La musique, secret du génie d’Einstein

mardi 15 janvier 2013

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Shawna Halevy lors d’un Town Hall meeting du LPAC dans le New Jersey.

Voici l’intervention de Shawna Halevy sur la WebTV du Comité d’action politique de Lyndon LaRouche (LPAC), le 2 janvier 2013.

Membre de l’équipe scientifique du LPAC, Shawna Halevy est également co-auteure avec Phil Rubinstein du documentaire The genius of Albert Einstein.

Nous avons récemment créé sur le site du LPAC une nouvelle page consacrée à mes travaux sur Einstein [1].

Il est très intéressant de voir la réaction des gens lorsque je leur explique mon rôle au sein du Comité d’action politique et que je leur dis : « Je travaille essentiellement sur l’histoire de la science » ! Ils restent perplexe : « Mais qu’est-ce que la science ou même son histoire, ont à voir avec un comité d’action politique ? Pourquoi est-ce qu’un groupe politique s’intéresserait à quelqu’un comme Einstein ? »

Et je leur réponds :

D’abord, la politique est une science, mais surtout, si l’on ne comprend pas la nature de l’esprit humain, comment peut-on espérer mettre en œuvre une politique bénéficiant à la population humaine ?

L’intuition musicale

C’est pour cette raison que nous avons décidé de choisir une personne en particulier, Albert Einstein, qui est l’un des scientifiques les plus célèbres de toute l’histoire, afin de faire émerger des aspects essentiels à son génie et que la plupart ignore. Par exemple, tout le monde sait qu’il est le père du E=mc2, l’équation la plus fameuse au monde. Mais ce qu’ils ignorent c’est que Albert Einstein attribue son aptitude scientifique à son rapport à la musique.

C’est quelque chose de tout à fait surprenant pour la majorité de la population : l’idée que la science aurait tout à voir avec l’art ! La plupart des personnes voient cela comme deux domaines totalement séparés ; mais lorsque l’on voit que selon ses propres dires, Einstein attribue sa capacité à faire des découvertes scientifiques à sa perception musicale, alors c’est une bonne preuve qu’il existe véritablement un lien intime entre ces deux domaines. Un lien si inattendu ne peut que susciter votre émerveillement !

Comme nous l’avons montré auparavant, cette dichotomie entre la culture, la culture classique en particulier, et la science, a été provoquée à dessein. En présentant la personnalité d’Einstein et ses travaux sur la science et la musique, nous espérons donc raviver ce lien.

Einstein se voyait lui-même comme un continuateur du progrès général de l’humanité, donc lorsqu’il étudiait l’esprit de Mozart, il puisait dans cette histoire créative de l’humanité.

A notre tour, en se plongeant dans l’esprit d’Einstein, nous agissons dans la continuité de cette tradition classique et sommes capables de rendre consciente cette capacité humaine de créativité et de découverte. Le site internet est donc là pour que vous meniez à votre tour cette démarche. Pour donner une idée générale des pensées d’Einstein, j’aimerais vous lire cette citation de lui : 

La découverte de la relativité restreinte m’est arrivée par intuition, et la musique était la force motrice derrière cette intuition. Ma découverte est le résultat de la perception musicale.

Au départ, Einstein a grandi en Allemagne et sa mère l’a immédiatement mis au violon. Mais ce n’est qu’à 13 ans qu’il s’est vraiment passionné pour la musique, lorsqu’il découvrit les sonates pour violon de Mozart. Ce fut le déclencheur de sa passion, à faire de la musique par amour plutôt que par devoir.

Il a soudainement vu en Mozart, dit-il, un homme dessinant l’harmonie invisible du monde en lui donnant une expression musicale. C’est à peu près au même moment de sa vie qu’il commença à observer la nature de la vitesse de la lumière, qui fut l’élément crucial le menant à sa Théorie de la relativité restreinte.

« Gedankenexperiment »

Ce n’est donc pas une coïncidence si sa découverte, son amour et sa passion pour Mozart, dans le sens de percevoir la beauté et l’harmonie sous-jacente du monde, se sont développés en même temps qu’il s’interrogeait sur la nature de la lumière et la nature du temps et de l’espace. Ces choses ne pouvant être étudiées par des expériences de laboratoire, il ne pouvait le faire que par un travail sur la pensée, ce qu’il appelait ses « Gedankenexperiment » – ses expériences de pensée. Par exemple, alors qu’il n’avait pas la possibilité de tester physiquement l’idée de simultanéité du temps, il le faisait par une simple expérience de pensée. Comme le disaient ses amis, c’est la musique qui a nourri et façonné son paysage mental, lui donnant la force imaginative pour entrevoir les principes invisibles en œuvre derrière les processus scientifiques.

Voici ce qu’il en disait : « Je tiens suffisamment de l’artiste pour puiser librement dans mon imagination. L’imagination est plus importante que le savoir. La connaissance est limitée ; l’imagination enveloppe le monde. » Les gens lui demandaient : pourquoi mettre l’emphase sur l’imagination plus que sur les sens, les données et le savoir ? N’est-ce pas votre travail de scientifique de chercher les savoirs plutôt que de jouer au rêveur ?

Et voici sa réponse :

Je crois en la fraternité humaine et en l’unicité des individus. Mais si l’on me demande de prouver ce que je crois, je ne le peux pas. Vous savez que c’est vrai mais vous pouvez passer votre vie entière sans pouvoir le prouver. L’esprit ne peut fonctionner que sur ce qu’il sait et peut prouver. C’est là qu’à un moment, l’esprit fait un bond. Appelez cela l’intuition ou ce que vous voulez ; soudainement l’esprit se situe sur un plan de connaissance plus élevé, mais est bien incapable de prouver comment il en est arrivé là. Ce genre de bond s’est produit pour toutes les grandes découvertes.

De nos jours, si vous parlez à des gens qui se considèrent comme des intellectuels ou des universitaires, ils seront choqués d’entendre Einstein dire : « le savoir ne suffit pas pour y arriver, il faut faire un bond. » Car pour eux, tout doit être logique et procéder linéairement d’un point A à un point B.

Mais pour Einstein, rien de nouveau ne peut naître si l’on procède logiquement à partir de ce que l’on sait déjà. Et c’est là que la musique entre en jeu. Elle est conçue, très spécifiquement chez les artistes classiques comme Mozart, Beethoven, Schumann ou Schubert, pour aider l’esprit à faire ces bonds. Ils prennent un thème, une idée, la développent jusqu’à un point où elle est cohérente avec elle-même, puis introduisent une singularité, une ironie, qui ne colle pas vraiment avec ce qui précède. Une fois ce nouvel élément développé, l’on voit que ce qui nous semblait être un intrus dans le paysage, nous amène en fait sur un plan supérieur subsumant ce qui le précédait. Même si de prime abord, cet élément nous semblait inapproprié et même à rejeter si l’on voulait maintenir la beauté de l’œuvre, l’on voit qu’en réalité ce paradoxe était un pont vers quelque chose de plus haut, de plus beau et de plus parfait que ce que l’œuvre était à son départ.

La méthode classique en musique est conçue précisément pour cela, et constitue le modèle exact de ce que l’esprit humain doit reproduire pour faire la découverte d’un principe nouveau. Si l’on ne rétablit pas cette méthode classique comme composante déterminante de notre culture, comment espérer que de nouvelles découvertes puissent être faites en science ou dans tout autre domaine ? Cette conception nous est délibérément dissimulée.

Un engagement politique naturel

Un autre aspect inconnu de la vie d’Einstein sont ses convictions politiques. C’est très frappant : j’ai lu un livre qui raconte comment J. Edgar Hoover [le directeur du FBI à l’époque] s’en prenait à Einstein, le mettant sur écoutes, interceptant son courrier et l’accusant d’être un espion russe. J’étais surtout surprise de ne pas avoir réalisé avant à quel point Einstein était aussi un révolutionnaire politique, et pas seulement dans le domaine de la culture ou de la science. On le voit dans son combat philosophique contre la mécanique quantique ou contre l’interprétation de ce qu’elle est. Alors que beaucoup revendiquaient la mécanique quantique et son implication sur la non-intelligibilité du monde, Einstein défendait l’idée de la science pour connaître le monde et interrogeait : pourquoi faire de la science si l’on pense que le monde n’est pas intelligible ?

Ce combat pour un principe de vérité s’étendait donc aussi au domaine politique. C’est très frappant de voir combien il militait pour des causes qui n’étaient pas si populaires à l’époque, pour ce qui est par exemple devenu le mouvement des droits civiques :il levait des fonds, écrivait au Président, faisait pression sur le Congrès. Même dans ses dernières années, il restait une personnalité très engagée politiquement. Ainsi, lorsque Truman lança la bombe sur le Japon, Einstein fut interviewé et voici ce que disait l’article :

Roosevelt aurait interdit le recours à la bombe atomique. Le professeur Einstein a déclaré aujourd’hui être certain que s’il avait été en vie, le Président Roosevelt aurait prohibé le recours à la bombe atomique sur Hiroshima, et qu’elle a probablement été utilisée pour mettre fin à la guerre du Pacifique avant que la Russie ne puisse s’y engager.

C’est très impressionnant : ce que nous pouvons dire aujourd’hui à propos de Roosevelt et de Truman, qui n’est pas du tout enseigné dans les manuels scolaires et qui peut être très mal vu, du genre « Truman n’a pas balancé la bombe pour mettre fin à la guerre, mais parce que c’était un facho » ; eh bien Einstein disait ce genre de choses alors qu’elles avaient lieu ! Il ne saurait donc s’agir d’élucubrations conspirationnistes vues d’aujourd’hui ; c’est de l’histoire telle qu’elle s’est passée et telle qu’on en parlait déjà à ce moment là.

Dans le cadre de son engagement contre l’usage de la bombe atomique, Einstein présidait le Emergency Committee of Atomic Scientists, un comité destiné à lever des fonds pour mettre en garde l’opinion. Dans un lettre de campagne en vue de recueillir des dons, Einstein écrivait : « les scientifiques se sentent profondément responsables dans la mesure où ils sont à l’origine du développement des armes nucléaires. » Pour inverser la tendance, ils ont établi ce comité pour lever 200 000 dollars « afin d’informer les Américains qu’un nouveau type de pensée est essentiel si l’on veut que l’humanité survive et atteigne des niveaux supérieurs ». Il expliquait dans sa campagne que si nous ne changions pas de mentalité, en tant que culture, alors nous allions mourir dans un affrontement atomique. Il avertissait que si nous ne réussissions pas à développer un sens plus élevé de notre personnalité humaine, quelque chose de plus haut que le petit nationalisme, le monde sombrerait dans une guerre nucléaire. C’est exactement ce à quoi nous faisons face aujourd’hui et ce contre quoi nous militons !

Il s’agit tout bonnement du type de personnalité requis pour discerner le vrai du faux et ce qui mérite un combat. Ce qui nécessite une mentalité de génie ; pas de « génie » dans le sens actuel : quelque chose d’anormal, de rare ou d’accidentel, car en fait chaque être humain est doté de la capacité de penser de manière créative, de faire des sauts dans des découvertes de principes. Une fois que vous développez cette méthode, cette capacité humaine d’arriver à connaître le vrai par delà l’opinion qui vous est imposée, vous êtes capable de faire découverte sur découverte et de persévérer dans tous les domaines. Ainsi vous êtes en mesure de distinguer la différence entre la soupe culturelle que l’on vous sert tous les jours et ce qu’est réellement une culture classique, en science comme en politique.

Einstein en 1947 avec la basse Paul Robeson (à droite), voix de l’émancipation des afro-américains, et Henry Wallace (à gauche), l’ancien Vice-président de Franklin Roosevelt.

Vers la fin de sa vie, Einstein devint totalement isolé de la communauté scientifique à cause de sa position contre l’interprétation de la mécanique quantique. Mais il n’abandonna pas pour autant ! Il n’est ni parti à la retraite ni se reposer sur ses lauriers. Il utilisait sa célébrité pour mener campagne pour des choses qui n’étaient pas des plus populaires. Pour donner deux petits exemples, nombre des combattants afro-américains étaient harcelés à leur retour de la guerre.

Il y avait de nombreux lynchages dans le sud des Etats-Unis et soit la police laissait faire, soit elle y participait. Imaginez ces anciens combattants venant de combattre le fascisme en Europe et qui une fois rentrés chez eux subissent ce traitement ! Einstein en a appelé à la Maison-Blanche, il écrivait des lettres, participait à des comités contre les lynchages et s’est même associé avec Paul Robeson et W.E.B. Du Bois pour les dénoncer. Son combat contre la maladie du racisme aux Etats-Unis fut un de ces ultimes combats.

Durant le Maccarthysme, des personnes lui ont écrit pour lui dire : « Nous ne voulons pas balancer des noms de gens liés à des groupes communistes », ou « ils me harcèlent mais je ne sais rien ». Il pris leur défense et revendiqua non seulement leur droit au 5e amendement, mais aussi au premier. En retour, Einstein fut virulemment attaqué ; son dossier au FBI faisait 1800 pages, il subissait des écoutes téléphoniques, ses collaborateurs étaient débriefés, etc.

Il tenait plus du dissident politique que ce que les gens croient, pour la bonne raison qu’il avait ce lien culturel, cette passion pour l’humanité et son potentiel inné de faire le beau et d’aller au vrai. D’aller à sa rencontre, de connaître ces détails de sa vie et de devenir plus intime avec un tel héros, vous fait voir en vous des manières d’être comme lui.