Coopération Italie-Chine : un gros caillou dans la chaussure de l’empire anglo-américain

vendredi 15 mars 2019

Par Bruno Abrial


Comme nous l’avons rapporté dans notre chronique du 11 mars, l’Italie s’apprête à signer un accord préliminaire d’adhésion à l’Initiative de la Ceinture et la Route (ICR) portée par la Chine. La signature devrait survenir le 22 mars, lors de la visite du président Xi Jinping.

Ce développement a résonné comme un tremblement de terre dans l’ensemble du monde néolibéral/néoconservateur. Un membre du G7, qui plus est pays fondateur de l’UE, ose sortir des clous jalousement gardés du « monde libéral transatlantique » ! C’est tout le storytelling anti-chinois et anti-Routes de la soie qui menace de s’effondrer !

Un affront au laisser-faire, laisser passer

La Maison-Blanche, au travers d’une conversation avec deux hauts responsables de l’administration publiée dans le quotidien italien La Stampa (propriété du groupe De Benedetti), a fait part de sa grande inquiétude à l’idée que le gouvernement italien donne ainsi du crédit au projet chinois, et lui a adressé des menaces à peine voilées. En adhérant à l’ICR, l’Italie risque selon elle d’endommager la coopération entre les entreprises américaines et italiennes, ainsi que les capacités opérationnelles de l’OTAN. « L’Italie se désolidarise ainsi du reste du G7 et permet à l’ICR de pénétrer l’Europe », estiment les deux responsables, qui ajoutent que « cela pourrait légitimer une approche du développement économique qui est antinomique avec le marché et le secteur privé ».

À l’heure des privatisations et de l’austérité budgétaire, indispensables pour maintenir à flot le casino financier, l’Italie donne un bien mauvais exemple ! Manifestement à court d’arguments, les deux responsables de la Maison-Blanche lancent : « Par cette action, l’Italie s’apprête à rejoindre le club pas si noble du Sri Lanka, du Pakistan, du Kenya, etc., et de leurs économies en difficulté. Ce qui pourrait faire beaucoup de tort à sa réputation mondiale ».

Dans le même registre, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a dénoncé le 12 mars le fait que la Chine « ne respecte pas les règles du jeu  », reprenant ainsi la rhétorique de Barack Obama en son temps. Le grand crime de la Chine serait de « ne pas promouvoir la prospérité de la manière dont nous le faisons ici en Occident », c’est-à-dire selon les principes du néolibéralisme…

L’ICR : une chance pour l’Europe de rejouer un rôle dans le monde

Notre parti frère italien, le Movisol, a tenu le mercredi 13 mars une conférence à Milan, coorganisée avec la région de Lombardie, sur le thème « L’Italie et la Nouvelle Route de la soie » ; parmi les orateurs se trouvaient Helga-Zepp-LaRouche, la présidente internationale de l’Institut Schiller, et Michele Geraci, le sous-secrétaire italien au ministère de l’Économie. Geraci, qui dirige actuellement le groupe de travail du gouvernement avec la Chine, a souligné l’importance de la coopération de l’Italie avec la Chine, y compris dans la perspective du développement du Mezzogiorno.

Conférence coorganisée par Movisol et la région de Lombardie sur le thème "L’Italie et la Nouvelle Route de la soie", le mercredi 13 mars à Milan.

L’adhésion de l’Italie à l’ICR représente un développement essentiel pour le monde, comme l’a expliqué Helga Zepp-LaRouche. Elle ouvre une brèche béante dans la psychose paranoïaque anti-chinoise entretenue en Occident, et met à mal la rhétorique présentant l’ICR comme un projet exclusivement chinois. Il s’agit d’un pas fondamental dans la réalisation du nouveau paradigme pour lequel l’économiste américain Lyndon LaRouche et l’Institut Schiller ont œuvré au cours des 30 dernières années.

LaRouche est considéré en Italie comme le visionnaire des Nouvelles Routes de la soie, comme l’a récemment évoqué l’ancien Premier ministre italien Giulio Tremonti, mais aussi du Glass Steagall (séparation banques de dépôts-banques d’affaires) et des quatre principes économiques cardinaux. Liliana Gorini, la présidente de Movisol, a rappelé que LaRouche avait été reçu en 1988 par le Comité des Finances du Parlement italien, et que les députés avaient admis, quelques années après, qu’il avait eu entièrement raison sur l’ensemble de son analyse.

De gauche à droite : Michele Geraci, Claudio Celani, Helga Zepp-LaRouche et Liliana Gorini

Pour les néocons anglo-américains, qui pensaient enfin être débarrassés de Lyndon LaRouche, après son décès le 12 février dernier, voir aujourd’hui sa femme en première ligne, au côté du gouvernement italien, dans ce changement stratégique majeur, représente un véritable cauchemar éveillé…

La décision de l’Italie offre une grande occasion pour unifier enfin l’Europe, a affirmé Helga Zepp-LaRouche, non pas derrière la bureaucratie de l’UE, mais dans la conception gaulliste et des pères fondateurs faisant de notre continent un pont de l’Atlantique à la mer de Chine, via la Russie, à travers les Nouvelles Routes de la soie ainsi que des organisations telles que l’Union Économique Eurasiatique (UEEA). Ainsi, l’Europe pourra de nouveau jouer un rôle essentiel dans la situation stratégique : « Car une Europe des pères fondateurs, unie, coopérant avec l’Initiative de la Ceinture et la Route, y compris l’Allemagne et la France, serait le meilleur moyen de forcer les États-Unis à abandonner leur opposition – qui n’est pas le fait de Trump lui-même mais des forces à l’intérieur de l’administration – et à rejoindre le nouveau paradigme », a-t-elle déclaré.

Les Chinois sont bien conscients de l’importance stratégique de l’adhésion de l’Italie à l’ICR : « Un tel développement va avoir un effet démonstratif pour persuader d’autres pays de l’UE comme la France et l’Allemagne à adopter une attitude plus ouverte vis-à-vis de l’ICR », écrit Hu Weijia dans une tribune parue le 7 mars dans le Global Times, quotidien chinois proche du pouvoir, et intitulée « L’ICR peut apporter une prospérité mutuelle à la Chine et l’Europe ». Hu souligne que « la France a exprimé sa volonté de coopérer avec la Chine dans des projets concrets de l’ICR. De même en Allemagne, où de nombreuses entreprises espèrent pouvoir bénéficier des nouvelles opportunités de l’initiative, en dépit des l’attitude ambivalente du gouvernement ».

Le second Forum international de la Ceinture et de la Route se tiendra fin avril à Beijing. Il réunira plus de 150 pays. A nous de pousser le gouvernement français à s’affranchir de la matrice désuète de la géopolitique anglo-américaine et à mettre les deux pieds dans les Nouvelles Routes de la soie.