Visite de Xi Jinping : face aux vents puissants d’Asie, Macron veut ériger des murs !

vendredi 22 mars 2019, par Christine Bierre

Le président Xi Jinping arrive en France le 24 mars, suite à un voyage qui s’annonce déjà très fructueux en Italie et à Monaco. En Italie, tout est prêt pour que le pays soit le premier du G7 à signer un protocole d’accord pour participer à l’Initiative Ceinture et Route de la Chine (ou Nouvelles Routes de la soie), au grand dam des États-Unis qui y sont particulièrement hostiles.

Le président chinois a aussi de quoi se réjouir à Monaco. Le géant des télécoms chinois, Huawei, vient de signer un accord avec Monaco Telecom (qui appartient à Xavier Niel), faisant de ce pays le premier à être totalement connecté en 5G. Il s’agit, là aussi, d’un pied de nez aux néoconservateurs de Washington qui, en coulisse, tordent le bras à leurs alliés pour qu’ils excluent Huawei de leur marché 5G.

Qu’en est-il de la France ?

L’occasion serait magnifique pour aller plus loin avec la Chine dans cette belle aventure qui remonte aux très anciennes routes de la soie et qui s’est renforcée au fil du temps, notamment à l’époque de Colbert et Leibniz au XVIIe siècle, et plus récemment avec Charles De Gaulle.

Cette année, nous célébrons deux événements lourds de sens pour nos deux pays : le 55e anniversaire de l’ouverture des relations diplomatiques entre la France et la Chine, mais aussi le centenaire du mouvement Travail-études, qui, depuis 1919, a permis à quelque 600 étudiants chinois de venir étudier dans notre pays, parmi lesquels deux des principaux dirigeants chinois du XXe siècle, Zhou Enlai et Deng Xiaoping.

Leur connaissance approfondie de la France, datant de cette époque, a créé les conditions d’une coopération particulièrement fructueuse au niveau bilatéral, mais aussi à l’échelle internationale. Nous pensons aux accords de Genève de 1954, où une collaboration sino-française permit à Pierre Mendès France de mettre fin à la guerre en Indochine.

Pour l’heure cependant, Emmanuel Macron est mal parti pour ajouter un nouveau chapitre dans cette belle histoire.

C’est la métaphore utilisée par Michele Geraci, sous-secrétaire italien à la coopération économique, lors de la conférence à Milan co-organisée par l’Institut Schiller et la région de Lombardie, le 16 mars, qui illustre le mieux le gouffre entre l’attitude italienne et celle de la France, aujourd’hui, vis-à-vis de la Chine : « Face au vent, il y a ceux qui construisent des murs et ceux qui construisent des moulins », a déclaré M. Geraci, expliquant que les deuxièmes utilisent productivement le vent comme énergie pour aller de l’avant.

Emmanuel Macron est clairement parmi ceux qui tentent, au contraire, de dresser des murs. Son credo : l’Europe va mal ? Construisons un mur de « souveraineté extérieure » pour la faire tenir debout. La Chine attire des pays en crise auxquels l’UE n’a rien d’autre que l’austérité à proposer ? Il n’y a qu’à interdire les contrats bilatéraux avec la Chine : obligeons-la à négocier uniquement avec l’Union européenne !

La contre-offensive européiste

A son instigation et celle de Merkel, l’UE vient de proposer, le 12 mars, un plan en 10 mesures visant à régenter les relations entre la Chine et les 28 Etats membres. Incapable d’imposer sa ligne aux pays d’Europe du sud et de l’Est, dont 16 ont formé une plateforme de coopération économique avec la Chine, l’UE tente d’abord de durcir les éléments de langage sur la Chine.

Si elle est toujours décrite comme un « partenaire de négociation avec lequel l’UE doit parvenir à un équilibre d’intérêts », elle est désormais classée aussi comme un « concurrent économique qui ambitionne d’être au premier plan technologique et un rival systémique qui promeut d’autres modèles de gouvernance ».

Le plan d’action est un appel à l’unité de l’UE pour imposer ses normes de gouvernance et ses orientations au partenaire qu’est toujours la Chine. Ainsi, la mesure 9 appelle, par exemple, à une approche unie dans le domaine de la sécurité des réseaux 5G, et la 10 à une « mise en œuvre rapide, complète et effective du règlement sur le filtrage des investissements directs étrangers », deux mesures qui visent la Chine sans la nommer.

Au nom du multilatéralisme...

Face aux néoconservateurs de l’administration américaine, face aux guerres commerciales de Trump, les Européens ne veulent pas cependant se passer de la capacité de nuisance que représente la Chine en tant qu’alliée.

C’est sans doute la raison pour laquelle, après avoir tenté de dresser un mur contre ses investissements dans l’UE, Emmanuel Macron a, en même temps, invité Angela Merkel, Jean-Claude Juncker et le président Xi Jinping à un dîner à l’Elysée, le 26 mars, pour établir avec Beijing des convergences dans la lutte en faveur du « multilatéralisme » au niveau du commerce et du climat. Des négociations qui devraient aboutir lors du sommet UE-Chine du 9 avril prochain.

Une stratégie perdant-perdant

Les grands perdants de ces calculs géopolitiques sont, bien entendu, les peuples qui, en Europe, continuent à subir les conséquences de la mondialisation mal régulée et de la crise financière, et dont la réalité nous a sauté à la figure avec le mouvement des Gilets jaunes.

A l’instar de l’Italie, qui compte utiliser sa participation aux Nouvelles Routes de la soie pour construire de nouveaux équipements portuaires et faire de la Sicile un pont de développement vers l’Afrique, mettant fin à l’immigration forcée, la France devrait utiliser son poids en Europe et sa longue alliance avec la Chine, pour créer les conditions d’une sortie de crise de l’UE.

Construire des moulins face aux vents puissants venus du Pacifique, nous appuyer sur une impulsion chinoise pour rendre nos nations, une fois de plus, productives, voilà le bon sens qui semble manquer à nos dirigeants français, infectés comme ils le sont par la géopolitique.