Bolivie : la défaite du coup d’État oligarchique doit nous inspirer

jeudi 12 novembre 2020

Chronique stratégique du 12 novembre 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le nouveau président bolivien, Luis Arce, a pris ses fonctions dimanche 8 novembre, un an après le coup d’État organisé par l’extrême-droite de Santa Cruz avec l’appui du Département d’État américain et de l’oligarchie financière transatlantique. La mobilisation courageuse de la population bolivienne, qui a bravé une répression féroce et meurtrière, doit nous inspirer pour nous libérer chez nous de la dictature financière et médiatique.

Dimanche, à La Paz, Luis Arce Catacora, l’ancien ministre des Finances du gouvernement d’Evo Morales, a été officiellement investi président de Bolivie, aux côtés de son vice-président David Choquehuanca, l’ancien ministre des Affaires étrangères, après trois semaines de fortes tensions entretenues par le gouvernement d’extrême-droite de Jeanine Áñez, qui refusait de reconnaître la victoire du Mouvement vers le socialisme (MAS) et a tout fait pour perturber la passation de pouvoir. Le MAS revient ainsi au pouvoir un an exactement après en avoir été écarté lors d’un coup d’État aux couleurs de la « révolution de Maïdan » en Ukraine, et qui avait forcé Morales à s’exiler au Mexique puis en Argentine.

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A ceux qui cèdent à la peur face aux crises dans le monde, le peuple bolivien vient de donner une leçon de courage et d’intelligence politique, écrit Jacques Cheminade sur Twitter, le 11 novembre. Evo Morales est de retour en Bolivie, son ex-ministre de l’économie, Arce, président. L’oligarchie peut être vaincue.

Le coup d’État de novembre 2019, qui avait pu aboutir grâce à la participation de l’armée, avait porté au pouvoir les milieux réactionnaires évangélico-fascistes de la haute bourgeoisie de Santa Cruz, avec le soutien actif du secrétaire d’État américain Mike Pompeo et de la machine à « démocratie » liée au National Endowment for Democracy (NED) – une agence financée autant par le Parti républicain que le Parti démocrate, et qui est impliquée dans nombre de manipulations, révolutions de couleur et coups d’État, au cours des 20 dernières années, de la « révolution » de Maïdan en Ukraine aux récentes tentatives de coup d’État en Bolivie et au Venezuela, en passant par le mouvement de révolte à Hong-Kong.

Libération économique et scientifique

La victoire écrasante du MAS aux élections du 18 octobre – 55,1% contre 28,8 % pour le candidat néolibéral Carlos Mesa – est le reflet de l’empreinte laissée par les 13 années de la présidence Morales (2006-2019). Sa politique de progrès économique et de justice sociale a en effet apporté une extraordinaire transformation de l’économie bolivienne, et une élévation considérable des niveaux de vie. Depuis le coup d’État, les manifestations de soutien pour l’ancien gouvernement n’ont jamais cessé, malgré la répression brutale et meurtrière qui s’est abattue sur la population, précisément parce celle-ci est consciente qu’une certaine oligarchie mondialiste tente de lui voler ce progrès.

Entre 2005 et 2019, le taux de pauvreté est passé de 38,2 % à 15 %. Le taux de croissance moyen a été de 4,5 %, avec un fort vecteur scientifique et technologique. Dès son arrivée au pouvoir en 2006, Evo Morales avait renationalisé les réserves nationales de pétrole et de gaz, une initiative soutenue à l’époque par l’économiste et homme politique américain Lyndon LaRouche. En 2015, rejetant « l’impérialisme vert », le président bolivien avait lancé l’exploitation d’un champ pétrolier au cœur d’une « réserve naturelle » dans le département de Santa Cruz.

Au cours de ces années, son gouvernement a mis en œuvre une véritable « libération scientifique », dans le but de réduire la dépendance du pays à l’égard des technologies étrangères, tout en formant des milliers de scientifiques, d’ingénieurs, de professeurs et autres personnels qualifiés, capables de contribuer au développement rapide du pays, notamment dans le secteur nucléaire, y compris la recherche pour la fusion.

Empêcheurs de piller en rond

Tout en multipliant les efforts en faveur de l’indépendance énergétique et technologique de la Bolivie, Morales a noué des liens de coopération avec la Russie et la Chine. Un centre national de recherche en technologie nucléaire dans la ville d’El Alto a par exemple été construit en partenariat avec l’agence nucléaire russe Rosatom, et l’exploitation du minerai de fer du gisement du Mutún (quatrième réserve mondiale) a été confiée à l’entreprise chinoise Sinosteel.

Enfin, Morales s’est battu pour empêcher les capitaux étrangers de mettre la main sur « l’or blanc » – le lithium, un composant essentiel pour les batteries électroniques et électriques, et dont la Bolivie détient la plus grande réserve mondiale – et pour produire des batteries sur place, « 100 % Made in Bolivia ». Autant d’excellentes raisons pour l’oligarchie anglo-américaine de vouloir se débarrasser à tout prix de ces empêcheurs de piller en rond !

Lorsque l’on compare le progrès économique et social de l’ère Morales avec la corruption, la brutalité et le dédain à l’égard de la vie humaine manifestés par le gouvernement Áñez, on comprend aisément pourquoi Luis Arce a pu remporter les élections, et pourquoi Evo Morales a été accueilli en héros à son retour en Bolivie. Même un géopoliticien pro-atlantiste comme le Dr Evan Ellis, du Collège de guerre de l’armée US, reconnaissait en juillet dernier que les « erreurs » des États-Unis, en ne remettant pas en cause la politique anti-démocratique d’Áñez, avaient créé les conditions du retour du MAS au pouvoir. Comme quoi, on ne se refait pas !

Les développements en Bolivie doivent nous inspirer à mener le combat chez nous en France et en Europe contre l’occupation financière et culturelle de nos pays par l’oligarchie de Wall Street et de la City de Londres. Car nous vivons plus que jamais un temps où, comme dans la pièce Guillaume Tell de Friedrich Schiller, les citoyens doivent se lever et dire : « Non, il y a des limites à la tyrannie ! »

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