Revue de livre

Inflation : le peuple a raison !

samedi 23 février 2019

Pouvoir d’achat : le grand mensonge
Philippe Herlin,
Editions Eyrolles,
septembre 2018,
162 pages,
16 €.

Par Yannick Caroff, militant S&P.

A en croire l’INSEE et les experts, l’inflation en France serait « maîtrisée et faible » et le pouvoir d’achat des ménages « progresse, malgré des disparités ». Cependant, pour la plupart d’entre nous, c’est le contraire de notre « ressenti ».

Professeur d’économie au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), Philippe Herlin a voulu y voir plus clair. Son livre est un brûlot contre l’INSEE, aussi bien vis-à-vis de sa méthode que de son opacité, sans parler de son arrogance. L’INSEE ment, car l’augmentation des prix n’est pas un « ressenti » mais bien une réalité, et la science peut le démontrer.

L’économiste rend d’abord hommage à Jean Fourastié, le trop méconnu auteur des Trente Glorieuses, qu’il cite :

Si les chiffres de l’INSEE sont faux, alors notre histoire économique et notre science économique aussi sont fausses.

Créé en 1946, l’Institut national des statistiques et études économiques fournit chaque année des bases de données gargantuesques et produit régulièrement l’indice de l’augmentation (ou non) des prix à la consommation, justifiant une hausse éventuelle des revenus.

En cinq points, l’auteur met en évidence la tromperie :

  • l’indice des prix à la consommation de l’INSEE est un indice avec une méthodologie propre et critiquable ;
  • les produits sélectionnés et les prix dans le calcul du panier moyen des Français ne sont pas accessibles (et ce, pour personne !) ;
  • les impôts et le coût du crédit (dont les crédits à la consommation) ne sont pas inclus dans le calcul ;
  • l’immobilier (sauf le loyer) n’est pas pris en compte dans le calcul de l’indice ;
  • 1/4 des produits (surtout les nouvelles technologies, comme les ordinateurs portables) bénéficient de « l’effet qualité ». La qualité du produit s’améliore ? L’INSEE la répercute par une baisse du prix, même s’il est resté stable.

Cet « effet qualité » est une des astuces de la manipulation. Vous avez acheté en 2016 un téléviseur grand écran à 344 euros. En 2019, vous rachetez la même gamme de matériel, de la même marque (avec une meilleure qualité du son et plus d’options, par exemple) au prix de 345 euros. L’INSEE va considérer l’effet qualité… et hop ! Il notera 312 euros (selon un calcul savant et compliqué, en partie inexpliqué). D’où des chiffres ubuesques de baisses de prix à cause de l’effet qualité. C’est ainsi que le prix des ordinateurs, par exemple, aurait baissé de 59 % en cinq ans !

Notre histoire et science économique à revoir

Rappelant les efforts des sceptiques, comme la CGT et les magasins E. Leclerc (si, si), pour développer leur propre indice, Herlin explique qu’assez rapidement, les méthodes de l’INSEE ont été remises en cause.

Jean Fourastié (1907-1990), lui aussi professeur au CNAM, créa un centre de recherches statistiques basées sur une méthodologie différente de l’INSEE. Toute sa vie, il étudie l’impact des progrès techniques sur les prix, et pour mieux le mettre en évidence, il lie le prix des biens au salaire de l’époque (salaire minimum surtout). Il surmonte ainsi les problèmes de changements de monnaie (ancien franc/franc/euro) et les chiffres de l’inflation de l’INSEE…

Herlin reprend à son compte cette approche en épluchant des catalogues de vente par correspondance ou des brochures publicitaires de 1965 à 2015. Mettant en lien le prix d’un bien (aspirateur premier prix, par exemple) avec le salaire minimum de l’année du catalogue, il définit le temps de travail nécessaire pour l’acquérir.

Conclusion :

  • depuis la fin des années 90, l’augmentation des prix est une réalité, se traduisant ces dernières années par une inflation de 6 à 8 % sur certains produits (perte de 10 % du pouvoir d’achat global depuis 1965) ;
  • l’augmentation la plus forte sur la période concerne le logement (dont la part sur le revenu passe de 12 % des revenus en 1965, à 25 à 30 % aujourd’hui), le transport (voiture et carburant, notamment) et l’alimentation.

Ce travail donne donc raison au peuple, car les faits corroborent la perception des gens. Quant aux causes de ces augmentations, si l’euro joue un rôle certes négatif, quoique mineur, constate Herlin, la cause réelle de l’augmentation des prix alimentaires, par exemple, est plus à chercher du côté de la hausse des matières premières que de la monnaie unique.

De quoi rappeler l’essentiel : l’économie physique est définie avant tout par l’introduction de progrès techniques et technologiques permettant de produire plus et mieux, pourvu que l’on se débarrasse du parasitage financier qu’est la spéculation (sur les matières premières, notamment).

Bref, un livre à lire.

Nous vous conseillons également cet écrit de 2013 de Christine Bierre sur Jean Fourastié et Lyndon LaRouche, penseurs de l’économie physique.