine. La déclaration ne tranche pas la question de la levée des brevets des vaccins. Si cette idée est bonne, sans transfert des technologies dans les pays devant faire face, elle manquera d’effets. L’autre volet portera sur un renforcement de la surveillance sanitaire, et la mise en place d’une réforme de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) afin qu’elle soit « plus puissante ». En réalité il s’agit de réduire autant que possible l’influence de la Chine, avec la Fondation Bill et Melinda Gates (trop ami avec Beijing), un des plus grands contributeurs à l’OMS.

4. Justice fiscale. Le 5 mai, l’administration Biden a imposé, lors de la réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales, un accord présenté comme « historique » instaurant un impôt minimaliste de 15 % sur les grosses multinationales dont les GAFAM. Prétendant vouloir mettre fin aux paradis fiscaux, ce projet est un énorme cadeau fiscal aux GAFAM. (Lire notre article).

5. Climat. Au cours du week-end, l’entourage du G7 a visité l’Eden Project, un bio-dôme géant construit à Cornouailles abritant une forêt tropicale humide. C’est là où, entouré de la famille royale au complet, le Prince Charles a lancé une fois de plus un appel vibrant à prendre la menace climatique autant au sérieux que la menace pandémique... Tout près de là, une nouvelle entreprise minière, British Lithium, tente d’extraire le lithium de manière écologique, une centrale houlomotrice en voie d’installation et un projet pionnier d’exploitation de l’énergie géothermique. Impossible de faire plus vert. Une œuvre d’art nouvellement érigée, construite dans le style du Mont Rushmore et à l’effigie de chacun des sept dirigeants, rappellera en permanence aux dirigeants mondiaux l’importance de l’agenda environnemental : Joe Biden, Boris Johnson, Justin Trudeau, Angela Merkel, Emmanuel Macron, Mario Draghi et Yoshihide Suga. Cependant, le « Mont Recyclemore » a été entièrement construit à partir de produits électroniques mis au rebut, tels que des iPhones, des téléviseurs et des circuits imprimés. La pression psychologique écolo-catastrophiste aura été à son maximum.