
Première question, cependant, qu’est devenu le général Kellogg, chargé par Donald Trump d’élaborer un plan de paix pour l’Ukraine, qu’il a présenté un peu partout dans les médias ?
Dans une interview accordée à India and Global Left le 23 février, Scott Ritter, influente voix dissidente aux Etats-Unis contre les politiques de guerre néo-conservatrices de l’administration Biden et de ses prédécesseurs, explique que si Donald Trump a pu ouvrir le dialogue avec ses homologues russes, c’est justement parce qu’il a abandonné la piste proposée par Kellogg. La Russie avait immédiatement rejeté son plan, qui n’aurait fait que geler le conflit en établissant une ligne de cessez-le-feu sécurisée par des troupes des pays de l’OTAN. Cette proposition totalement irréaliste aurait arrimé les Etats-Unis à l’Europe, alors que Trump cherche précisément à en sortir.
C’est alors qu’une nouvelle piste de travail s’est ouverte, avec l’envoi à Doha de Steve Witkoff, envoyé spécial de Trump pour le Moyen-Orient, afin de négocier le cessez-le-feu à Gaza. Il y a rencontré des acteurs de premier plan, dont Mohamed Ben Salman (MBS), prince héritier d’Arabie Saoudite, et proche ami à la fois de Vladimir Poutine et de Donald Trump. Selon Ritter, MBS a vu en Witkoff un homme en qui Trump avait toute confiance et qui devait être intégré dans le processus des négociations de paix en Ukraine.
L’émissaire s’est ensuite envolé pour Moscou afin de prendre en charge le détenu américain Marc Fogel, libéré par la Russie, mais aussi pour un échange inopiné de trois heures avec Poutine. Il a également pu rencontrer Kirill Dmitriev, le directeur du Fonds souverain russe d’investissement direct (RDIF), qui l’a informé de l’état réel de l’économie russe, peu affectée par les sanctions. On comprend l’importance de cette question pour l’homme d’affaires Trump : la politique de sanctions contre la Russie a coûté bien plus aux Occidentaux qu’à ce pays, qui, de plus, n’est nullement au bord de la faillite, comme le prétendent ses alliés européens.
En homme d’affaires qui se respecte, Witkoff a rendu compte de la situation à cet autre homme d’affaires qu’est le président américain. Et c’est ce processus qui a ouvert la voie à la conversation téléphonique de 90 minutes entre Poutine et Trump. Au-delà, ces discussions ont permis à Trump, toujours selon Ritter, de traiter la guerre d’Ukraine comme une question économique, et non plus comme une question de sécurité en tant que telle pour les Etats-Unis.
Le 18 février, lors de la rencontre entre les ministres des Affaires étrangères Marco Rubio et Sergueï Lavrov à Riyad, en Arabie saoudite, une autre personnalité s’est glissée discrètement dans les discussions : c’était Kirill Dimitriev du RDIF, qui n’est apparu en public qu’à l’issue des entretiens. Ce qui fait dire à Scott Ritter que s’il ne figurait pas sur la photo, la clef du succès de cette diplomatie se trouve dans la relation que Witkoff avait nouée avec lui.
La contre-attaque des Européens va-t-en guerre
La deuxième nouvelle qui confirme, par la négative, la réalité des percées évoquées ci-dessus, est un article paru dans Le Monde du 21 février, « La guerre en Ukraine : Kirill Dmitriev, l’homme de l’ombre du Kremlin, dans les négociations russo-américaines ». L’auteure, Marie Jego, ancienne correspondante du journal à Moscou, s’en prend à Dmitriev, l’accusant de vouloir désinformer l’équipe de Trump.
Selon elle, pour mieux séduire la nouvelle administration américaine, Poutine a déployé à Riyad, le 18 février, son homme lige, le financier Kirill Dmitriev, pour participer aux négociations russo-américaines. « Spécialiste des négociations d’arrière-plan », il n’apparaissait pas sur la photo officielle de la réunion, qui ne comprenait que Marco Rubio, Mike Waltz et Steve Witkoff, pour les Américains, et Lavrov et Ouchakov du côté russe.
Cependant, dès la fin de la réunion, souligne-t-elle, Dmitriev a sauté dans la lumière, « multipliant les interviews où il s’est vanté du fait que des relations commerciales avec les Etats-Unis, pourraient être envisagées, dans les deux ou trois prochains mois ». Il a parlé de « projets communs, y compris dans l’Arctique et d’autres régions », et n’a pas exclu que les compagnies pétrolières américaines puissent un jour travailler à nouveau en Russie. « Pourquoi renonceraient-elles à la possibilité d’accéder aux ressources naturelles que nous leurs avons offertes ? » a-t-il confié à CNN depuis Ryad.
M. Dmitriev est accusé de faire croire aux Américains que « les sanctions ont frappé Washington plus durement que Moscou, les entreprises américaines ayant perdu 300 milliards de dollars en quittant le marché russe. Notamment Exxon Mobile qui n’a jamais pu vendre sa participation de 30 % dans le projet gaz/oil Sakhaline 1 en Extrême-Orient, parce que le Kremlin a bloqué les ventes ». Il a affirmé, rapporte Jego, que « l’administration Biden a diffusé beaucoup de fausses informations », mais qu’à présent, « notre dialogue nous permet de dire la vérité, d’affirmer que l’économie russe se développe bien ».
Et pourquoi Dmitriev a-t-il le bon profil pour convaincre les Américains de lever les sanctions ? Parce que cet homme, né à Kiev, est aussi « diplômé de l’université de Stanford (Californie) et de Harvard, et a donc les moyens d’utiliser les mots justes. Il connaît bien le fonctionnement des finances américaines. Formé chez Goldman Sachs et McKinsey, il a dirigé en 2000 à Moscou le Delta Private Equity, un fonds d’investissement américano-russe créé par Bill Clinton. Il a ensuite travaillé pour le milliardaire ukrainien Viktor Pintchouk, gendre de l’ancien président ukrainien Leonid Kouchma (1994 - 2005) ».
En 2011, il est nommé à la tête du Russian Direct Investment Fund (RDIF), au cœur du pouvoir russe. Et, in cauda venenum…, Marie Jego « révèle » que Dmitriev « ne doit cette promotion qu’à son mariage avec Natalia Popova, une amie de la fille cadette de Poutine. Dmitriev a depuis un accès direct à Poutine et peut compter sur la protection d’Anton Vaino, chef de l’administration présidentielle russe. »
Fort heureusement pour la paix dans le monde, le président Trump (dont on peut par ailleurs critiquer beaucoup d’initiatives) semble bien déterminé à mettre fin à cette guerre avant qu’elle se dénoue en troisième guerre mondiale.
FIN DE L’ARTICLE
Traduction rapide, au Français, des remarques de Scott Ritter à India Global Left
Le 25 février 2025
Traduction : Yves Paumier
IGL : Sans plus attendre, je souhaite la bienvenue à notre invité. Scott
Ritter. Scott est un ancien officier du corps des Marines américain
et auteur-commentateur prolifique en matière de géopolitique.
Scott, bienvenu dans l’émission India and Global Left.
SR : Merci beaucoup de m’avoir reçu.
IGL : Je voudrais discuter avec vous de l’évolution de la politique
étrangère entre les États-Unis et la Russie. Beaucoup de gens ont dit
tout à l’heure que les prédictions de Scott Ritter ne se réalisaient
pas. Mais, je me souviens qu’après l’élection de Trump, vous avez dit
qu’il y avait un réel espoir de changements positifs dans la politique
étrangère américaine vis-à-vis de la Russie. Et je pense que vous
aviez raison car, au cours des dernières semaines, le président Trump
a eu un long entretien téléphonique avec le président Poutine. Les
principaux responsables de la sécurité nationale des États-Unis et de
la Russie se sont rencontrés en Arabie saoudite, et Marco Rubio a
déclaré que les Russes avaient vraiment fait preuve d’ouverture
d’esprit. Pendant ce temps, le secrétaire au Trésor Scott Basant et le
général à la retraite Keith Kellogg ont été envoyés à Kiev pour faire
pression sur Zelenski afin qu’il fasse davantage de concessions. Je
voulais juste vous demander ce qui vous a fait croire qu’un changement
aussi radical de la politique étrangère des États-Unis à l’égard de la
Russie était possible ?
SR : Une nouvelle politique étrangère des États-Unis était logique.
Poursuivre les politiques de l’administration Biden aurait conduit
inévitablement à un conflit nucléaire entre la Russie et les
États-Unis. Les intérêts de la Russie en Ukraine sont de nature
existentielle, littéralement une question de vie ou de mort. Si les
États-Unis avaient continué à faire pression sur la Russie, vous savez,
l’échelle de l’escalade ne pouvait conduire qu’à une seule chose, à
savoir la guerre nucléaire. Et la candidature de Trump a clairement
indiqué dès le début qu’elle n’était pas intéressée à une
confrontation nucléaire avec la Russie, qu’elle cherchait à sortir du
conflit. Donc, la logique reste la seule explication.
Donald Trump est un homme d’affaires. Il s’occupe de relations
transactionnelles et dans un conflit nucléaire, la seule transaction
est la mort. Par conséquent, toute personne dotée d’un peu de bon sens
savait que Donald Trump avait choisi une autre voie.
Par ailleurs, lorsque vous avez des changements d’une telle
ampleur, ces changements ne peuvent pas être progressifs. Ces
changements ne peuvent pas être progressifs et ils ne peuvent pas être
effectués avec de longues pauses entre les étapes. Lorsque vous avez
tant d’ennemis alignés contre vous, tant de personnes qui tentent de
saper ce que vous essayez d’accomplir, vous devez les ???
C’est une simple manifestation de la théorie de la boucle OODA de John
Boyd, qui consiste à pénétrer dans le cycle décisionnel de
l’adversaire. Et Donald Trump a parfaitement exécuté cette stratégie.
C’est la seule option qu’il avait. Vous frappez fort et vous continuez
à frapper fort, et vous continuez à frapper fort et vous continuez à
frapper fort, et vous ne permettez jamais à vos adversaires de
s’ajuster ou de récupérer, et alors vous dominez et vous gagnez.
Et c’est la stratégie que je savais qu’il allait adopter. Et c’est la
stratégie qu’il a adoptée parce que c’est la seule qui puisse mener au
succès. Certains disent que c’est la décision de Zelenski. Certains
affirment que la décision de Zelenski de ne pas accorder aux
États-Unis les droits miniers en Ukraine a joué un rôle clé dans le
changement d’avis de M. Trump. Et d’un autre ,
Comment la Russie a réagi à la libération de la personne ? Je crois
qu’il s’agit d’un professeur de lycée qui a été pris en train de
traverser la Russie avec une petite quantité de cannabis. Certains disent que c’est aussi l’un des
facteurs qui ont contribué au changement d’attitude de Trump.
Je pense que les gens accordent trop d’importance à des questions
mineures. Oui, la libération de Mark Fogel, entre dans un
mécanisme de renforcement de la confiance. Et vous savez, le refus de
Zelenski, de signer un accord sur les minéraux avec les États-Unis est également un problème. Mais il faut comprendre que ces deux éléments sont postérieurs à la date de la
libération. La décision stratégique prise par Donald Trump est d’aller
de l’avant dans une nouvelle direction.
Je pense que ce qui s’est passé ici, c’est que Donald Trump avait placé sa
confiance dans une personne, Keith Kellogg, qui est arrivé avec un
plan irréaliste et Donald Trump s’attendait à des résultats immédiats. Keith Kellogg est arrivé et le plan n’a même pas pu être mis en œuvre. Il a été rejeté d’emblée par les Russes. Ce rejet, n’a pas permis à Donald Trump de faire de ce plan, la clé d’une politique
de changement. En conséquence, les Européens commençaient à prendre le
dessus ; et vous vous souvenez de ce que je vous ai dit ?
Si vous faites une pause, l’ennemi l’utilise pour s’adapter. Et les
Européens commençaient à s’ajuster, commençaient à se coaliser, et
Trump, de son côté, cherchait une ouverture. Il en a une avec son envoyé spécial
pour le Proche-Orient. Steve Witkoff qui s’est rendu à Doha pour
négocier le cessez-le-feu à Gaza. Ce faisant, Witkoff a été exposé à
un certain nombre d’acteurs de premier plan, dont le prince héritier
d’Arabie saoudite Mohammed bin Salman. Ce dernier entretient
de très bonnes relations avec Vladimir Poutine et avec Donald Trump.
Il a jeté un coup d’œil à Witkoff et s’est dit qu’il était un homme en qui Trump a
a confiance. Il faut donc que cet homme s’occupe de ce problème de
l’Ukraine et de la Russie. Et c’est ainsi que Witkoff a pris l’avion pour
Moscou afin d’accueillir Marc Fogel.
Je pense que de nombreuses négociations ont eu lieu avant cela. Mais
pendant qu’il était là, il a rencontré Vladimir Poutine. Je ne sais
pas si beaucoup de gens ont compris cela. Et il a rencontré l’une des
personnes les plus importantes dans toute cette escapade, Kirill
Dmitriev, qui est à la tête du Fonds directe d’investissement souverain russe.
S’il y a une personne en Russie qui ‘sait’, c’est bien Kirill
Dmitriev. L’impact des sanctions économiques sur l’économie russe, il peut
l’expliquer en détail, non seulement ce qu’elles ont coûté à la
Russie, mais surtout, ce qu’elles ont coûté à l’Amérique et ce qui pourrait être fait pour s’en
remettre, un point de vue qui intéresse Trump et Wiskoff au plus haut point.
Kirill Dmitriev. a eu donc une brève conversation avec un homme d’affaires du nom de Steve Witkoff, qui en a parlé à un autre homme d’affaires du nom de Donald Trump. Et c’est ce qui est à
l’origine de toute cette affaire.
De facto Donald Trump ne considère pas l’Ukraine comme un problème
de sécurité nationale. L’Ukraine ne pose aucun problème de sécurité nationale aux
États-Unis, à moins que ces derniers ne cherchent à les faire avancer
sur la voie de la confrontation nucléaire. L’Ukraine est un problème
économique : Le rétablissement des relations avec la Russie est un
problème économique !
Et vous l’avez vu quand Trump a décroché le téléphone
pour un appel téléphonique de 90 minutes. On pouvait se demander
pourquoi le président des États-Unis, n’avait pas eu un entretien
téléphonique de 90 minutes avec Vladimir Poutine au cours de ses trois premières
semaines en tant que Président. Parce qu’il n’y
avait rien à dire ; Le plan de Keith Kellogg était irréaliste. Les
Russes n’allaient pas jouer le jeu.
Et Donald Trump était en train d’observer tout son plan
qui ne consistait pas seulement à résoudre le problème de l’Ukraine,
mais aussi à se débrancher de l’Europe. N’oubliez pas qu’il doit
sortir de l’Europe. Il n’a pas besoin de doubler la mise avec
l’Europe. Et le plan de Kellogg allait le piéger en Europe.
Trump a fait cet appel téléphonique de 90 minutes au cours duquel tous les deux
discutent d’un large éventail de questions, et pas seulement de
l’Ukraine. Puis Rubio et Lavrov se rencontrent à Riyad. Encore une
fois, ce sont eux qui sont sur les photos. Mais la véritable force de
cette réunion réside dans la connectivité entre Witkoff - Dmitriev, qui a
permis à cette réunion d’avoir lieu et d’en définir l’ordre du jour.
S’en est suivi une réunion de 4 heures et demie au cours de laquelle ils ont discuté
de la sécurité énergétique, du rétablissement des liens diplomatiques,
du commerce, de tout sauf de l’Ukraine. L’Ukraine a été traitée en
périphérie parce que c’est tout ce qu’elle est. C’est une question
périphérique. Et nous voyons où nous en sommes aujourd’hui. Toutes les
autres choses ne sont que des résultats.
Mais ce qui a fait bouger les choses, c’est que Donald Trump
a enfin un conseiller qui s’accroche à une politique viable, réaliste,
qui peut donner des résultats. Et regardez à quel point les choses
sont importantes, à quelle vitesse elles se déroulent. C’est encore
une fois ce que je dis depuis le début. L’Ukraine ne peut pas être
considérée comme une question de sécurité nationale. Elle doit être
traitée du point de vue de ce qui est le véritable problème entre les
États-Unis et la Russie, et les véritables problèmes sont d’ordre
économique.
Vous savez, si vous écoutez Trump, l’une des choses dont il a parlé très
tôt est de la dédollarisation et de tous les efforts des BRICS
pour se débarrasser du dollar. Il a dit qu’il va imposer des droits de douane de 100 % sur ces
produits. Réfléchissons un instant.
Peut-être pouvez-vous me dire quelle nation des BRICS a parlé d’aller
activement, agressivement de l’avant avec une monnaie indépendante des
BRICS. Nommez-en une. La réponse est qu’il n’y en a pas. Même lorsque
Vladimir Poutine a présenté sa note à Kazan, il a dit que c’était
théorique. Il a dit que nous n’essayons pas de dé-dollariser. Nous ne
voulons pas dédollariser. Les États-Unis nous poussent à nous
dédollariser à cause de leur politique, et c’est une mauvaise
politique pour l’Amérique. Les Indiens ont dit la même chose,
[Narendra] Modi a dit la même chose. Le Brésil a dit la même chose. La
Chine a dit la même chose. Si les États-Unis ne les laissent pas utiliser
le dollar, ils n’ont pas d’autre choix que de trouver une alternative
pour effectuer des paiements internationaux en dollar.
Mais ce dont il est question aujourd’hui, c’est de ramener le dollar
en Russie. Si Visa et MasterCard reviennent en Russie, je pense que
les sanctions seront levées contre la Russie et après, vous devinez,
contre les BRICS.
Mais vous voyez, Trump pense-t-il que cela va faire disparaître les
BRICS ? Non, ce n’est pas le cas. Cela signifie simplement que les
BRICS peuvent maintenant faire ce que les BRICS allaient faire en
utilisant le dollar. Vous savez, cela ne change pas la
trajectoire du changement qui est en train de se produire. Mais ce
qu’il fait, c’est préserver la domination du dollar . Il permet d’utiliser le dollar sans chercher à en tirer parti.
Je pense que vous voyez en Trump l’homme d’affaires. C’est un homme
qui se demande comment faire de l’argent avec ça... Comment profiter
de ça... Les États-Unis profitent énormément en laissant le monde
utiliser le dollar.
Et il s’agit là encore d’un sous-produit de cette nouvelle interface
avec la Russie. Cela va bien au-delà de l’Ukraine. L’Ukraine est
l’obstacle initial qui doit être franchi. Mais maintenant ils disent
même que nous allons mettre cet obstacle de côté. Et je suppose qu’il
y aura une autre réunion dans un avenir proche où ils vont
essentiellement régler les détails du rétablissement des relations
diplomatiques complètes, de la levée de toutes les restrictions qui
ont été imposées, du début d’un engagement diplomatique complet à
multiples facettes, vous savez, à spectre complet. C’est la direction
que nous prenons.
Chine- Russie- États-Unis, trois choses me semblent évidentes.
La première est la reconnaissance claire du fait que la Russie est une
puissance géopolitique majeure et qu’il faut en tenir compte dans
toute prise de décision en matière de politique étrangère. La
deuxième est que l’Ukraine n’est pas une question de sécurité
nationale pour les États-Unis. Et la troisième est que les sanctions
imposées à la Russie, si elles l’ont été, ont accéléré la
dédollarisation. Le président Trump le comprend et il est évident qu’il n’en veut pas.
IGL : Certaines personnes disent que Trump voit aussi que tout cela rapproche la Russie de la Chine. Washington est très clair sur le fait que la Chine est au mieux un rival. Si elle n’est pas un ennemi, on peut au moins acheter la neutralité russe en cas de rivalité ou de concurrence, voire de
guerre. Je voulais juste avoir votre réponse sur cette ligne d’analyse.
SR : Nous ne sommes pas en 1968, il ne s’agit pas de Richard Nixon et nous
ne sommes pas avec Mao Zedong. Il s’agit de Vladimir Poutine et de Xi
Jinping qui ont une longue histoire de relations personnelles
amicales. Nous sommes face à une situation où la Russie et la Chine
sont devenues extrêmement liées économiquement, d’une manière sans
précédent. Elles ont des intérêts géopolitiques communs, partagés
dans le monde entier, qui sont liés à l’Amérique. Une attitude
agressive vis-à-vis de l’Ukraine pour ce qui est de la Russie et
vis-à-vis de Taïwan pour ce qui est de la Chine.
Et surtout, ils ont l’une des plus longues frontières communes au monde. Lorsque l’on
parle aux Russes et aux Chinois de leur amitié et de ce qui les anime,
ils répondent qu’ils sont voisins, qu’ils n’ont pas le choix. Je pense
donc qu’il est extrêmement amateur de parler d’opposer la Russie de la
Chine ou d’acheter la neutralité russe. Cela n’arrivera pas. Vladimir
Poutine n’est pas un enfant. Je veux dire, pour être honnête, que
cette question impliquerait que les Russes sont des enfants et que
Vladimir Poutine est un enfant. [Non,] C’est un adulte.
Permettez-moi de rappeler à tous ceux qui nous écoutent que la Russie
de Vladimir Poutine a donné un coup de pied aux fesses de l’Amérique
et un coup de pied aux fesses de l’Europe - économiquement,
diplomatiquement, militairement. Alors pourquoi la Russie va-t-elle
maintenant se comporter comme un petit enfant ? Parce que papa est
rentré à la maison et a menacé d’enlever sa ceinture ? Non, c’est
stupide. La Russie et les États-Unis entretiennent une relation
transactionnelle, qui se fera aux dépens de l’Ukraine et de l’Europe.
La Russie ne changera pas sa relation avec la Chine.
Au contraire, la Russie utilisera sa proximité avec la Chine pour
contraindre les États-Unis à s’engager dans une relation
transactionnelle similaire avec la Chine au sujet de Taïwan, afin de
résoudre la question de Taïwan. Donald Trump est lui aussi un homme de
transaction. Il ne cherche pas la guerre avec la Chine. C’est ce que
les gens doivent comprendre. S’il dit que la Chine est notre
adversaire, c’est qu’il s’agit d’un adversaire économique, d’un
concurrent. Il ne cherche pas la guerre avec la Chine. L’interaction
avec la Russie sert de modèle qui pourrait être utilisé dans le
Pacifique pour résoudre la question taïwanaise afin que les États-Unis
et la Chine puissent développer des relations commerciales aussi
bénéfiques que celles que les États-Unis nouent avec la Russie. Tel
est le but. Tel est l’objectif.
Je pense qu’il y a trop des gens qui vivent dans un monde imaginaire,
peut-être motivé par les pratiques passées, qui pensent que les
États-Unis cherchent la confrontation militaire avec la Chine. Je
rappelle à tous ceux qui nous écoutent qu’il s’agit d’une Révolution.
L’Amérique est en pleine révolution. Ce que vous pensiez savoir sur
l’Amérique, vous ne le savez plus. Si vous ne reconnaissez pas la
Révolution, vous ne savez rien. Si vous me citez un rapport de la
Brookings rédigé il y a trois ans, cela ne fait que démontrer votre
ignorance. Je ne veux pas entendre parler d’un rapport de Brookings
écrit il y a trois ans. Je ne veux pas entendre parler d’un rapport du
Council for Foreign Relations rédigé il y a deux ans. Rien de tout
cela n’a d’importance.
Tous ces rapports étaient liés à l’État profond, au point de vue de l’
[Eastern] establishment. L’Establishment est mort. Il est massacré
dans les rues de l’Amérique en ce moment même. Des choses se passent ici.
Elles vont tous nous choquer. Des institutions que vous pensiez
solides comme un roc, qui existent depuis des décennies, vont
disparaître du jour au lendemain. Des personnalités publiques qui
dominaient autrefois les ondes par leur arrogance et leur agressivité
seront menottées pour avoir trahi la Constitution des États-Unis. Nous
sommes au milieu d’une révolution constitutionnelle, qui entraîne un
changement complet dans la manière dont les États-Unis cherchent à
interagir avec le monde.
Depuis quand un président américain, moins d’un mois après le début de
son mandat, se tourne-t-il vers le Pentagone, avant qu’il n’ait
élaboré la moindre stratégie de sécurité nationale, pour lui demander
de réduire le budget de 40 % en cinq ans ? Citez-moi un président qui
a fait cela et vous ne pourrez pas le faire. Cela ne s’est jamais
produit auparavant : La révolution.
Et si vous n’adhérez pas, vous resterez assis, sans rien faire, et
vous vous tromperez sur toute la ligne. Il faut regarder ce que font
les États-Unis à travers le prisme de la révolution qui se déroule à
l’intérieur du pays, et cela se répercute sur la politique étrangère.
Les personnes définissaient la politique étrangère ne sont plus au
pouvoir et les institutions qu’elles influençaient ont été démantelées
ou sont en train de l’être. L’USAID, la Fondation nationale pour la’
démocratie’. Tout cela a disparu, c’est fini, on ne reviendra jamais,
c’est définitivement détruit. Il ne s’agit pas d’un simple accident de
parcours.
L’autre chose que je rappelle aux gens quand ils disent, « eh bien, ce
n’est qu’un président à mandat unique », n’est-ce pas John Bolton,
quand on dit cela, c’est que les Présidents à mandat unique
n’accomplissent rien. Les présidents à deux mandats accomplissent
quelque chose, mais seulement à la fin de leur deuxième mandat. Le
premier mandat est consacré à l’apprentissage, au positionnement, etc.
Le second mandat, s’ils en obtiennent un, le deuxième mandat, est
consacré à la négociation jusqu’à leur conclusion, à la fin du second
mandat.
Donald Trump, moins d’un mois après le début de ce qui est en fait son
second mandat, a déjà accompli plus de changements que n’importe qui
d’autre pendant les quatre années qui lui restent en poste. Ce sera la
période la plus transformatrice de l’histoire moderne des États-Unis.
Le monde n’aura aucune idée de ce qui l’attend parce qu’il ne
comprendra pas ce qui se passe. Vous avez des diplomates, vous avez
des universitaires qui sont formés à ce qu’était l’Amérique. Mais
l’Amérique n’est plus cela. L’Amérique est quelque chose de
complètement différent, de tellement nouveau et en pleine
transformation. Mais personne ne comprend ce que c’est. Pas même les
Américains.
Je me réveille tous les matins choqué par ce que je lis et par
ce que je vois de positif. C’est parce que je suis quelqu’un qui a dit
que ce qui étranglait l’Amérique, ‘l’État profond, l’establishment’
devait disparaître. Et j’ai prié pour que Trump soit l’homme de la
situation. Mais je n’aurais jamais imaginé que Donald Trump puisse
faire ce qu’il fait dans les délais impartis, avec la rapidité qui est
la sienne.
Cela me fait peur, pour être honnête, parce que je suis un
constitutionnaliste et que je crois en la Constitution. Il semble que
la Constitution soit ignorée dans certains cas, alors qu’il cherche à
s’en prendre à une bureaucratie qui a utilisé l’État de droit comme un
bouclier derrière lequel elle a étendu sa corruption. C’est pourquoi
Donald Trump s’attaque à cette question. (...)
Je dit ne me parlez pas de Républicains et Démocrates. Le Parti républicain n’existe plus en
termes de pouvoir significatif. Le parti démocrate est détruit et en
ruines. On disait « Donald Trump est un républicain, Donald Trump est
un démocrate qui a fui le parti démocrate » Le Parti républicain n’a
jamais su comment le gérer. Ce dont nous parlons ici, c’est de MAGA,
le mouvement MAGA [Make America Great Again].
Ce qui a permis à Donald Trump de franchir la ligne d’arrivée, c’est
son alliance l’été dernier avec RFK Junior, le mouvement ‘Make America
Healthy Again’ ; révolutionnaire, transformationnel. Des millions
d’Américains l’ont soutenu. Tulsi Gabbard, une démocrate qui a
démissionné du poste de numéro deux du Comité national démocrate pour
soutenir Bernie Sanders, puis a été trahie par Bernie, par Hillary et
tout ce qui est très populaire parmi les personnes d’un certain groupe
d’âge et d’une certaine mentalité.
Et puis Elon Musk, comment décrire Elon Musk sauf
comme un révolutionnaire. Et quand ces trois personnes s’allient à
Donald Trump, c’est un mouvement politique comme on n’en a jamais vu
dans les temps modernes. Ce n’est pas un mouvement démocratique. Ce
n’est pas un mouvement républicain. Il s’agit de quelque chose de
totalement différent, de totalement nouveau, de révolutionnaire par
sa portée et son ampleur. Et à moins que vous ne soyez prêts à
comprendre cela, que vous continuez à vous rabattre sur les modèles du
passé en essayant d’appliquer un modèle républicain à ce que fait
Donald Trump, vous échouerez. Si vous dites qu’il est simplement un
partisan qui s’en prend aux démocrates, vous échouerez. Il s’en prend
au duopole. Il s’en prend au système corrompu qui existait. C’est
quelque chose de complètement nouveau et si vous ne comprenez pas
cela, vous ne parviendrez pas à analyser correctement ce qui se passe
aujourd’hui aux États-Unis. (...)
(IGL) :Quelle est la prochaine étape pour l’Ukraine ? Les développements, au
moins sur le front de la Russie, vont dans le sens de ce vous
préconisez depuis longtemps. Et même vous, vous avez été surpris parce
que même si vous disiez qu’il y a beaucoup de changements, ce que vous
dites est révolutionnaire, dont des choses que vous avez défendues.
Les choses évoluent dans ce sens et cela vous surprend encore.
Je vous avez dit tout à l’heure « au dépens de l’Ukraine ». Beaucoup de gens parlent maintenant
des concessions possibles que l’Ukraine doit faire. Quels sont les
territoires dont elle doit s’emparer ? Avons-nous une idée de ce que
pourraient être les nouvelles divisions à travers les lignes territoriales
? Je veux dire qu’il est très clair pour moi qu’ils ne seront jamais
membres de l’OTAN dans un avenir proche, mais en termes de divisions
territoriales, en termes de sécurité ou en termes d’indépendance, avons-nous une idée à ce sujet ? Bien sûr, que nous avons une idée.
Vladimir Poutine a été très transparent à ce sujet. C’est juste que
les gens ne croient pas Vladimir Poutine quand il dit quelque chose.
Pour une raison ou pour une autre, ils ont tendance à ne pas le
croire. En juin dernier, il a mis sur la table une proposition de
paix. Il s’agit d’une modification du communiqué d’Istanbul. Si vous
ne connaissez pas communiqué d’Istanbul, je vous conseille de vous
familiariser avec lui, car il détermine et déterminera en grande
partie ce à quoi ressemblera l’Ukraine d’après-guerre. Zelenski n’a
rien à dire sur l’issue de cette affaire, retirons-le, il fait partie
du problème. C’est un bruit, un bruit blanc qui bourdonne en
arrière-plan. Il sera retiré de le scène tôt ou tard, ou encore plus
tôt, s’il continue à cracher au visage de Donald Trump,le Parrain. Je veux dire,
je ne comprends pas ce que Zelenski pense qu’il puisse accomplir ici.
(IGL) Mais pensez-vous que son gouvernement puisse s’effondrer de l’intérieur ?
Il s’effondre déjà de l’intérieur. (…) Nous sommes en train d’observer l’état final du régime de Zelenski. Il existait pour servir d’intermédiaire : des milliards de dollars d’aide
ont afflué en Ukraine et lui, en tant que seigneur corrompu, a pu les distribuer à divers groupes. [
désormais les États-Unis ont fermé les robinets.]
L’Europe tente désespérément de trouver une solution. Il y a des
élections en Allemagne demain ou lundi. Si les choses ne se passent pas comme le souhaitent les partisans de Zelenski, les 700 milliards d’euros ne se manifesteront pas et Zelenski sera affamé. Et
encore une fois, parce que son gouvernement ne fonctionne pas comme un
vrai gouvernement, c’est littéralement un véhicule de blanchiment
d’argent conçu pour enrichir certaines élites politiques et
économiques. Si Zelenski ne peut pas faire son travail, il sera démis
de ses fonctions et remplacé par quelqu’un d’autre. Donc, Zelenski ne fera pas
partie de l’avenir de l’Ukraine. C’est une évidence.
La Russie ne traitera pas du tout avec lui. Poutine a déclaré en
substance que la solution se trouve dans le communiqué d’Istanbul mis à jour sur la
base de la réalité actualisée. Les Russes ont toujours dit, depuis le
début, Vladimir Poutine a toujours dit que la Russie n’était pas
entrée dans ce conflit pour s’emparer de territoires. Il y a un très
grand nombre de partisans dans le camp russe. Dans leurs blogs
pro-russes sur les médias sociaux, ils disent qu’Odessa doit devenir
russe, que Kharkov doit devenir russe. Mais ils ne comptent pas. Qu’en
est-il de Donetsk et de Louhansk ? C’est la Russie. Je veux dire qu’il
n’y a littéralement pas de débat ici. Kherson et Zaporijjia, c’est la
Russie. L’Ukraine rendra à la Russie le moindre centimètre carré de
terre russe. L’Ukraine n’a pas le droit de vote. Ce n’est pas un sujet
de discussion.
Keith Kellogg essayait de faire en sorte que …, mais le plan de Keith
Kellogg n’avait aucune chance d’aboutir parce qu’il essayait de jouer
à des jeux stupides sur les lignes de fronts gelés et tout le reste.
Il doit y avoir des concessions territoriales aux Ukrainiens ? Non, il
n’y en aura pas. N’oubliez pas ceci. La Russie est en train de gagner
la guerre de manière décisive. Vous savez, la Russie ne cherche pas un
cessez-le-feu. La Russie ne cherche pas de répit. La Russie est prête
à continuer à mettre la pédale au plancher et à broyer du noir.
Bientôt, ils vont traverser les dernières zones urbaines fortifiées à
Donetsk, dans le Donbass. Une fois ces zones franchies, les champs
seront largement ouverts et les lignes se déplaceront de façon
spectaculaire vers le fleuve Dniepr. Et si cela se produit, alors...
la réalité du champ de bataille dont parle Vladimir Poutine devient
très différente.
Yepi Petrovsk pourrait alors être occupée par les Russes et les Russes
pourraient la conserver. S’ils pivotent vers le sud, Odessa
pourrait occupée par les Russes. Et s’ils pivotent vers le nord,
Kharkov aussi. Mais pour l’instant, ce n’est pas le cas. Ce que les
Russes disent, c’est « nous voulons que la Russie reste la Russie.
Nous voulons que l’Ukraine et le monde signent un traité reconnaissant
que ces territoires appartiennent à la Russie. Il ne s’agit pas,
encore une fois, du plan Keith Kellogg, comme pour les pays baltes à
l’époque soviétique où, vous savez, les Soviétiques occupaient ces
territoires, mais nous les appelions des territoires occupés. Et nous
avions des cartes qui disaient que la Lituanie, l’Estonie et la
Lettonie étaient des territoires occupés. Non, les Russes ne jouent
pas ce jeu. La Russie n’a pas besoin que les sanctions soient levées ;
et les gens doivent le comprendre. Et je pense qu’on n’insiste [pas
assez] sur ce point.
Donald Trump oui, dit qu’ils ont le dessus, qu’on n’a aucun moyen de
pression sur eux. Si nous leur disons : "Si vous ne faites pas ceci,
nous n’appliquerons pas les sanctions", ils disent : "C’est bien, nous
gagnons". Ils disent que c’est bien, qu’ils sont en train de gagner,
que leur économie est en plein essor ; qu’ils ont pivoté vers la
Chine. « Vous savez, nous n’avons pas besoin de vous, nous ne voulons pas
de vous, peu importe ». Les Russes obtiendront donc tous leurs
territoires et toute la reconnaissance qu’ils souhaitent.
Il pourrait s’agir d’une cause de division entre les États-Unis et
l’Europe. Tant que l’Europe existera sous sa forme actuelle –et elle
ne le restera plus très longtemps- … C’est un autre moment historique
auquel nous assistons : l’effondrement absolu de l’Europe en tant
qu’institution singulière, l’Union européenne, et de l’OTAN. Nous
assistons en ce moment même à la destruction absolue de l’OTAN, et
cela change toute une série de choses du point de vue de la Russie.
Mais la Russie obtiendra ses territoires. La dénazification signifie
que la Russie contrôlera le gouvernement ukrainien d’après-guerre pour
s’assurer que des changements constitutionnels soient apportés afin
d’interdire le mouvement Banderas et les divers mouvements
nationalistes ukrainiens, de sorte qu’ils ne puissent plus opérer sur
le sol ukrainien. Le gouvernement sera pro-russe. Démilitarisation.
Tout ce qui a été souillé par l’OTAN sera éliminé de l’Ukraine.
L’Ukraine ne maintiendra pas une armée importante. Son armée sera
considérablement réduite et deviendra principalement une force de
garde-frontières. Tous les équipements de l’OTAN qui ont été acheminés
seront soit détruits, soit restitués, soit remis à la Russie. Voilà à
quoi ressemble la paix. C’est ce qui arrive quand on perd une guerre.
C’est ce qui se passe quand on gagne une guerre. Du point de vue de la
Russie, c’est elle qui dicte la marche à suivre. Et plus cela durera,
plus les réalités du champ de bataille changeront et plus les choses
évolueront.
Mais je ne pense pas que la Russie va exiger Odessa, Kharkov,
Nikotrov, Golayev. Je ne pense pas que ce soit ce qu’elle recherche.
Ils reconnaissent maintenant qu’ils ont un Président américain prêt à
faire la paix aux conditions de la Russie posées en juin, et c’est
suffisant pour la Russie. Elle n’a pas besoin de faire autre chose. Je
veux dire, s’ils veulent Odessa et Kharkov, vous le verrez dans trois
à cinq ans lors d’un référendum organisé et, vous savez, en demandant
aux habitants d’Odessa et de Kharkov de voter leur indépendance et
s’ils veulent rejoindre la Russie. C’est ainsi que l’on gère la
situation. On ne rallonge pas cette guerre et on ne sape pas tout ce
que l’on a déclaré interdit.
La Russie n’est jamais entrée dans ce conflit avec l’acquisition de
territoires comme objectif. Ce n’est qu’après que l’OTAN ai déversé
des dizaines de milliards de dollars prolonger cette guerre en mai
2022 et qu’elle se soit lancée dans une contre-attaque que la Russie a
déclaré qu’afin de protéger la population russe, elle se devait placer
sous son contrôle [ces territoires]. Nous organisons des référendums,
etc. Mais cela n’a jamais été la proposition de départ. Cela n’a
jamais fait partie des objectifs stratégiques de la Russie. Je ne vois
donc pas la Russie changer son fusil d’épaule en fin de partie en
disant "non", maintenant nous décidons d’une acquisition territoriale,
nous menons une guerre d’agression, et nous cherchons à dépouiller
l’Ukraine de ses terres. Je ne pense pas que la Russie va changer son
fusil d’épaule. Je ne pense pas que la Russie va faire cela. Je pense
que la Russie va faire ce que Vladimir Poutine a toujours dit qu’elle
allait faire. Ils ont, vous savez, trois objectifs majeurs : -
L’Ukraine ne sera jamais membre de l’OTAN. Bing, nous l’avons compris.
– L’Ukraine sera démilitarisée. Bing. Ils vont l’obtenir. - L’Ukraine
sera dénazifiée. Bing. Ils vont l’obtenir. Et puis, ils ont ajouté un
quatrième point, qui s’ajoute à l’ensemble : - Les territoires que la
Russie a absorbés font partie à jamais de la Mère Russie. Bing. Ils
vont l’obtenir. La Russie va tout obtenir en même temps.
Qu’est-ce que cela signifie pour l’Europe ? Si vous avez une question,
n’hésitez pas à y répondre de manière aussi concise ou aussi élaborée
que possible, en fonction de votre temps. Parce qu’il y a beaucoup de
bruit dans les médias à propos dissonances en Europe qui s’agitent
dans différentes directions, en essayant de sauver leurs relations
avec les États-Unis, essayant de repenser ou de reconstituer des
relations avec la Russie. D’un autre côté, ils sont aussi extrêmement
impuissants. Il me semble que j’aimerais connaître votre avis sur la
question.
Je pense que l’Europe est son pire ennemi. Elle a très mal interprété
les feuilles de thé [Lire dans le marc de café]. Lorsque vous avez des
fonctionnaires comme Mme [Kaja] Kallas à la politique étrangère,
Ministre des affaires étrangères de l’Union européenne, je ne sais
même pas si cela existe, où à la Commission européenne, je ne sais
pas. Et puis vous avez une Ursula von der Leyen, présidente de quoi ?
Je me demande toujours combien de divisions elle contrôle.
Je veux dire, quand Ursula se réveille le matin, peut-elle appeler son
chef d’état-major et lui dire de mobiliser l’armée européenne ? Non,
car il n’y a pas d’armée européenne. Kallas, peut-elle conclure des
accords contraignants en matière de politique étrangère ? La réponse
est non. Et pourtant, ils parlent comme s’ils le pouvaient, comme
s’ils représentaient quelque chose. Mais ce qu’ils pensent représenter
n’a jamais existé et n’existe pas aujourd’hui.
La réalité est que l’Europe est un ensemble d’États-nations qui ne
sont pas d’accord sur la question de l’Ukraine. Et tant que vous
essayez de les enfermer dans une politique singulière qui n’est pas
soutenue par les États-Unis, c’est la chose la plus importante. Vous
voyez, cette désunion européenne était masquée par la puissance
américaine, la domination américaine.
Mais maintenant que les États-Unis ont dit qu’ils ne voulaient pas
jouer ce jeu et qu’ils allaient confier à l’Europe une grande partie
des questions d’après-conflit, l’Europe ne sait plus quoi faire parce
qu’il n’y a pas d’Europe. L’Europe n’existe pas, pas en réalité. La
France existe, l’Allemagne existe. L’Angleterre existe, l’Italie
existe, la Pologne, les pays baltes existent. Mais l’Europe n’existe
pas ; Il n’y a pas d’Europe. L’Europe n’est donc pas pertinente et le
devient de moins en moins. La question est maintenant de savoir ce que
feront ces États indépendants.
Ils continuent d’essayer de travailler ensemble pour redonner vie à ce
cadavre qu’est l’Europe. Mais Trump a clairement indiqué qu’il ne
traiterait pas avec l’Europe. Il traitera individuellement avec les
États, l’un après l’autre ; ils plieront et reconnaîtront que leur
seule voie à suivre est d’avoir des relations bilatérales efficaces
avec les États-Unis. Et comme aucune nation européenne ne peut à elle
seule, ou même de concert avec d’autres, faire contrepoids aux
États-Unis, l’Europe devra céder aux prétentions américaines. L’Europe
devra se plier aux prérogatives et aux exigences américaines. Et c’est
cela la réalité. Il n’y a pas d’Europe. L’Europe n’a pas la capacité
de faire quoi que ce soit de significatif. Elle ne fait que de
s’isoler davantage et s’expose à l’échec. Et ils vont découvrir à
leurs dépens les conséquences de leurs actions.
De nombreux pays européens ont subi des pertes financières
significatives en Russie - parce qu’ils ont suivi la politique des
sanctions - en tête surtout en Allemagne, le plus important des pays
européens et les sentiments pro-russes sont très élevés aux extrémités
du spectre politique.
Mais il sera très difficile pour les entreprises allemandes de revenir
en Russie ?
Bien sûr je le pense : Parce qu’ils entretiennent de très bonnes
relations depuis très longtemps, qu’il s’agisse de gaz ou d’autres
choses. Parce qu’on ne peut pas revenir en arrière et parler des
années 1980, 1990, 2000, jusqu’à aujourd’hui.
Lorsque l’Allemagne a divorcé de la Russie en février 2022 et a retiré
ses entreprises, c’était la fin. La Russie a dû procéder à des
ajustements. Vladimir Poutine a dû investir dans des entreprises
russes pour combler le vide laissé par le retrait des entreprises
européennes. Ces entreprises russes se sont développées. Elles
entretiennent des relations avec la Chine. Elles ont construit leurs
propres marchés à l’intérieur. Elles ont mûri. Elles n’ont pas besoin
de l’Europe. Et permettre à l’Europe de revenir signifie que vous
allez sacrifier la souveraineté russe pour quoi ?, pour apaiser
l’Europe ?
Je pense que les Allemands doivent repartir de zéro sur ce point.
Comme tout le monde, la meilleure chose qu’ils puissent faire est
d’essayer d’établir des relations sur l’énergie avec la Russie afin de
rétablir la connectivité avec les marchés russes du pétrole et du gaz,
de maîtriser les prix, reconstruire leur propre industrie autant que
possible et d’établir des relations diplomatiques normales. Une fois
que cela sera fait, commencera le processus de redémarrage, en allant
voir ce que le marché russe peut accueillir, peut supporter. Mais
l’hypothèse selon laquelle les [Allemands] vont pouvoir entrer dans le
pays, prendre possession de leurs usines et de leur marché, et obtenir
leur part de marché, n’arrivera jamais. Cela n’arrivera à qui que ce
soit en Europe. Il y a un prix à payer pour votre stupidité. Et ce
prix sera très lourd pour l’Europe.
[Pour] les États-Unis, certaines de nos entreprises pourraient aussi
avoir des problèmes, mais Boeing, par exemple, n’aura aucun problème à
revenir en Russie parce qu’il y a un besoin. Si vous pouvez trouver un
besoin, et que vous pouvez répondre à ce besoin, vous pourrez soutenir
cela avec des relations diplomatiques normales, pas de sanctions, etc.
Je pense que les entreprises pourront retourner en Russie et
prospérer. Mais si vous partez du principe que vous allez vous appuyer
sur les bonnes relations, les parts de marché et les affaires
antérieures, oubliez que c’est du passé ! La Russie est passée à autre
chose. Ce n’est pas pour rien que la Russie a botté les fesses de
l’Occident sur le plan économique. C’est parce qu’elle a reconstruit
tous les pans de son économie dans laquelle elle a investi des
milliers de milliards de roubles. Elle a reconstruit tous les aspects
de son économie pour bâtir une économie nationale viable, indépendante
des investissements occidentaux et des liens économiques avec
l’Occident. C’est ce qui leur a permis de faire pression sur
l’Occident. Alors pourquoi s’asseoir et dire : ‘Défaisons tout cela et
donnons à l’Occident la capacité de nous donner un effet de levier en
retour’, pourquoi ?
L’un des plus grands problèmes auxquels Vladimir Poutine a été
confronté durant sa présidence, avant l’opération militaire spéciale,
est qu’il devait faire face au problème des oligarques, mais aussi à
celui de l’imbrication de l’Occident dans l’économie russe. Et on
parle de 30, peut-être près de 40 % de l’économie russe qui était
tissée avec l’Occident. Ce que cela implique aussi, c’est que
l’influence économique de l’Occident se transforme en influence
économique de l’Europe. L’influence économique de l’Occident se
transforme en poids politique.
Il y a eu une opposition à Vladimir Poutine, et une grande partie de
cette opposition provenait de certaines parties de la société russe.
Elle faisait partie de cette connectivité russo-occidentale qui a vu
le jour dans les années 1990, lorsque l’Occident dominait la Russie,
mais qui s’est poursuivie. Même par la suite, Poutine n’a pas pu se
défaire de ce coût politique. Vous savez, il gagnait les élections,
vous savez, 54 %, 50 %. ‘Vladimir Poutine est un dictateur !’ Quel
dictateur gagne des élections à 54 % ? Vous ne pouvez pas citer un
seul dictateur qui remporte des élections avec 54 %. Ce n’est pas un
dictateur. C’est un président démocratiquement élu de la Russie. Il
savait qu’il disposait d’une marge et que s’il s’aliénait 30 % de la
population, il risquait de perdre les élections. Il devait donc
permettre à ces relations de se poursuivre, même si cela était malsain
pour la Russie à long terme. Puis la guerre est arrivée. Poutine n’a
pas séparé la Russie de l’Occident. C’est l’Occident qui a divorcé de
la Russie. Le plus beau cadeau que l’Occident ait jamais fait à
Vladimir Poutine a été son autodestruction, son auto-immolation.
C’est, vous savez, l’engagement de Harry Kerry qui dit que nous allons
en finir avec la Russie, que nous débranchons de la Russie, et Poutine
répondit : "Merci, vous venez de me libérer". Et maintenant, il a
construit un pare-feu qui empêche ce type d’intervention occidentale.
Il ne va pas défaire cela ! Il ne va pas dire "OK, revenez et
redonnez-moi des maux de tête". Cela ne signifie pas que l’Occident ne
puisse pas revenir en Russie, mais il le fera aux conditions de la
Russie, pas aux siennes. Il n’a plus aucune influence sur la Russie.
C’est ce que les gens doivent comprendre. L’Occident n’a plus aucune
influence sur la Russie.
Les États-Unis sont suffisamment importants pour que nous puissions
parler d’une relation mutuellement bénéfique, mais la Russie ne fera
aucune concession. Pour obtenir cette relation mutuellement bénéfique,
la Russie obtiendra ce qu’elle exige dans ce conflit. Et ce que les
États-Unis obtiennent, ce sont des relations normalisées avec la
Russie qui peuvent être reconstruites. Mais la Russie ne concédera
rien, car elle n’a pas à le faire, elle est en train de gagner. Ils
ont gagné à bien des égards.
Alors oui, je ne vois pas l’Europe. L’Europe vit dans un monde
imaginaire. Et je pense qu’elle est enfin en train de se rendre compte
qu’elle a fait une énorme et horrible erreur à propos de la Russie. Et
en conséquence, leur soumission aux États-Unis depuis des décennies se
retourne contre eux, car nous avons enfin un Président qui s’est rendu
compte que l’Amérique n’a pas besoin de l’Europe. L’Europe est en fait
un frein pour nous, et nous ne retirons rien de cette relation
européenne, rien, rien du tout.
L’Amérique va donc divorcer de l’Europe, et l’Europe va devoir se
débrouiller toute seule. Cela va entraîner une dizaine d’années très
difficiles pour l’Europe qui va essayer de trouver ses propres
marques.
Scott Ritter, ce fut l’un des entretiens géopolitiques les plus
instructifs, les plus provocateurs, les plus pragmatiques et, je dois
le dire, plus novateurs que j’aie entendus récemment. Je vous remercie
de m’avoir accordé votre temps.
Merci de m’avoir reçu. Je vous remercie de m’avoir invité.