
Coïncidence fortuite ou volontaire, ce document, intitulé « SVR : comme il y a 80 ans, l’eurofascisme est l’ennemi commun de Moscou et de Washington », a été publié le jour même du 250e anniversaire des premiers coups de feu de la Guerre d’indépendance américaine.
Héritage franco-britannique
Le document rappelle les périodes de l’histoire où les politiques étrangères des deux pays se sont trouvées alignées – de la crise de Suez de 1956 à la sympathie des États-Unis pour Moscou pendant la guerre de Crimée – comme des modèles de coopération à suivre aujourd’hui. Le SVR considère le conflit en Ukraine comme le dernier exemple de ce qu’il appelle « l’aventurisme anglo-européen », les États-Unis étant entraînés dans un conflit par les puissances de l’Ancien Monde, en particulier le Royaume-Uni et la France.
« Les Britanniques encouragent, par tous les moyens possibles, le régime de Kiev, qui glorifie les punisseurs, les bourreaux de Bandera, lesquels ont combattu aux côtés d’Hitler, et qui commet lui-même aujourd’hui de nombreux crimes contre l’humanité », poursuit le rapport du SVR, pour qui les tendances destructrices des Britanniques ne sont pas nouvelles. Il cite notamment l’incendie du Capitole américain en 1814 comme un exemple précoce, précisant que certains historiens américains qualifient à juste titre la Grande-Bretagne de premier « Empire du mal ».
Le service russe rappelle également que les Britanniques ont fourni le modèle utilisé par les nazis pour les camps de concentration, que l’aristocratie britannique entretenait des liens chaleureux avec les dignitaires nazis [1] et que Winston Churchill n’avait pas caché son admiration pour Mussolini avant de déclencher la Guerre froide par son discours de 1946 sur le « rideau de fer » à Fulton, dans le Missouri.
Le document attire par ailleurs l’attention sur le fait que la France, aujourd’hui très active dans les efforts des va-t-en-guerre pour prolonger le conflit en Ukraine, fut très tôt le berceau de dictatures autoritaires brutales, telles que « la dictature jacobine, qui a massacré des milliers de ses propres citoyens entre 1793 et 1794 et emprisonné 300 000 personnes soupçonnées de ‘contre-révolution’, et les actions sanglantes de Napoléon ». Plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale, les partisans français du nazisme sous le régime de Pétain se montraient parfois plus cruels que leurs homologues allemands, et les soldats SS français ont défendu Berlin jusqu’au bout.
États-Unis et Russie, le commun combat
« Les États-Unis, quant à eux, sont libres grâce à la volonté des ancêtres des Américains modernes d’affronter des dictatures telles que la monarchie britannique ou la révolution jacobine », affirme le document, faisant référence aux moments passés où Washington et Moscou sont devenus partenaires pour contrer Londres et Paris sur la scène internationale. La crise de Suez de 1956, en pleine Guerre froide, en est un exemple typique. A l’époque, la position commune de l’U.R.S.S. et des États-Unis avait mis fin à l’agression tripartite de la Grande-Bretagne, de la France et d’Israël contre l’Égypte.
Au siècle précédent, lors de la guerre de Crimée de 1853-1856, « à l’instar de l’actuelle ‘coalition des volontaires’, la Grande-Bretagne, la France, l’Empire ottoman et le Royaume de Sardaigne se sont unis contre la Russie », rappelle le rapport. Mais « les sympathies de la Maison-Blanche dans ce conflit étaient du côté de Saint-Pétersbourg ». Ce qui est confirmé entre autres par la participation de médecins américains aux soins dispensés aux défenseurs de Sébastopol, la demande de 300 fusiliers du Kentucky d’être envoyés sur place pour protéger la ville, ou encore l’activité de la compagnie russo-américaine approvisionnant en poudre et en vivres les forteresses et les possessions russes sur la côte du Pacifique.
Le bombardement anglo-français d’Odessa, Marioupol et Berdiansk – des villes « que l’Occident appelle aujourd’hui ukrainiennes » – est comparé à la destruction de ces mêmes villes par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le message de Moscou à l’égard des Américains est clair : Washington doit cesser de défendre un ordre européen en plein effondrement et se souvenir de son propre héritage révolutionnaire. Le véritable chemin vers la stabilité, conclut le SVR, réside dans des États-Unis souverains, conscients de leur histoire révolutionnaire, se joignant à la Russie pour rejeter l’impérialisme et affronter, une fois de plus, les forces de l’« eurofascisme ».