Pour sauver la paix mondiale, Trump doit virer John Bolton !

mercredi 3 avril 2019

Deux processus contradictoires évoluent et accélèrent de façon simultanée. Sur le plan positif, de plus en plus de pays intègrent le nouveau paradigme de développement économique et de coopération porté par les Nouvelles Routes de la soie. Cette dynamique, en dépit des efforts zélés des médias pour en cacher la véritable nature aux populations, s’est soudainement invitée en Europe à l’occasion de la visite du président chinois Xi Jinping, au cours de laquelle l’Italie et le Luxembourg ont adhéré à l’Initiative de la Ceinture et la Route (ICR).

De plus, la rencontre entre Macron, Merkel, Juncker et Xi le 26 mars à Paris a montré que les dirigeants européens, au-delà de leurs démonstrations de cabris, ont bien compris que face aux vents qui se lèvent en Asie, mieux vaut construire des éoliennes que d’ériger des murs, comme l’a récemment dit Michele Geraci, le secrétaire d’État italien au développement économique.

Cependant, les points de tension ne manquent pas de par le monde – Venezuela, Golan, Ukraine, négociations États-Unis-Chine, etc. – et les forces néoconservatrices et néolibérales, tel le tigre blessé, se démènent frénétiquement pour les alimenter.

Aux États-Unis, le « charme » du Russiagate a été rompu, avec la remise du rapport du procureur spécial Robert Mueller innocentant Donald Trump vis-à-vis de l’accusation de collusion avec la Russie ; désormais, le président américain peut voler de ses propres ailes. « Mais on ne sait pas de quel côté il va voler », fait remarquer Jacques Cheminade sur Tropiques FM, le 30 mars.

La question est : aura-t-il le courage d’écarter les néocons des postes-clés de son administration ?

Comme le souligne sur le journal internet Strategic Culture Foundation le grand reporter Martin Sieff, auteur de plusieurs livres sur les question moyen-orientales, trois personnes en particulier posent un grave danger pour la paix mondiale :

  • John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale,
  • Mike Pompeo, le secrétaire d’État,
  • et Elliott Abrams, l’envoyé spécial au Venezuela.

Nous pourrions ajouter Mike Pence, le vice-président, qui, avec Pompeo, représente les milieux fondamentalistes évangélistes les plus fous.

Recidivistes

Bolton et Abrams font figure de véritables frères siamois depuis plusieurs décennies ; ils étaient déjà associés pendant la présidence Reagan, où ils faisaient partie de l’aile dure derrière le vice-président George H. W. Bush (le père). C’est notamment cette cabale, qui sert les intérêts du complexe militaro-financier anglo-américain, qui s’est acharnée contre l’économiste Lyndon LaRouche et son organisation, le jetant en prison, suite à un procès truqué et expéditif, digne de l’époque de McCarthy, en janvier 1989. Rappelons au passage que Robert Mueller se trouvait également au cœur de cette chasse aux sorcières contre LaRouche.

C’est ainsi que l’on retrouve par exemple Bolton et surtout son sous-fifre Elliot Abrams impliqués, par leur soutien au dictateur sanguinaire Rios Montt en 1982 (déjà un « évangéliste chrétien »), dans l’extermination de peuples indigènes du Guatemala et leur soutien aux escadrons de la mort au Salvador.

Abrams sera l’homme de l’affaire « Iran-contra » sous l’administration Reagan. Selon certaines sources, l’homme aurait été à l’origine de contrats d’armes avec l’Iran dont le bénéfice alimentait une caisse noire au profit des « Contras », des milices anti-communistes en guerre contre le gouvernement sandiniste du Nicaragua. Les mêmes contras ont été soupçonnés de se financer par la vente de cocaïne dans les ghettos américains.

On retrouve ensuite notre duo dans l’orchestration de la guerre d’Irak en 2003 sous Bush junior, et enfin aujourd’hui dans une tentative visant à saboter l’effort de détente et d’entente amorcé par Trump au début de son mandat.

On sait notamment que Bolton a joué un rôle déterminant pour pousser Trump à sortir du traité INF sur les armes nucléaires intermédiaires entre les États-Unis et la Russie. De même, si Bolton est plutôt un athée, il a encouragé Trump, avec le vice-président Mike Pence et les « sionistes chrétiens », à accorder la souveraineté territoriale d’Israël sur le plateau du Golan.

Tout cela porte gravement atteinte au statut des Etats-Unis de honest broker, c’est-à-dire à son rôle potentiel d’intermédiaire impartial dans les grands conflits mondiaux.

Le sabotage du sommet de Hanoi

Enfin, un article publié par Reuters le 29 mars confirme ce que nous avions déjà évoqué (lire la chronique du 5 mars « Les leçons du sommet de Hanoï ») : Bolton a délibérément fait capoter le second sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un, qui s’est tenu les 27 et 28 février derniers dans la capitale du Vietnam.

Selon cet article, au cours de la seconde journée du sommet, alors que Bolton et Pompeo venaient de débarquer (n’étant pas prévus au programme), le président américain s’est vu remettre aux Nord-coréens un document dans lequel les États-Unis demandaient une dénucléarisation totale de la Corée du Nord, ainsi qu’un démantèlement de toutes les infrastructures liées aux programmes d’armes chimiques et biologiques. « Le document correspond à la ligne dure du ‘modèle libyen’ défendue depuis longtemps par Bolton pour une dénucléarisation que la Corée du Nord a rejeté à plusieurs reprises », note Reuters, qui a pu se procurer le document en question. Évidemment, le leader nord-coréen ne pouvait pas faire autre chose que considérer cette demande comme une insulte et une provocation, et tourner les talons.

« Auparavant, Trump s’était distancé publiquement de l’approche de Bolton, disant que le ‘modèle libyen’ ne serait utilisé qu’en cas d’échec des négociations », ajoute Reuters. En mai 2018, le président américain avait publiquement répudié ce modèle, déclarant : « Nous avons décimé ce pays ».

« Comme le disait justement Sigmund Freud, souvent l’explication la plus évidente est la meilleure : parfois un cigare est juste un cigare, conclut Martin Shieff. Si Bolton ressemble à, se comporte et résonne comme un dangereux fanatique belliqueux, c’est parce qu’il est un dangereux fanatique belliqueux ». Il est donc temps de libérer les institutions américaines de ce genre d’oiseau de mauvais augure.

De la bataille faisant rage à l’intérieur de l’administration américaine dépend la paix du monde. Il est intéressant de noter, par exemple, en dépit du fait que les négociations entre les États-Unis et la Corée du Nord sont au point mort depuis le sommet de Hanoï, que Trump a fait annuler les nouvelles sanctions contre la Corée du Nord décrétées quelques heures plus tôt par le secrétaire au Trésor…