Abandon de l’Accord global Chine-UE : l’Europe se couche

mardi 11 mai 2021

Chronique stratégique du 11 mai 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le 4 mai, la Commission européenne a suspendu l’accord global sur les investissements entre l’UE et la Chine (AGI), signé le 30 décembre 2020, estimant que l’environnement politique entre les deux parties n’est « pas propice ». Ce retournement était le but inavoué de la vaste campagne de propagande propageant le mythe d’un « génocide en cours » contre la population Ouïghour dans le Xinjiang. Au centre de cette campagne, l’IPAC, un groupe de parlementaires occidentaux lié à la machine anglo-américaine en défense des « démocraties ».

L’AGI a été conclu en décembre dernier après sept années de négociations, sous la pression de l’Allemagne, qui était alors à la tête de la présidence tournante de l’UE, et qui y voyait, dans le contexte du Brexit, un moyen d’ouvrir des débouchés pour son industrie. S’il n’était pas parfait, cet accord répondait néanmoins à un certain réalisme estimant qu’il est préférable de ne pas s’enfermer dans une logique « de blocks » et d’ouvrir des voies de coopération avec la Chine, qui est devenu un moteur économique incontournable pour le monde, plutôt que de lui chercher des poux.

Il restait encore à le faire ratifier par chaque Etat-membre – un processus d’une lenteur que n’ont pas manqué d’exploiter les ennemis de la coopération entre l’Europe et la Chine.

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Comme nous l’affirmons sur ce site, la campagne sur le traitement de la minorité Ouïghour de la province du Xinjiang a moins à voir avec les droits de l’homme qu’avec les vues impériales de Londres et Washington — drapées de « l’ordre mondial fondé sur des règles » (des règles imposées au nom de la « supériorité morale » de l’Occident, et dont l’exemple le plus infamant est la politique de sanctions provoquant la mort, la famine et les épidémies au Yémen, en Syrie, au Venezuela, etc).

Déterminés à empêcher toute forme de coopération Est-Ouest, les réseaux néoconservateurs anglo-américains — et leurs suppôts européens —, renforcés par l’arrivée au pouvoir à Washington de l’administration Biden, ont mené une propagande acharnée dans les médias occidentaux sur « le génocide des Ouïghours », entraînant les deux parties dans une crise diplomatique sans précédent.

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Ainsi, le 22 mars, pour la première fois depuis 1989, Bruxelles a imposé des sanctions à la Chine – interdictions de visas et gels d’avoirs – contre quatre responsables chinois accusé d’avoir violé les droits des Ouïgours.

Répliquant dans la foulée, Beijing a imposé à son tour des sanctions contre plusieurs entités, élus et universitaires européens et britanniques. Parmi les élus visés par les sanctions chinoises, on trouve plusieurs élus faisant partie de l’Inter-parliamentary Alliance on China (IPAC), du China Research Group (CRG) et du Council on Geostrategy.

Ces organisations, toutes récemment créées à Londres, ont pour but de mettre en tête des agendas européens la réprobation des Ouïghours, et de pousser les gouvernements, jugés trop mous face au grand méchant chinois, à adopter une attitude plus conflictuelle. Elles constituent de puissants réseaux d’influence, étroitement liés à la National Endowment for Democracy (NED) – l’organisation bipartite américaine chargée par la CIA d’opérer des « changements de régime » dans le monde – et la Henry Jackson Society (HJS) – le puissant think-tank néoconservateur britannique truffé d’agent des services secret et impliqué dans toutes les manipulations contre la Chine et la Russie.

L’IPAC regroupe des membres de seize parlements de l’UE, du G7, du Japon, de la Suisse, de l’Australie, etc – dont les Britanniques Iain Duncan Smith et la baronne Helena Kennedy, les Américains Marco Rubio et Bob Menendez, et les Français André Gattolin (écolo, ancien chef de campagne de Cohn-Bendit qui a rejoint LREM) et Isabelle Florennes (MoDem). Une alliance que la Chine, par la voix du Global Times, a qualifiée de « farce » et comparée à « l’Alliance des huit nations » montée contre l’Empire Qing en 1900 pour le punir de son soutien à la révolte des Boxers contre les législations étrangères en Chine.

Les accusations de l’IPAC s’appuient sur les recherches de son conseiller Adrian Zenz, qui a publié le 29 juin 2020 un « rapport » accusant Beijing de stériliser de force les femmes Ouïghours. Zenz est un fondamentaliste évangéliste allemand ; c’est le responsable Chine de la Fondation pour la mémoire des victimes du communisme, un repère de l’extrême-droite. Une bien étrange référence pour ces bien-pensants pétris de leçons sur la démocratie et les droits de l’homme !

Brisant enfin le silence institutionnel, la Fondation transnationale pour la recherche sur la paix et l’avenir (TFF), basée en Suède, a dénoncé le 24 avril les origines extrémistes de ce rapport. Déplorant le fait que les médias l’ont tous relayé sans vérifier les sources, les enquêteurs du TFF ont identifié l’implication de six groupes interconnectés : les fondamentalistes chrétiens, les milieux va-t-en-guerre de la politique étrangère américaine, les Frères musulmans, les milieux anti-communistes, le lobby pro-israélien et les réseaux politisant les droits de l’Homme.

Ce rapport apparaît – consciemment ou pas – comme soutenant la ligne dure de la politique étrangère américaine et exploitant la question des droits de l’Homme pour promouvoir une politique conflictuelle vis-à-vis de la Chine, écrit la Fondation.

La question est de savoir si, après les mensonges sur les couveuses au Koweït, sur le yellowcake de Saddam Hussein, ou encore sur les attaques chimiques de Bashar el-Assad, nous allons une fois de plus nous laisser envoûter par ces sirènes orwelliennes…

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