Après l’Italie, Xi Jinping bouscule l’inertie européenne

mercredi 27 mars 2019

L’Italie, puissance économique de premier plan, pays fondateur de l’Union européenne et membre du G-7, vient de signer, à l’occasion de la visite de Xi Jinping à Rome, un protocole d’entente définissant sa participation active à l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la soie lancée en septembre 2013.

Il s’agit d’un événement stratégique majeur dont les répercussions n’ont pas fini de se faire ressentir ; car, en plus d’opposer une résistance à l’austérité destructrice prônée par l’UE, le gouvernement italien pose ainsi un pied dans une approche de l’économie physique telle que la défend depuis plusieurs décennies l’économiste Lyndon LaRouche et notre mouvement (lire notre chronique du 25 mars : « Y compris après son décès, Lyndon LaRouche agite l’Italie »).

C’est un véritable cauchemar pour les libre-échangistes, qui pensaient s’être définitivement débarrassés de toute « ingérence » des États-nations dans les marchés, au profit du « monde de l’argent ».

Une « culture de la croissance »

Accompagné d’une délégation de 500 personnes, dont 200 chefs d’entreprises, Xi Jinping est donc arrivé le vendredi 22 mars à Rome, Il y a rencontré le président italien Sergio Mattarella. Lors de leur conférence de presse commune, les deux présidents ont souligné le fait que les développements actuels entre la Chine et l’Italie prennent leur source dans les anciennes Routes de la soie.

« Les anciennes Routes de la soie avaient facilité la connectivité entre l’Asie et l’Europe, a déclaré Xi, (…) et nous joignons de nouveau nos mains aujourd’hui. (…) L’ancienne Route de la soie nous apporte de nouveau sa vitalité. (…) Nous faisons en sorte de consolider les synergies entre nos stratégies respectives de développement afin d’améliorer la collaboration dans les secteurs de transport logistique et maritime, et de réaliser des projets concrets et qualifiés sur la Route de la soie ».

Même Mattarella, qui reste plutôt soumis à l’UE et qui subit la situation depuis l’arrivée de la coalition gouvernementale Lega-M5S, a souligné l’importance de la « culture de la croissance » unifiant les deux pays. « Nous avons travaillé sur le protocole depuis septembre dernier, et la coopération entre l’Italie et la Chine facilitera non seulement notre propre développement mais aussi la croissance mondiale », a-t-il déclaré.

Le lendemain, les deux pays ont conclu près d’une trentaine d’accords, dont dix accords économiques et 18 accords institutionnels. Le protocole d’entente (« Memorandum of understanding » ou MoU) formalisant la participation de l’Italie à l’Initiative de la Ceinture et la Route (ICR), qui a été signé samedi par le vice-Premier ministre italien Luigi Di Maio et son homologue He Lifeng, constitue bien entendu la pierre angulaire de la nouvelle coopération sino-italienne.

Dans son introduction, le protocole précise que « les parties vont travailler ensemble au sein de l’ICR afin de convertir nos forces complémentaires mutuelles en une coopération pratique et une croissance durable, et soutenir les synergies entre l’ICR et les priorités identifiées dans le plan d’investissement pour l’Europe et les réseaux trans-européens, tout en gardant à l’esprit les discussions dans le cadre de la plateforme pour la connectivité UE-Chine ». Ce qui signifie en clair que la Chine n’entend pas mener des relations bilatérales avec l’Italie, ou quelque autre pays européen, en contradiction avec les objectifs internes fixés par l’UE.

Les accords économiques incluent : un partenariat stratégique entre la Cassa depositi et Prestiti (Caisse des Dépôts et Consignations italienne) et la Banque de Chine pour financer les entreprises italiennes en Chine ; un MoU entre la compagnie pétrolière italienne ENI et la Banque de Chine pour des explorations en Chine ; deux accords avec Ansaldo Energia, dans un cas pour développer des turbines à gaz et dans l’autre une turbine pour Shanghai Electric et Benxi Steel ; etc. Enfin, parmi les accords institutionnels, outre celui de l’ICR, il a été convenu une coopération dans le secteur des start-ups innovantes et du commerce électronique, ainsi qu’une coopération entre les deux agences spatiales, et dans les domaines agricole, culturel, de la santé et des médias.

Et les autres Européens ?

L’embarras a été total à Bruxelles, Paris et Berlin, sans parler de Londres et Washington. Jusqu’alors, seuls des pays « secondaires » de la périphérie de l’UE s’étaient associés à l’ICR, comme le Portugal, la Grèce, la Pologne, etc. Il était encore possible de faire tourner en boucle dans les médias le « story-telling » faisant de l’ICR une entreprise de domination avant tout chinoise et une manœuvre visant à attirer les pays en voie de développement dans le « piège de la dette ». Avec l’accord signé à Rome, cette propagande en prend un sérieux coup et la position européenne apparaît désormais pour ce qu’elle est : une pure idéologie.

Emmanuel Macron ne s’est pas privé de faire la leçon au gouvernement italien en affirmant que « les négociations bilatérales sur des textes d’accord sur la Route de la soie ne sont pas une bonne méthode » ; de plus, à plusieurs reprises, il a mis de l’avant le récent document en dix mesures élaboré par l’UE à l’égard de la Chine, qui décrit cette dernière comme un « rival systémique ».

L’Italie vient d’ouvrir une grande brèche dans le mur du néolibéralisme transatlantique. En agissant ainsi, elle nous offre implicitement à nous Européens une occasion pour retrouver de notre âme – d’humanistes, de bâtisseurs de nations, de découvreurs et d’explorateurs – vendue depuis trop longtemps au diable de la finance et de la bureaucratie mondialiste…