Avec Trump, le parti de la guerre va-t-il continuer à diriger les USA ?

mercredi 13 novembre 2024

Donald Trump a été réélu haut la main, déjouant tous les pronostics et attentes des milieux dominants en Occident, pour qui l’élection de Kamala Harris avait l’avantage de maintenir le statu quo de « l’ordre mondial fondé sur des règles », si cher aux impérialistes de Londres et Washington.

En attendant l’investiture du nouveau président en janvier, nous entrons dans une phase de transition, au cours de laquelle beaucoup de choses vont être déterminées, comme la composition de la future administration ou encore le ton des négociations entre les États-Unis et la Russie.

S’il est certain que l’élection de Kamala Harris aurait laissé la politique américaine entre les griffes du parti de la guerre, on ne peut encore prédire si l’équipe de Trump va s’en affranchir ou non.

Les néocons en embuscade

« [La victoire de Trump représente] le rejet de la politique de Biden et Blinken et de ‘l’État profond’, affirma Jacques Cheminade le 6 novembre sur X. C’est surtout la défaite du narratif des médias dominants et des services de renseignement américains, si complaisamment relayés en France. Reste à voir ce que fera Trump en Ukraine et au Moyen-Orient, où sa proximité avec Netanyahou est très inquiétante, ainsi que les discours de Pompeo contre la Chine. »

Le 10 novembre, Donald Trump a assuré sur ses réseaux sociaux qu’il n’inviterait dans son futur gouvernement ni l’ancienne ambassadrice Nikki Haley, qui s’était fait l’une des porte-drapeaux du parti de la guerre dans la première administration Trump, ni l’ancien secrétaire d’État Mike Pompeo. Deux jours auparavant, le stratège républicain et loyaliste de Trump, Roger Stone, a publié un article sur son site Web, couvert par Newsweek, intitulé « Pourquoi le président Trump ne peut pas faire confiance à Mike Pompeo », dans lequel il le désigne, lui et Nikki Haley, comme « parmi les plus dangereux ».

Hélas, les soupirs de soulagement qui ont accueilli ces annonces auront été de courte durée ! Le 11 novembre, en ce jour marquant la fin de l’un des conflits les plus meurtriers de l’histoire, qui aurait pu inciter M. Trump à choisir clairement le camp de la paix, on a appris qu’il avait pressenti la représentante Elise Stefanik (R-NY) comme ambassadrice à l’ONU et le sénateur de Floride Marco Rubio comme secrétaire d’État. Ces deux figures, qui s’étaient opposées à Trump en 2016, sont des faucons de guerre néo-conservateurs ayant fait leurs classes auprès des réseaux Bush. Ils sont aussi les favoris de la famille Adelson, l’une des principales sources de contributions à la campagne de Trump et aux membres du Congrès favorables à la politique coloniale du « peuplement du Grand Israël ». Sans surprise, les Adelson sont aussi l’un de principaux soutiens de Benjamin Netanyahou en Israël. Ceci laisse augurer le pire pour ce qui est du conflit en cours au Proche-Orient.

Des nominations de mauvais augure...

Décédé en 2021, Sheldon Adelson était un magnat des casinos de Las Vegas, Singapour et Macao. Il avait soutenu Rubio en 2016, lorsque celui-ci s’était présenté contre Trump à l’investiture du « Grand Vieux Parti ». Sa veuve Miriam Adelson a versé près de 100 millions de dollars à la campagne de Trump en 2024. Native d’Israël, elle a servi dans les forces de défense israéliennes et possède la double nationalité.

En mars dernier, Miriam Adelson, qui a succédé à son mari Sheldon à la tête de ses fondations, a décerné à Elise Stefanik le prix « Miriam et Sheldon Adelson Défenseur d’Israël » lors du gala en l’honneur des « Héros d’Israël » de l’Organisation sioniste d’Amérique.

À cette occasion, elle a fait l’éloge de Stefanik en déclarant :

J’ai immédiatement reconnu qu’il s’agissait d’une jeune femme, très jeune, avec le courage des générations passées, la vision pour repérer l’injustice et le courage de la dénoncer, ainsi que la capacité de relever les défis moraux d’un monde en évolution rapide.

Mme Stefanik a reçu plus de 900 000 dollars de l’AIPAC (l’American Israel Public Affaires Committee) lors de ses précédentes campagnes. Au printemps dernier, elle s’est rendue célèbre en dénonçant les recteurs d’université qui n’avaient pas agi plus agressivement pour faire taire les témoignages d’antisémitisme sur les campus. Elle a exigé des mesures de répression sévères pour étouffer les manifestations contre le génocide des Palestiniens de Gaza par Israël.

Quant à Rubio, il a reçu de l’AIPAC plus d’un million de dollars de contributions à sa campagne. Tout en déclarant récemment qu’il était d’accord avec Trump sur la nécessité de mettre fin à la guerre en Ukraine, il a précisé que c’était la condition nécessaire pour pouvoir se concentrer sur les menaces que font peser sur la démocratie les « gouvernements autoritaires » de l’Iran et de la Chine.

Par ailleurs, Trump a nommé Brian Hook à la tête de l’équipe de transition du département d’État. En charge de la campagne de « pression maximale » contre l’Iran sous Pompeo, c’est Hook qui avait coordonné le régime de sanctions contre ce pays, ainsi que les sabotages et les assassinats.

Avec ces premières nominations, il semble que Trump ne fasse que remplacer les faucons de guerre démocrates de l’administration Biden, tels Blinken et Sullivan, par des adeptes « conservateurs » de la guerre permanente plus traditionnels de la Ligue Bush.

La Russie attend des actes

En ce qui concerne la guerre en Ukraine, la Russie a immédiatement fixé ses exigences, en préambule aux négociations avec l’équipe de transition. Dans un article de RT, « Moscou réitère sa menace de rompre les liens diplomatiques avec les États-Unis », le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov, rappelle ses précédentes remarques. En juin dernier, il avait prévenu que la position de plus en plus belliciste de Washington à l’égard de la Russie rendait tout contact diplomatique pratiquement « impossible ».

A la question de savoir quelles actions américaines pourraient amener la Russie à remettre en cause les relations diplomatiques, Ryabkov a mentionné les tentatives de confisquer les avoirs gelés de la Russie, ainsi que « des actions dramatiques et de nouvelles escalades conduisant à une aggravation de la situation sur la ligne de contact » en Ukraine. Il a notamment évoqué les pressions exercées depuis des mois par Kiev auprès des États-Unis et de leurs alliés pour obtenir l’autorisation de frapper la Russie avec des armes à longue portée fournies par l’Occident.

« Certains au sein du groupe occidental discutent [de ces plans] avec enthousiasme, mais d’autres le font avec une certaine appréhension, comprenant comment tout cela pourrait se terminer pour eux », a déclaré Ryabkov à Interfax, signalant que tant que ces discussions se poursuivront, la menace d’une rupture diplomatique entre Moscou et Washington demeurera.

A ce stade, il est impossible de prédire quelle direction vont prendre les relations entre les États-Unis et la Russie. Et si certains analystes prévoient un dégel des relations, en raison des promesses répétées de Trump de mettre rapidement fin au conflit ukrainien, il est clair que la Russie jugera sur les actes.

Dans ce contexte, comme l’écrit Jacques Cheminade,

La France doit être, dans ‘l’Occident global’, le pays qui ouvre la voie à la paix par une coopération avec les BRICS. Ce doit être notre combat politique quelle que soit la future politique américaine. L’intérêt de l’humanité est d’échapper à la dérive vers une guerre des blocs aboutissant à un embrasement nucléaire.