


Chronique stratégique du 9 juillet 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)
Le timing de la provocation ne pouvait pas être mieux choisi, entre le trentième anniversaire des manifestations de la place Tian’anmen et le 22e anniversaire de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine par la Grande-Bretagne – avec, au milieu de ces deux dates, la rencontre sous haute tension entre Donald Trump et Xi Jinping à Osaka, en marge du G20.
Alors qu’en France on évoque ces développements avec des pincettes, les médias anglo-saxons ne se sont pas embarrassés de gants pour jeter de l’huile sur le feu. Le dernier gouverneur colonial de Hong-Kong lui-même, Chris Patten, est apparu tel un fantôme pour livrer ses commentaires d’ex-colon en chef.
La nature provocatrice est devenu manifeste le 1er juillet, jour anniversaire de la rétrocession de Hong-Kong, lorsqu’un groupe de quelques centaines d’activistes ultra-violents ont forcé l’entrée et envahi le Parlement, les visages masqués, coiffés de casques de chantier. Les émeutiers, qui font partie d’un groupuscule se nommant le « Mouvement pour l’autonomie de Hong-Kong » (Hong-Kong Autonomy Movement) et prônent la destruction des bâtiments officiels du pouvoir central chinois – ont arboré l’ancien drapeau colonial britannique au sein de l’hémicycle. Curieuse façon de défendre son indépendance...
L’ensemble des manifestants qui marchaient pacifiquement ce jour-là se sont démarqués de cette action. A Hong-Kong, bien qu’on soit prompte à critiquer Beijing, personne ne demande un retour à la loi britannique.
Empire britannique, mon amour
La veille, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères de sa Majesté, Jeremy Hunt, a conseillé à la Chine de rester en-dehors de ce qui se passe à Hong-Kong et de respecter la déclaration conjointe sino-britannique signée en 1984, menaçant de « conséquences graves si l’accord juridique international n’était pas respecté ».
Sans surprise, les Chinois ont modérément apprécié les injonctions de leur ancien maître colonial. « [Hunt]semble fantasmer la gloire passée du colonialisme du Royaume-Uni, comme obsédé par la mauvaise habitude de critiquer et de donner des leçons avec condescendance au sujet des affaires des autres pays », a déclaré Geng Shuang, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Il est tout simplement honteux de prétendre que les libertés du peuple de Hong-Kong ont été négociées pour lui par le Royaume-Uni, a ajouté Geng. J’aimerais demander à M. Hunt s’il y avait une démocratie tout court lorsque Hong-Kong était une colonie sous la loi britannique ? Le peuple de Hong-Kong n’avait même pas le droit de manifester dans la rue. Ce n’est qu’après la rétrocession que les résidents de la ville ont pu jouir de droits et de libertés démocratiques dont ils étaient auparavant privés, à travers la mise en place par le gouvernement chinois de la politique ’un pays, deux systèmes’, (…) laissant une large autonomie à Hong-Kong, en accord avec la Constitution et la loi fondamentale.
De son côté, l’ambassadeur de Chine à Londres, Liu Xiaoming, a également manifesté son indignation face à cette « interférence flagrante et inacceptable » :
Je pense que Jeremy Hunt a fait une grave erreur en parlant de liberté, a déclaré l’ambassadeur. Il ne s’agit pas de liberté, mais d’une violation de la loi de Hong-Kong. Il est très décevant de voir un responsable officiel à ce niveau afficher son soutien à des personnes hors-la-loi. Nous nous souvenons tous de la situation de Hong-Kong il y a 22 ans sous le système britannique : il n’y avait pas de liberté, de démocratie. Nous savons tous que les gouverneurs étaient tous nommés par le gouvernement britannique, et que la population n’avait aucun droit d’élire ses responsables, de manifester ; ils n’avaient même pas le droit d’avoir un pouvoir judiciaire indépendant.
L’éditorialiste du Global Times est sans doute celui qui a le plus mis le doigt sur le nerf sensible :
La plupart des analystes estiment que Hunt brasse du vent. Personne ne croit que le Royaume-Uni enverra son seul porte-avion vers les côtes chinoises. De même que personne ne croit que le Royaume-Uni punira Beijing au risque de nuire à son commerce avec la Chine. Le Royaume a été surclassé par la Chine militairement commercialement. (…) Hunt pense sans doute que le peuple britannique peut être manipulé comme un troupeau de moutons ; évidemment, sa fermeté extérieure cache sa faiblesse intérieure. Le peuple britannique lui-même est amusé par son comportement.
Et d’enfoncer le clou : « Il y a quelques mois, le Royaume-Uni se félicitait encore de ’l’âge d’or’ des relations avec la Chine ; et voilà que du jour au lendemain il en arrive à la menacer de ’conséquences graves’. Dans ces circonstances, nous ne devrions peut-être pas le prendre trop au sérieux »...
Les Britanniques avaient en effet pris soin de mettre en valeur les bonnes relations entre le Royaume-uni et la Chine, manifestant leur intérêt pour les Nouvelles Routes de la soie, et se précipitant même pour être le premier pays européen à adhérer à la Banque asiatique des investissements dans les infrastructures... tout en continuant de voir le monde comme si on était encore au bon vieux temps de l’Empire. Mais nous ne sommes plus au XIXe siècle, et le temps des guerres de l’opium est fini.
Ces développements ont toutefois le mérite, alors que la Grande-Bretagne vient de saisir un supertanker iranien au détroit de Gibraltar, de mettre en pleine lumière la main des Britanniques dans la déstabilisation mondiale.
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