Peter Thiel, Curtis Yarvin, Nick Land et les Lumières obscures menacent la Palestine

vendredi 5 décembre 2025, par Karel Vereycken

par Karel Vereycken

Bien que marginaux, les théories et écrits provocateurs du blogueur et influenceur politique américain Curtis Yarvin doivent être pris aussi au sérieux qu’un petit gramme d’arsenic tombant dans votre café du matin.

Souvent présenté comme « le professeur de philosophie préféré de l’alt right [ultra droite] », Yarvin apparaît comme une sorte de bouffon du roi, exhibant sur le devant de la scène médiatique des théories extrêmes que les élites crypto-fascistes de la Silicon Valley souhaitent tester dans l’opinion publique. Si ces ballons d’essais trouvent un écho favorable, ses maîtres sont libres d’avancer ; si elles sont jugées trop farfelues, Yarvin est prié d’encaisser.

Ce qui est certain, c’est qu’il a influencé certains investisseurs de premier plan de la Silicon Valley et des politiciens républicains :

  1. Il a attiré l’attention sur lui en février 2017, lorsque Politico a rapporté que Steve Banon, le stratège en chef de la Maison-Blanche sous le président américain Donald Trump, lisait son blog et que Yarvin avait lui-même « ouvert un canal de communications avec la Maison-Blanche, échangeant avec Banon et ses collaborateurs par un intermédiaire ».
  2. Le vice-président JD Vance, lui-même converti par son ami Peter Thiel à la théorie sacrificielle du « bouc émissaire » de René Girard, a reconnu l’influence de Yarvin sur son propre cheminement intellectuel. Un conseiller de Vance a toutefois nié toute relation étroite avec lui, affirmant que les deux hommes ne s’étaient rencontrés qu’« une seule fois ».
  3. Michael Anton, le directeur de la planification politique du département d’État sous la seconde présidence de Trump, a également discuté des idées de Yarvin. (Voir ci-dessous).
  4. Le milliardaire Marc Andreessen, investisseur en capital-risque et conseiller informel de Donald Trump, s’est dit en accord avec Yarvin.
  5. En janvier 2025, Yarvin a assisté à un gala d’investiture de Trump à Washington. Politico a rapporté qu’il était « un invité d’honneur informel » en raison de son « influence démesurée sur la droite trumpienne ».

Le bébé de Peter Thiel

Curtis Guy Yarvin (né en 1973) a débuté comme informaticien. À 29 ans, il crée Urbit, un réseau décentralisé de services informatiques. Au centre de son travail depuis 2002, la création d’un algorithme capable de restructurer la façon dont les gens utilisent internet. Dix ans plus tard, en 2013, grâce à un financement de 100 000 dollars du Founders Fund, le fonds de capital-risque de Peter Thiel, Yarvis cofonde Tlon Corp, une entreprise basée à San Francisco, afin de développer encore plus Urbit. Yarvis se considère comme le « CEO de guerre » de Tlon.

Le portefeuille de Founders Fund ressemble à un annuaire de la Silicon Valley, avec des entreprises comme Facebook, Airbnb, SpaceX, Lyft, Stripe, Palantir Technologies, Oculus Rift, Yammer, Path, Spotify, ainsi que des sociétés agroalimentaires et de technologies agricoles comme Hampton Creek et Climate Corporation.

En 2016, Yarvin a affirmé en privé au journaliste de Breitbart, Milo Yiannopoulos, qu’il avait « coaché » Thiel et qu’il avait suivi l’élection présidentielle américaine de 2016 chez ce dernier.

Dans ses écrits, Yarvin fait référence à un essai de Thiel datant de 2009, dans lequel ce dernier déclarait :

« Je ne crois plus que liberté et démocratie soient compatibles… Depuis 1920, l’augmentation considérable du nombre de bénéficiaires de l’aide sociale et l’extension du droit de vote aux femmes – deux groupes d’électeurs notoirement difficiles à défendre pour les libertariens – ont transformé la notion de “démocratie capitaliste” en un oxymore. »

En 2023, Thiel a confié à The Atlantic qu’il ne pensait pas que les idées de Yarvin fonctionneraient, mais qu’il le considérait comme un historien « intéressant et percutant ».

Nul n’ignore que Peter Thiel est un fervent partisan du cannabis légal. Ainsi, en 2015, sa société d’investissement Founders Fund (pesant 2 milliards de dollars) a placé 75 millions de dollars dans Privateer Holdings, un fonds de capital-investissement qui a investi dans la marque de cannabis « haut de gamme » Marley Natural et dans Tilray, une entreprise canadienne leader dans le domaine du cannabis médical qui a « aidé » le gouvernement allemand à décriminaliser le cannabis.

Accélérationnisme, Lumières obscures, directement importés du Royaume Uni

A gauche l’Américain Curtis Yarvin, à droite le Britannique Nick Land, les deux idéologues des Lumières obscures.

En dehors de ses fonctions professionnelles, Yarvin écrit pour de nombreux blogs politiques. Fait révélateur, il a pris comme nom de plume « Mencius Moldbug », du nom du grand penseur confucéen Mencius et de « goldbug » (investisseur chevronné dans l’or). Yarvin admire la Chine qu’il considère, à tort, comme une forme suprême de régime autocratique, dépourvue de toute forme de démocratie et gouvernée par une élite brutale et technocratique.

À la fin des années 2000, Yarvis s’appropria les théories du philosophe « accélérationniste » britannique Nick Land. Inspirés par des philosophes français comme Gilles Deleuze et Félix Guattari, des professeurs et étudiants de l’Université de Warwick formèrent un collectif de philosophie connu sous le nom de Cybernetic Culture Research Unit (CCRU). Nick Land approfondit ces idées issues du posthumanisme et de la cyberculture des années 1990, notamment le cyberpunk et la jungle music, devenant la figure de proue et le maître à penser de « l’accélérationnisme ».

L’accélérationnisme englobe un ensemble d’idéologies, prônant le recours à des processus tels que le capitalisme et le progrès technologique pour engendrer des transformations sociales radicales, que ce soit le socialisme ou le fascisme. Les suprémacistes blancs ont utilisé ce terme pour désigner une accélération délibérée des conflits raciaux par le biais d’assassinats, de meurtres et d’attentats terroristes, dans le but d’imposer par la violence un État ethnique blanc...

La version d’extrême droite de cette théorie défendue par Nick Land promeut le capitalisme comme moteur de la modernité, de la « déterritorialisation » et de la singularité technologique.

L’accélérationnisme a donné naissance au mouvement philosophique anti-égalitaire et anti-démocratique connu sous le nom de Dark Enlightenment (Lumières obscures) ou néo-réactionnaire (Nrx).

Ce que Land et Yarvis abhorrent le plus dans le Siècle des Lumières, c’est la notion de gouvernement représentatif. À l’instar de Von Hayek et d’autres représentants de l’École autrichienne, le bien n’est jamais commun, mais uniquement individuel. La notion même d’État-nation est une imposture hypocrite, affirment-ils. Pour ces nominalistes qui nient les universaux, nul ne peut représenter les intérêts d’autrui.

Dans son blog Unqualified Reservations, où il s’exprime entre 2007 et 2014, et dans sa newsletter ultérieure Gray Mirror of the Nihilist Prince, qu’il a lancée en 2020, Yarvis soutient que la démocratie américaine est « une expérience ratée » qui devrait être remplacée par une monarchie, modelée sur la structure de gouvernance des entreprises privées.

Selon Yarvis, une classe sociale dite « brahmane » (en référence au système de castes indien et aux brahmanes de Boston, aux États-Unis) domine la société américaine, prêchant des valeurs progressistes aux masses, une sorte d’État profond qu’il nomme également « la cathédrale ». Cette analogie socio-religieuse repose sur l’idée, partagée par Yarvis, que l’idéologie progressiste est diffusée et intériorisée par la population de la même manière que les autorités et institutions religieuses transmettent les dogmes religieux aux fidèles.

Rien ne vaut un PDG comme dirigeant

Pour Yarvin et le courant des Lumières sombres, l’engagement de la Cathédrale en faveur de l’égalité et de la justice érode l’ordre social. Ils préconisent plutôt une figure monarchique américaine qui agirait comme un PDG, espérant que ce dernier assumera la responsabilité de dissoudre ladite cathédrale.

Selon Yarvin, les gouvernements démocratiques sont inefficaces et gaspilleurs et devraient être remplacés par des sociétés par actions souveraines, dont les « actionnaires » (les grands propriétaires) éliraient un dirigeant doté du pouvoir absolu, mais devant exercer ses fonctions à leur entière discrétion. Un PDG-roi au service de ses actionnaires.

Dans l’article inaugural publié sur Unqualified Reservations en 2007, intitulé « Un manifeste formaliste », Yarvin qualifie de « formalisme » son concept d’alignement des droits de propriété sur le pouvoir politique, c’est-à-dire la reconnaissance formelle des réalités du pouvoir oligarchique déjà existant.

Pour y parvenir, Yarvis affirme que la société a besoin d’une « réinitialisation radicale » et non d’une série de réformes politiques progressives. Ses partisans devraient concevoir de « nouvelles architectures de sortie » plutôt que de s’engager dans un activisme politique inefficace.

Yarvis admire la cité-État de Singapour comme modèle de régime autoritaire réussi. Il fustige la « mythologie de la Seconde Guerre mondiale », faisant allusion à l’idée que les invasions d’Adolf Hitler n’étaient autres que des actes de légitime défense. Il s’insurge contre les « communistes au pouvoir » aux États-Unis, qu’il accuse d’avoir inventé le politiquement correct.

« Si les Américains veulent changer de gouvernement, affirme-t-il, ils vont devoir surmonter leur phobie des dictateurs. »

Dans une interview accordée au New York Times en janvier 2025, Yarvin prétendait qu’il existait un précédent historique pour étayer son raisonnement, affirmant que, lors de son premier discours d’investiture, Franklin Delano Roosevelt « avait en substance déclaré : “Congrès, donnez-moi les pouvoirs absolus, sinon je les prendrai de toute façon.” Roosevelt a-t-il réellement exercé un tel pouvoir ? Oui, absolument. »

En mai 2021, Michael Anton, directeur de la planification politique du département d’État sous la seconde présidence de Trump, a déclaré au cours d’une conversation que Yarvin soutenait qu’un président pouvait « acquérir légalement le pouvoir par le biais d’une élection, puis l’exercer illégalement ».

Yarvin a commenté : « Ce ne serait pas illégal. Il suffirait qu’il déclare l’état d’urgence dans son discours d’investiture », ajoutant : « On aurait en fait un mandat pour le faire. D’où viendrait ce mandat ? Il viendrait tout simplement d’une campagne électorale, en disant : “Voilà ce que nous allons faire.” »

Selon le chercheur Joshua Tait, « Moldbug (Yarvis) imagine une utopie libertarienne radicale où la liberté est maximale en tout, sauf en politique ». Il est favorable au mariage homosexuel, à la liberté de religion et à l’usage privé de drogues, et s’est opposé aux lois discriminatoires fondées sur la race ou le sexe. Il se présente comme un penseur en quête de vérité, mais admet mentir à ses lecteurs, émaillant ses arguments de plaisanteries et d’ironie.

Au printemps et à l’été 2008, alors que Donald Trump était encore inscrit comme démocrate, Yarvis publia une « Lettre ouverte aux progressistes ouverts d’esprit ». Son auteur proposait « la liquidation de la démocratie, de la Constitution et de l’État de droit » et le transfert progressif du pouvoir à un PDG en chef (quelqu’un comme Steve Jobs ou Marc Andreessen, suggérait-il), qui transformerait le gouvernement en « une entreprise lourdement armée et ultra-rentable ».

Selon la revue The New Yorker,

« Ce nouveau régime privatiserait les écoles publiques, détruirait les universités, abolirait la presse et emprisonnerait les ‘populations décivilisées’. Il licencierait également massivement les fonctionnaires (politique que Moldbug a appelée plus tard RAGE – ou Retraite de tous les employés du gouvernement) et interromprait les relations internationales, y compris ‘les garanties de sécurité, l’aide étrangère et l’immigration de masse’. »

Par conséquent, lorsque Elon Musk, lui aussi converti à ces croyances, a été chargé de réduire massivement tous les emplois publics considérés comme inutiles, une politique approuvée par JD Vance, les observateurs y ont reconnu le passage de la théorie de Yarvin à la pratique.

Faire de Gaza un « État à charte » privé

Le 6 février dernier, Yarvin a envoyé aux abonnés de sa lettre d’information, The Gray Mirror, ce qu’il considère comme une explication du plan de Trump pour la privatisation de Gaza, qu’il juge si semblable au sien qu’on dirait qu’il en est l’auteur.

Poursuivant son « Manifeste formaliste », Yarvin soutient le projet de Trump de transformer Gaza en un gigantesque projet immobilier privatisé, impliquant le dépeuplement total de l’enclave.

Il va encore plus loin. Gaza devrait devenir non seulement un projet immobilier lucratif, mais une « ville à charte » : une ville corporative où les Gazaouis pourraient posséder des « token » [jetons digitales] (tout en perdant leurs terres et leurs maisons), un pur produit boursier (l’action « Gaza » ouvrirait en bourse avec une valeur nominale très élevée). Gaza devrait devenir la première société souveraine, officiellement reconnue et représentée aux Nations unies (!), avec le soutien de Washington. Grâce au plan Trump, Gaza se retrouve au cœur d’une expérience clinique d’utopie libertarienne à la Thiel.

Les États à charte ne sont rien d’autre qu’une nouvelle version de ce que les historiens appellent des « sociétés à charte », un cartel d’actionnaires constitué en société et à laquelle sont octroyés des droits (souvent exclusifs) par charte royale (ou autre instrument gouvernemental similaire) à des fins de commerce, d’exploration ou de colonisation, ou une combinaison de ces activités. Les exemples les plus connus de telles sociétés à charte sont bien sûr les Compagnies britannique et néerlandaise des Indes orientales...

Tony Blair en embuscade

Ainsi, pour diriger la colonie « Gaza, Inc. », quoi de plus approprié que le pirate privé britannique Tony Blair ? Il convient de noter ici qu’à partir de 2021, Larry Ellison, adepte des théories du Dark Enlightenment et fondateur du géant technologique Oracle, que Donald Trump qualifie de « PDG de tout », a injecté 343 millions de dollars dans le Tony Blair Institute for Global Change (TBI), actuellement le plus grand think tank britannique avec plus de 900 employés actifs dans plus de 45 pays. Opérant derrière les coulisses, le TBI, selon les journalistes du journal The New Statesman, « a tout » d’une nouvelle Compagnie britannique des Indes orientales, dirigeant le gouvernement britannique de Starmer ainsi que celui de l’Ouganda via son département « Africa Advisory ».

L’idée de Yarvin de faire de Gaza un « État à charte » actualise des propositions antérieures publiées après le 7 octobre et vise à « résoudre le problème palestinien » en appliquant sa théorie formaliste combinée aux folies de « déterritorialisation » promues par les Lumières obscures.

Yarvin maquille sa barbarie sous un vernis humaniste. Pour lui, aucun prix n’est trop élevé pour échapper à la violence humaine. Dès lors, il n’y a aucune raison de plaindre ceux qui sont pris au piège des zones de guerre, mais on doit simplement imaginer comment on pourrait les en extraire, quoi qu’il en coûte. Prétendant n’avoir « aucune bonne raison » d’être attaché à un lieu particulier, les guerres de conquête lui paraissent absurdes et ceux qui y succombent sont, au fond, manipulés. Ce raisonnement méprise profondément toute forme de patriotisme, qu’il raille en le qualifiant de racisme ethnique.

En France, la revue Le Grand Continent décrypte l’approche idéologique de Yarvin :

« Après le 7 octobre, il écrit : ‘Imaginez l’ironie de croire, en 2023, que le sang (c’est-à-dire des gènes) et le sol (c’est-à-dire de la propriété privée) font une nation.’ Il poursuit : ‘Si le sang et le sol ne peuvent être séparés, cela signifie que Gaza doit être génocidée. Ces gens ne pourront tout simplement pas s’épanouir au Laos, ni même à Los Angeles. Leur génétique les a liés à une niche écologique locale, avec des bactéries spéciales dont leur métabolisme dépend. C’est une question de microbiome. En dehors de sa niche, votre Gazaoui deviendra anorexique et dépérira. Vous pourriez aussi bien l’euthanasier pour son propre bien. Et n’oubliez pas de récolter les organes, bien sûr…’

« La logique est aussi simple que cela : si ‘le sang est du sang’ mais que ‘le sol n’est que de la propriété privée’, il n’y aurait aucun motif ‘rationnel’ pour les Gazaouis de rester sur place. La solution miracle ? L’immobilier : ‘Que se passerait-il si les Gazaouis partaient, mais restaient propriétaires des biens ? Ou des actions d’une entreprise, dirigée par des diplômés arabes du MIT, avec le droit de développer la bande de Gaza en une nouvelle ville israélienne ? Le Las Vegas du sud d’Israël ? Peut-être que la ‘communauté internationale’ pourrait même obtenir une part du capital — en récompense pour avoir négocié l’accord ?’ »

Lors d’un événement à Harvard en février 2024, Jared Kushner, qui semble avoir des idées similaires, a déclaré à propos de l’enclave palestinienne :

« Le front de mer de Gaza pourrait avoir une grande valeur… si les gens se concentraient sur la création de moyens de subsistance (…) La situation est regrettable, mais du point de vue d’Israël, je ferais tout mon possible pour évacuer les habitants et ensuite nettoyer le territoire. Par ailleurs, je construirais quelque chose dans le Néguev et tenterais d’y reloger des populations. Je pense que c’est une meilleure option, afin que nous puissions aller sur place et mener à bien le projet. »

En mai de la même année, Benjamin Netanyahou a rendu public un plan pour la création d’une « zone de libre-échange Gaza-Arish-Sderot » : un méga-projet immobilier semblable à NEOM, en Arabie saoudite (que le projet prévoit également de relier par voie ferrée) baptisé Gaza2035. L’objectif est de couvrir l’enclave de gratte-ciels et de la transformer en un pôle technologique et énergétique soutenu par des plateformes d’extraction pétrolière offshore.

Un patchwork de Network States

En réalité, Gaza est appelée à devenir une nouvelle expérience d’un projet dystopique baptisé Network States (États-réseau) [1], qui vise à créer des villes privées, contrôlées par des entreprises, fonctionnant comme des « nations start-up » : des lieux où la démocratie, la réglementation et les impôts n’ont pas cours. Présenté comme une innovation, il s’agit en réalité d’une planque dorée : un système de bunkers pour milliardaires permettant d’échapper à la démocratie, à la fiscalité et à la responsabilité publique. Pour rappel, lorsqu’Emmanuel Macron est arrivé à la présidence de la France, il avait annoncé vouloir faire de notre pays une « nation start-up ».

  • Praxis, l’entreprise financée par Marc Andreessen, Sam Altman et Peter Thiel, s’apprête déjà à construire une ville technologique au Groenland.
  • Elon Musk possède désormais sa propre ville privée, Starbase, au Texas.
  • Brian Armstrong, PDG de Coinbase (la bourse aux cryptos), a exhorté le président à tenir sa promesse de campagne de construire dix « villes de la liberté » sur des terres fédérales.

En 2008, dans un article intitulé « Patchwork : un système politique pour le XXIe siècle », Yarvin appelait à « un remplacement complet de l’État. Nous en avons assez. Le système de gouvernement actuel est révolu. »

Pour remplacer la polyphonie des États-nations souverains, Yarvin propose un « Patchwork », un

« réseau composé d’un grand nombre de petits États indépendants. Plus précisément, le territoire de chaque État est son patch ; le propriétaire souverain, c’est-à-dire le gouvernement, de ce patch est son royaume. Initialement, chaque royaume ne possède qu’un seul patch. En pratique, cela peut évoluer, mais la structure royaume-patch est conçue pour être stable. »

Peut-être inspiré par le géopoliticien autrichien Leopold Kohr et le livre Small is Beautiful de l’économiste allemand E. F. Schumacher (membre de l’ordre des Commandants de l’Empire britannique), Yarvis aspire ouvertement à un retour au monde féodal des cités-États, dans un monde où règnent les divisions et le chaos :

« L’inspiration essentielle de Patchwork réside dans le constat que les périodes où la civilisation humaine a connu son apogée sont celles où elle a été la plus politiquement divisée. La Grèce antique, l’Italie médiévale, l’Europe jusqu’en 1914, la Chine des Printemps et Automnes, etc. [L’historien suisse Jacob] Burckhardt avait un jour observé que l’Europe était en sécurité tant qu’elle n’était pas unifiée, et maintenant qu’elle l’est, nous comprenons parfaitement ce qu’il voulait dire. Le petit est une qualité. Le local est une qualité. La diversité est une qualité. Nous le savons. »

N’ayez crainte, écrit-il, « il est tout à fait naturel qu’un projet réactionnaire de gouvernement futur ait un aspect quelque peu féodal. Mais Patchwork est une nouveauté. Il ne ressemblera pas au passé. Il sera tourné vers l’avenir. Le passé – c’est-à-dire le passé démocratique – semblera de plus en plus gris, étrange et effrayant. »

Pour Yarvin et Srinivasan, « privatiser » Gaza et la vider de ses Palestiniens ne serait ni particulièrement novateur ni disruptif. Au contraire, ce serait simplement une nouvelle réalité à laquelle l’humanité devrait s’habituer.

Un degré de liberté supplémentaire pour l’Humanité ! D’abord, on adopterait une cryptomonnaie, puis un PDG, et enfin, en ligne, un État virtuel à charte surarmé, déterminé à rentabiliser le tout.

Balaji Srinivasan


[1« L’État en réseau : comment créer un nouveau pays » est un livre auto-édité en 2022 par l’entrepreneur et investisseur américain Balaji Srinivasan, ancien directeur technique de la plateforme d’échange de cryptomonnaies américaine Coinbase et ancien associé de la société de capital-risque Andreessen Horowitz, un ami de Curtis Yarvin. Srinivasan développe le concept de nationalité en ligne et la nécessité de rompre avec les gouvernements traditionnels et appelle les communautés numériques financent collectivement la construction de villes et d’États autonomes. Révélant son penchant pour l’autocratie, il suggère de corrompre la police (avec des banquets et des emplois pour leurs proches) afin de les empêcher d’appliquer des lois défavorables aux entreprises technologiques.