Face au viol d’Europe : mieux que le Frexit, la « dissolution »

lundi 22 avril 2019, par Karel Vereycken

Le viol d’Europe, peinture du Titien (vers 1560).

S’appuyant sur une partie de l’analyse développée par l’économiste Robert Salais dans son livre Le viol d’Europe, enquête sur la disparition d’une idée (Presse Universitaire de France, 2013), Karel Vereycken, lors de l’école de cadres de Solidarité & Progrès à Autun, a ouvert la table ronde sur l’Europe.

Avant de plancher sur le qui a conduit la construction européenne dans l’impasse, arrêtons-nous un instant sur le mythe d’Europe développé par Ovide dans Les Métamorphoses.

D’après ce mythe d’origine grec, Zeus (Jupiter chez les Romains) s’éprend d’une très belle jeune femme, Europe, qu’il réussit à séduire et enlever en se déguisant en paisible taureau blanc. Si chacun est libre d’imaginer la suite, pour Rober Salais, contestant le cœur du « grand récit » de la construction européenne, il s’est agi, dès le début, d’un véritable viol.

Car toutes les institutions européennes et surtout « le marché total » ont été conçues, façonnées et imposées, le plus souvent par des élites ni sincères ni transparentes ; des élites elles-mêmes très souvent guidées par des intérêts cupides et géostratégiques n’ayant pas grande chose à voir avec notre continent.

Si l’on contemple la couverture du dernier livre de Bruno Le Maire Le Nouvel Empire (Gallimard, 2019), l’on se rend bien compte que ce viol se poursuit. Déjà, le 11 novembre 2018, dans un entretien avec le quotidien allemand Handelsblatt, Le Maire avait martelé que « L’Europe ne devrait plus hésiter à jouer de son pouvoir et à devenir un empire de paix » notamment pour peser davantage économiquement, dans le contexte actuel de tensions commerciales, face à la Chine et aux Etats-Unis.

En refusant de porter sur les fonts baptismaux ce qui aurait pu devenir un « Airbus du ferroviaire » (l’alliance entre le Français Alstom et l’Allemand Siemens), la Commission européenne, dont Bruno Le Maire n’a tarit pas d’éloges, organise la défaite en rase campagne de l’Europe en lui interdisant de se réindustrialiser et de jouer dans « la cour des grands » .

Henri IV, père de l’Europe des patries et du droit international

Henri IV.

Si le mot « empire » est à la mode, Le Maire semble ignorer la vraie histoire de l’Europe qui est celui des idées de la Renaissance en rébellion contre toute forme d’Empire. Car depuis Louis XI, la France, premier État-nation de l’histoire moderne, entrera en opposition virulente avec ce modèle impérial romain quand elle sera fidèle à sa mission.

Celui qui avait sans doute le mieux compris les enjeux, fut le roi français Henri IV et son conseiller Sully. Leur « Grand Dessein » visait à mettre en pièce l’Empire de la maison des Habsbourg qui, depuis 1519, possédait presque l’ensemble du territoire européen.

En effet, d’après les Mémoires de Sully, Henri IV, le 19 mai 1610, c’est-à-dire cinq jours avant son assassinat, s’apprêtait, après avoir écrasé les Habsbourg, mais « sans aucune hostilité ni déclaration de guerre », à redécouper l’Europe (à l’exclusion de la Moscovie) en quinze dominations : six royaumes héréditaires (France, Espagne, Grande-Bretagne, Danemark, Suède et Lombardie) ; six puissances électives (papauté, Venise, Empire [Allemagne et Autriche], Pologne, Hongrie, Bohême) ; et trois républiques fédératives (la République helvétique, la République d’Italie et la République des Belges).

Dans l’esprit d’Henri IV, ces quinze États devraient posséder une égalité de territoire et de richesse. A cette recomposition politique correspond un meilleur équilibre religieux, les trois grandes confessions chrétiennes (la catholique, la luthérienne et la calviniste) y jouissant de l’exercice libre et public du culte dans chaque pays.

Les quinze formeraient une confédération dirigée par six Conseils chargés de domaines spécifiques et un Conseil général qui réglerait les différends entre chaque souverain et ses sujets et ceux des Etats entre eux ; il n’y aurait plus ni révolutions, ni guerres.

Dans l’esprit d’Henri IV, cette « Europe des quinze » désormais pacifiée, plutôt un « concert de nations » qu’un simple équilibre géopolitique, devrait unir ses forces et tendre vers un unique but : la lutte contre les Turcs, qui, malgré leur défaite à Lépante en 1571, restaient une menace. Les Turcs vaincus, l’Europe jouirait de la paix universelle et perpétuelle.

Cependant, en 1610, comme on l’a déjà dit cinq jours avant le lancement de l’opération militaire, Henri IV est assassiné et la réalisation du projet suspendue.

En 1618 démarre la guerre de trente ans. Ce n’est qu’en 1648, lors de la Paix de Westphalie qu’on va esquisser en Europe, et soyons-en fière, les fondements d’un ordre international anti-impérial fondé sur la non-ingérence, la souveraineté nationale et le développement mutuel.

L’Europe en 1648.

Ces principes seront repris ultérieurement par tous ceux qui par la suite combattirent les Empires :

  • en 1941, dans la Charte de l’Atlantique, par Franklin Roosevelt s’opposant à Churchill ;
  • en 1945, par Eleanor Roosevelt dans l’élaboration de la charte de l’ONU et enfin,
  • en 1954, par l’Inde et la Chine dans la mise au point des cinq principes de la coexistence pacifique, principes adoptés à Bandung pour promouvoir la décolonisation et l’émancipation des pays du Sud.

Dans son discours de l’Union de 1941, Franklin Delano Roosevelt, y rajoutera ce qu’il appelait les « quatre libertés » :

  • la liberté d’expression,
  • la liberté de religion,
  • la liberté de vivre à l’abri du besoin (grâce à la création d’une sécurité sociale digne de ce nom) et
  • la liberté de vivre à l’abri de la peur (grâce à une politique de développement de paix par le développement permettant le désarmement).

Trahison

De gauche à droite : Paul-Henri Spaak, Paul Reynaud, Winston Churchill et Robert Schuman.

Tout cet héritage a été travesti et ensuite trahi. En 1948, bien que les propositions foisonnent et que le Mouvement européen s’agite, au nom de l’urgence de faire face à la menace soviétique, il est hors de question d’attendre des accords politiques entre Etats-nations pour lancer « l’Europe ».

Duncan Sandys, le gendre de Churchill.

Les Anglais, sans jamais en faire partie, veulent bien s’en charger. Pour accélérer le processus, c’est le gendre de Churchill, Duncan Sandys, qui se trouva à la tête du Comité de coordination des mouvements européens.

C’est lui qui ira chercher aux Etats-Unis le soutien des frères John Foster et Allen Dulles. Le premier était le secrétaire d’Etat américain, le deuxième le fondateur de la CIA. Les deux apporteront des soutiens financiers et politiques à un mouvement européen qui ne peut pas les refuser.

Ce n’est pas le moment d’écouter les peuples, le monde du travail ou même les Européistes. Comme le documente Salais, tous sont mis devant le fait accompli, celui de l’organisation du « marché total ».

Pour y arriver, la création du Benelux leur servira de laboratoire permettant de tester les différentes formes d’intégration forcées, qu’il s’agit d’une union douanière, d’un marché permettant la libre circulation des capitaux où d’une alliance militaire.

Dès 1943, le Benelux adopte comme objectif les fameuses « quatre libertés » (libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes), incantation abstraite des sacro-saint principes du libre-échangisme à l’anglaise, qu’on retrouvera ensuite dans le Traité fondateur du Marché commun, le Traité de Rome de 1957.

De Gaulle, l’épine dans les pieds des Anglo-américains

Face à ces Anglo-américains qui tentent d’accoucher au forceps un Etat supranational européen, notamment dans le cadre de l’aide apporté par le plan Marshall, la France, notamment par la personne du président Charles De Gaulle, sera bien seule. Pour lui, tout comme pour son ami le chancelier allemand Adenauer, il est hors de question de brader la souveraineté monétaire et militaire.

Européen de cœur, il imposera la politique agricole commune (PAC) garantissant un minimum de sécurité alimentaire au continent, une politique qu’Anglais et Allemands souhaitent toujours éradiquer.

Enfin, il se montra très attaché au fait que toute décision, pour être acceptée par les peuples, devait résulter d’une décision de leurs chefs d’Etats et de gouvernements prise à l’unanimité.

Son Plan Fouchet pour une Union d’Etats, rejeté par les partenaires européens et les Anglo-Américains, sera la tentative ultime pour faire naître une vraie unité politique en Europe.

Aujourd’hui, De Gaulle y aurait sans doute ajouté, comme l’a précisé Jacques Cheminade lors de ses commentaires, l’impérative nécessité d’une souveraineté numérique et d’outils de renseignement qu’offrent le domaine spatial et les câbles sous-marins.

Le marché parfait

Au niveau économique, précise Salais, deux visions s’affrontent : la planification (Jean Monnet, Pierre Mendès France) et le marché. « L’Union européenne les a associés en créant au fil du temps un monstre, une chimère non connue jusqu’alors, la planification du marché parfait ».

Comme le démontre la citation suivante du livre de Salais, le Marché Commun a été fondée, dès le début sur le concept de la libéralisation totale des marchés qu’il ne faut pas confondre avec un simple marché commun ou zone de libre échange permettant à chacun des échanges plus amples. (voir encadré)

« Libération » ou « Libéralisation » des échanges ?

L’économiste Robert Salais.

Robert Salais, dans Le viol d’Europe, nous explique, page 19, et cela est d’une importance fondamentale aujourd’hui pour quiconque essaye de porter un jugement sur le Brexit ou sur les relations entre l’UE ou les Etats-Unis avec la Chine, à quel point « libération » et « libéralisation » sont deux visions diamétralement opposées.

La libération des échanges vise à ce que les acteurs économiques puissent commercer librement, c’est-à-dire s’entendre bilatéralement sur les justes termes de l’échange, acheter et vendre autant qu’ils veulent à leur convenance de part et d’autres des frontières. Elle passe avant tout par la suppression des contingentements, quotas et autres restrictions quantitatives aux échanges extérieurs. Les agents ont néanmoins à payer des droits de douane qui alimentent les caisses des Etats et à respecter les législations nationales. Au-delà des restrictions quantitatives, arriver à des échanges justes bute donc, non sur l’existence des droits de douane en eux-mêmes, mais sur leurs disparités à l’intérieur de l’union pour un même produit. Un tarif élevé pénalise les exportateurs des autres pays, un tarif bas peut les favoriser indûment par rapport aux producteurs nationaux.

Les décisions conduisant à des disparités de tarifs pour un même produit doivent être justifiées par l’Etat qui les impose par des raisons générales que les autres peuvent admettre, car ils en font eux-mêmes usage pour d’autres produits (comme la protection d’une industrie naissante, de l’innovation et, plus généralement, des avantages spécifiques de ses industries, comme l’autosuffisance alimentaire, etc.). La libération des échanges s’appuie donc sur les identités économiques des pays et a pour perspective leur développement dans un contexte d’internationalisation. Elle donne un rôle d’intervention aux Etats. Le principe de concurrence qu’elle privilégie et autour de laquelle la politique des tarifs douaniers s’organise est, non pas la concurrence par les prix comme pour la libéralisation des marchés, mais la concurrence par la qualité.

La libéralisation des marchés est tout autre chose. Sa première étape est la réduction, puis la suppression des droits de douanes (encore appelés tarifs). Une fois les tarifs supprimés, sa seconde étape est la chasse à toutes les entraves non-tarifaires (subventions explicites ou déguisées aux exportations, taxes sur les importations et clauses spécifiques imposées aux produits importés, clauses de santé et d’hygiène publique, étiquetage, et autres). Ce fut, très précisément, le programme de long terme fixé dès 1956 par le marché commun. Son objectif ultime n’est pas la libération des échanges, mais l’instauration d’un marché parfait, d’un espace unifié d’où toute intervention des Etats est bannie. La libéralisation vise donc à instaurer la concurrence par les prix de tous contre tous selon la croyance en l’efficience des marchés dans l’allocation optimale des ressources ; le consommateur-type visé est un consommateur indifférencié sans racines, ni histoire. Sous couvert d’égalité, elle organise la domination des puissants en empêchant les faibles de protéger leur économie, toute protection étant qualifié d’anticoncurrentielle. Sous d’autres formes, c’est la politique de la canonnière, chère à la colonisation, pour s’ouvrir des marchés et l’accès aux ressources. On comprend, en passant, la sensibilité exacerbée des dirigeants européens face à l’exigence américaine d’ouvrir leurs colonies. La libéralisation des marchés implique – et finit par en faire des conditions préalables – la convertibilité des monnaies nationales, puis l’instauration d’une monnaie unique et la libre circulation des capitaux et pas seulement celle des marchandises. Elle tend donc à dissoudre les identités économiques nationales pour leur substituer dans le long terme, comme on le constate aujourd’hui, le marché total, et la réorganisation du monde sous la domination d’une oligarchie privée, économique et financière.

Vereycken passa ensuite en revue les grandes dates de la construction européenne.

Entre partisans du tout marché et planificateurs d’une intégration industrielle, les batailles furent rudes. Ce qu’on appelle la « déclaration Schuman » ne fait que préciser la méthode de Jean Monnet, partisan de la deuxième école : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble. Elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait. »

Cependant, face à la menace soviétique, les Américains veulent que l’Europe se dresse, autant comme une forteresse qu’une vitrine. Ainsi, après l’échec, suite au vote du Parlement français en 1954, de la Communauté européenne de défense (CED), c’est le rapport présenté par l’ancien premier ministre belge Paul-Henri Spaak (rapport en réalité écrit par Pierre Uri, un proche de Jean Monnet) qui va dramatiser l’émergence d’une nouvelle technologie qui émerge aux Etats-Unis (le nucléaire civil) pour exiger l’ouverture des marchés européens, ce qui se fera en 1957 par la création d’Euratom et la Communauté économique européenne (CEE ou « marché commun »).

Le rapport Spaak

Entre les Etats-Unis qui, presque dans chaque domaine, assurent à eux seuls la moitié de la production mondiale, et les pays qui sous un régime collectiviste s’étendant au tiers de la population du globe, augmentent leur production au rythme de 10 ou de 15 % par an, l’Europe, qui avait autrefois le monopole des industries de transformation et tirait d’importantes ressources de ses possessions d’outremer, voit aujourd’hui ses positions extérieures affaiblies, son influence déclinée et sa capacité de progrès se perdre dans ses divisions.

Il ne s’agit pas de méconnaitre l’expansion rapide de la production qui s’est manifestée dans les dernières années : elle ne doit pas pourtant faire illusion.

L’Europe bénéficie pour le développement de sa productivité d’une assimilation rapide des techniques à l’écart desquelles les circonstances l’avaient tenue. Dans l’état présent de son organisation économique, elle ne saurait prolonger ces progrès et soutenir par ses propres forces ce rythme d’expansion. Trois exemples feront concrètement apparaitre ce que signifie, face aux possibilités du monde moderne, le cloisonnement européen des marchés.

  • Il n’y a pas une entreprise automobile en Europe qui soit assez grande pour utiliser de manière économique les plus puissantes machines américaines.
  • Aucun des pays du continent est capable sans apports extérieurs de construire de grands avions de transport.
  • Dans le domaine de la science atomique les connaissances acquises à grands frais dans plusieurs des pays d’Europe ne représentent qu’une faible fraction de celles que les Etats-Unis mettent maintenant librement à la disposition de leur industrie et des autres pays ; et il faudrait des années pour produire quelques milliers des kilos de cet uranium enrichi dont l’Amérique vient annoncer qu’elle pouvait mettre à la disposition de son industrie et du reste de monde un surplus de 40 tonnes.

Aucun de nos pays n’est à l’échelle des efforts immenses de recherche et d’investissements fondamentaux qui donneront le départ de cette révolution technique que promet l’ère atomique. Mais à leur tour, des développements de production que cette nouvelle source d’énergie et ses techniques nouvelles rendront possibles, heurteraient aux limites trop étroites des marchés européens séparés. La révolution atomique fera dans quelques années éclater le caractère archaïque de nos structures économiques.

C’est pourquoi, en choisissant d’engager d’abord l’unification de l’Europe dans le domaine économique, les six ministres des Affaires étrangères réunis à Messine ont fait porter l’accent sur ces deux réalisations essentielles : la mise en commun de l’industrie atomique et la création d’un marché commun général ».

Ce qu’on pense être « l’erreur » d’avoir choisi l’élargissement de l’UE — certains rêvent de l’Europe « des 36 » en ajoutant à l’Europe actuelle des 28, l’Ukraine, l’Albanie, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie, la Turquie, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo — à la place de son approfondissement, n’a jamais été une erreur mais l’essence même d’une stratégie délibérée qui postule que la course à la taille du marché européen est le garant même de sa survie, de son succès et de sa prospérité.

Brexit

Le succès de l’UE et de l’euro restent à prouver. D’après l’économiste Michel Santi, alors que la Chine a bénéficié depuis 2009 d’une croissance de 139%, l’Inde d’une croissance de 96% et les Etats-Unis d’une croissance de 34%, en Europe, pendant la même période, elle a été de moins de 2 % ou de -2% !

En Europe, il est incontestable que la libéralisation des marchés a engendré un appauvrissement jetant les populations les unes contre les autres tout en offrant des avantages au 1% du sommet et dans une moindre mesure aux 15 à 20 % qui tentent de lui ressembler.

La montée des égoïsmes nationaux éclate au grand jour. Alors qu’Orban et Salvini se croient du même bord lorsqu’il s’agit de contester Bruxelles, le premier refuse hystériquement les migrants que le deuxième demande de répartir sur l’ensemble du territoire de l’UE.

Au Royaume Uni, une oligarchie a su exploiter les caprices de David Cameron pour manipuler le pays dans un référendum kafkaïen sur le Brexit. Alors qu’on peut parfaitement comprendre ceux qui veulent échapper à la prison européenne, l’intégration physique et humaine des chaines de production est telle que toute sortie d’un pays de façon isolé doit soigneusement chercher à les préserver. Les échanges entre les Iles britanniques et le continent totalisent 700 milliards d’euros par an. C’est 10 000 conteurs par jour. La moitié des exportations anglaises trouve preneur dans l’UE qui, à son tour, est la source de 50% des importations entrant au Royaume Uni. Le RU ne produit que 49 % de sa propre nourriture dont 30 % est importée de l’UE, notamment des quantités impressionnantes de fruits, de légumes, de céréales, de poisson et de viande).

Le vote sur le Brexit a divisé tout le pays : les pauvres se sont dressés contre les riches, la campagne contre les villes mais également l’Ecosse riche contre l’Angleterre pauvre. Parfois certains pauvres, notamment ceux qui survivent avec l’argent de la PAC, ont voté pour rester alors que d’autres pauvres voient en Bruxelles la source de leur malheur.

Le casse-tête irlandais

Bien que l’Irlande du Nord, en tant que territoire, ait voté pour rester dans l’UE, les protestants du DUP, dont dépend la survie de Theresa May comme Premier ministre, espèrent ardemment pouvoir rester Britannique. Aussi bien Bruxelles que les brexiteurs anglais ont fait l’impasse sur le problème de la frontière séparant l’Irlande du Nord de la République d’Irlande.

En 1998, après des décennies de guérilla urbaine sanglante entre catholiques et protestants, les accords du Vendredi Saint avait mis fin au conflit.

Faisant partie de l’accord, le fait que plus jamais il n’y aura une frontière « hard », avec des postes de douanes effectuant des contrôles systématiques, entre les deux entités. Or, avec un Brexit, cette frontière deviendra, tôt ou tard, une frontière « extérieure » de l’UE avec tout ce que cela comporte… Alors que l’UE devait nous éloigner de toute forme de guerre sur notre continent, le Brexit nous ramène bien ce cocktail explosif que cyniquement les uns utilisent contre les autres.

Une des rares photos du Brexit.

On croit rêver lorsqu’on entend des hommes politiques comme François Asselineau de l’UPR, ou d’autres, déclarer qu’« il ne faut pas se tromper. Ce n’est pas sortir de l’UE qui est difficile. (…) Le problème, c’est que ceux qui ont été battus acceptent la démocratie ». C’est maintenant qu’ils le découvrent ?

M. Asselineau semble ignorer les conditions de nos détenus. Passer sa vie en prison, c’est insupportable. Vous allez très mal manger, sans doute vous faire violer et vous allez être obligé de faire vos besoins dans un trou au milieu de la pièce commune devant vos codétenus. Maintenant, si vous vous faites la belle comme on dit, c’est une balle dans le dos qui risque de mettre fin à votre existence. Eh, bien, c’est ça l’Europe aujourd’hui !

L’Europe aura donc la peau des Anglais qui se font la belle ! L’article 50, comme l’a tacitement avoué dans Le Parisien Valéry Giscard d’Estaing qui se dit en être l’auteur, n’a jamais été écrit pour réellement permettre à un pays de partir de l’UE. C’est pour faire semblant d’être démocratique, face à des Américains qui l’accusaient d’être une prison, que l’UE, pour la décoration, a rajouté l’article 50.

Celui qui avait très bien expliqué l’Europe-prison, c’était Jacques Attali en janvier 2011, lors de l’Université populaire participative (UPP) organisée par Ségolène Royal à Rueil-Malmaison.

Celui qui fut le sherpa de Mitterrand, le parrain de Hollande et l’ami de Sarkozy et de Macron, y admettait que toutes les crises européennes depuis trente ans, en cela diamétralement à l’opposé de l’esprit des pères fondateurs de l’Europe, furent consciemment programmées par des « experts » pour imposer, pas à pas, et contre la volonté des peuples, un vaste Empire supranational.

Voir l’extrait des déclarations d’Attali à la minute 35 ci-dessous :

Un article récent du Point vient de nous dévoiler qu’en Allemagne, où la prostitution a été légalisée, le nombre de « travailleurs du sexe » a atteint le nombre impressionnant de 400 000, environ dix fois plus qu’en France ! Si ce marché, estimé à 15 milliards d’euros rien qu’en Allemagne, est « encadré », la plupart de ces femmes, qui subissent des violences inouïs, ne sont pas allemandes mais roumaines, bulgares, ukrainiennes et pour les amateurs, nigérianes.

En tout cas, pour « sortir » de cette Europe des faux-monnayeurs et des proxénètes, il va falloir s’y prendre autrement. Peut-être partir par le toit avec un hélicoptère, car partir par la porte, c’est la mort assuré.

Ce qui vient à l’esprit, c’est la dissolution de l’URSS, elle aussi avant sa dislocation, était une sorte de prison. Bien que les circonstances ne furent pas tout à fait les mêmes, et qu’une partie des détenus ait pris le contrôle de l’institution, il est un fait que la Russie n’a jamais « quitté » l’URSS.

En 1991, après que plusieurs pays déclarent leur « indépendance », notamment les pays Baltes, Boris Eltsine et les présidents d’Ukraine et de Biélorussie ont entériné la « dissolution » de l’URSS en créant la CEI (Communauté des États indépendants) dont la naissance est alors approuvée par onze des quinze anciennes Républiques soviétiques. Cela n’a pas été facile et le résultat était loin d’être parfait.

Il est évident que si la France, de concert avec le Royaume Uni et l’Allemagne, par exemple lors d’une réunion Ecofin (Conseil européen des ministres de l’économie et des finances) à Bruxelles, décidaient de « dissoudre » la zone euro (et du même coup mécanisme néo-colonial que représente le franc CFA qui y est rattaché) et l’UE tout en jetant les bases d’une nouvelle coopération mutuelle, les autres pays européens, soulagées qu’on mette fin à l’agonie et la souffrance, ne tarderaient pas à les rejoindre aussi tôt.

1991, Accord de Bélajeva (Minsk). Boris Eltsine et les présidents d’Ukraine et de Biélorussie entérinent la dissolution de l’URSS en créant la CEI (Communauté des États indépendants) dont la naissance est approuvée par onze des quinze anciennes Républiques soviétiques.