Les BRICS et leurs matières premières dans le viseur de Trump

jeudi 10 avril 2025

L’approche de l’administration Trump à l’égard de l’Afrique du Sud et de la République démocratique du Congo (RDC) révèle une volonté de briser les BRICS et d’obtenir un accès préférentiel aux matières premières essentielles de l’Afrique et du monde.

Trump lorgne sur les ressources de la RDC

Alors que son pays est confronté à une invasion lancée par le Rwanda, allié bien connu de Londres et de Washington, le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a fait appel au président américain Donald Trump pour obtenir de l’aide, lui proposant un accord qui donnerait aux États-Unis un accès préférentiel aux minéraux de la RDC « tels que le cobalt, le lithium et le cuivre – en échange d’une assistance renforcée en matière de sécurité et d’un soutien diplomatique plus fort contre l’implication étrangère dans le conflit », selon The Rwandan du 2 avril.

Au début de ce mois, le département d’État américain a envoyé une équipe pour visiter les mines congolaises et, selon le Wall Street Journal du 4 avril, les sociétés minières américaines (notamment la nouvelle « pépite » de la Silicon Valley, KoBold, soutenue par Jeff Bezos et Bill Gates) ont manifesté un vif intérêt pour cette perspective.

Dans le même temps, le nouveau conseiller principal de Trump pour l’Afrique, Massad Boulos, s’est rendu en République démocratique du Congo, au Rwanda et dans les pays voisins avec une feuille de route pour garantir la paix… et surtout les investissements américains.

Le président congolais Tshisekedi et le président rwandais Paul Kagame avaient déjà subi des pressions pour se rencontrer en tête à tête à Doha le 18 mars, sous médiation qatarie, où ils avaient appelé à un cessez-le-feu. Cependant, les pourparlers directs entre le gouvernement congolais et le chef de la milice M23, soutenue par le Rwanda, qui devaient se tenir ce mercredi 9 avril à Doha, ont été reportés pour des raisons qui restent floues.

Une stratégie mondiale

Dans un article intitulé « Les minéraux deviennent la monnaie d’échange ultime dans les accords diplomatiques de Trump », le Wall Street Journal du 4 avril met en lumière les arrière-pensées de la nouvelle administration dans sa stratégie commerciale internationale :

« Le président Trump fait pression pour accéder aux droits miniers dans le monde entier, dans l’espoir de surpasser la Chine dans une compétition mondiale pour les matières premières, afin d’alimenter la puissance militaire et industrielle des États-Unis. »

Toujours selon cet article, des responsables américains ont déclaré que Trump avait poussé le département d’État à conclure des accords miniers qui pourraient soutenir l’industrie et le secteur de l’armement américains. « Il a demandé au Pentagone de planifier le raffinage des métaux sur les bases militaires et de protéger les mines exploitées par les États-Unis dans les zones dangereuses, ont déclaré les responsables », précise le journal.

L’Afrique du Sud dans le collimateur

Le cas sud-africain est également révélateur des intentions mal placées de l’administration Trump. Car il est évident qu’en s’en prenant à ce pays, c’est à un membre dirigeant des BRICS que s’attaque la volonté d’hégémonie unipolaire de Trump. Soulignons que l’Afrique du Sud, qui est la nation la plus industrialisée du continent, prône l’enrichissement des minéraux sur place plutôt que l’exportation des matières premières.

Le 4 avril, l’administration Trump a présenté au Congrès américain un projet de loi en faveur d’une révision des relations bilatérales entre Washington et Pretoria. Cette loi va plus loin que sa version de 2024 (jamais promulguée), mais avec le même objectif, à savoir empêcher l’Afrique du Sud de porter atteinte aux « intérêts de la sécurité nationale et de la politique étrangère des États-Unis », en habilitant le président des États-Unis à punir cet Etat afin qu’il se mette en conformité avec les intérêts américains !

Après plusieurs pages où se mêlent vérité, mensonge, carotte et bâton, le projet de loi en vient au point névralgique : « Les actions de politique étrangère du gouvernement sud-africain (…) tendent à favoriser directement la République populaire de Chine, la Fédération de Russie et le Hamas, un mandataire connu de l’Iran [sic], sapant ainsi les intérêts de la sécurité nationale et de la politique étrangère des États-Unis. Et cela doit cesser. » Russie, Chine, Iran ? Il s’agit clairement d’une attaque contre la participation de l’Afrique du Sud aux BRICS.

L’administration Trump pointe en particulier du doigt le rôle déterminant joué par Naledi Pandor, l’ancienne ministre sud-africaine des Affaires intérieures, dans le dépôt d’une plainte devant la Cour internationale de justice (CIJ), en octobre 2024, « accusant Israël d’action génocidaire visant à dépeupler Gaza par la mort et le déplacement de masse ».

Le 4 avril, Robert Hersov, un porte-parole informel des oligarques d’Oppenheimer et Rupert en Afrique du Sud, a réagi au nouveau projet de loi avec un podcastintitulé « Trump se prépare à sanctionner les gangsters de l’ANC, du MK et de l’EFF ! », désignant nommément comme cibles Naledi Pandor et l’actuel ministre des Ressources minérales Gwede Mantashe. Hersov s’attend (et s’en réjouit) à des sanctions financières paralysantes contre ces personnes, afin de les couper complètement du système bancaire international, et plus encore.

Ajoutons que le 25 mars, Trump a nommé Brent Bozell III au poste d’ambassadeur en Afrique du Sud. Notoire défenseur de la suprématie blanche dans ce pays, Bozell a été actif dans les années 1980 au sein du NCPAC (National Conservative Political Action Committee) et de la Nouvelle Droite, et a participé à une campagne venimeuse visant à dissuader le président Ronald Reagan de rencontrer les dirigeants de l’ANC, le parti historique de Nelson Mandela, présentés comme des « terroristes ».