OTAN, Russie, Ukraine

Le « plan de paix » de Donald Trump, de la théorie à la pratique

vendredi 13 décembre 2024, par Karel Vereycken

Sur cette question particulière, le président élu semble tenir bon. Donald Trump maintient en effet son intention d’imposer la paix entre l’Ukraine et la Russie. Reste à voir si l’approche choisie donnera un quelconque résultat. Jusqu’ici, à part de grands principes, peu de détails ont été rendus publics du côté américain.

Il y a une semaine, les conseillers de Trump lui ont présenté trois plans pour résoudre le conflit. Deux de ces propositions, dont rien n’a fuité dans la presse, ont été rédigés par J.D. Vance, vice-président, et Richard Grenell, ancien chef du renseignement américain. La troisième émane du lieutenant-général à la retraite Keith Kellogg, dirigeant de l’America First Policy Institute (AFPI).

En mars, Kellogg avait plaidé pour une approche dite de Peace through Strength (« paix par la puissance » ou « paix armée »). Les historiens se rappelleront ici la fameuse phrase du président (impérialiste) américain Theodore Roosevelt, « Speak Softly and Carry a Big Stick » (« parlez avec douceur et portez un gros bâton », ou la diplomatie au gourdin). En juin, Kellogg avait déclaré à Reuters  :

Nous disons aux Ukrainiens : ’Vous devez venir à la table [des négociations], sinon, le soutien des États-Unis se tarira’. Et on dit à Poutine : ’Tu dois venir à la table, sinon, nous donnerons aux Ukrainiens tout ce dont ils ont besoin pour te tuer sur le terrain’.

Restons positif. Notons que les trois propositions concordent sur deux points.

Premièrement, elles renvoient aux calendes grecques l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN sans pour autant l’exclure à très long terme. D’après une source citée par Le Monde, la question n’est pas à l’ordre du jour à Bruxelles. Allemagne, Hongrie et Etats-Unis y sont opposés, contrairement au Royaume-Uni et à la France. Ni Biden, ni Trump n’estiment opportun d’y inviter l’Ukraine. Mais avec le soutien de Paris et de Londres, Zelenski persiste à revendiquer cette adhésion pour que l’Ukraine reste « en position forte pour négocier » un éventuel accord.

Ensuite, les plans américains concordent pour exiger le gel du conflit selon les lignes de front actuelles, impliquant que Kiev renonce à environ 20 % de son territoire, dont la Crimée et tout ou partie des oblasts de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia, Kharkiv, Kherson et Mykolaïv. Une telle concession territoriale, équivalant à une capitulation, sera sans doute trop exiger de Zelenski, dont la retraite anticipée s’annonce.

Enfin, Moscou veille, et on le comprend, à ce que tout cessez-le-feu ne soit pas un simple « gel » des hostilités en vue d’un conflit encore plus dur d’ici peu. Le diable étant dans les détails, plusieurs questions restent ouvertes :

JD Vance, qui, en tant que sénateur, s’est opposé à l’aide à l’Ukraine, a affirmé que l’accord inclurait probablement une zone démilitarisée sur les lignes de front existantes, qui serait « lourdement fortifiée » pour empêcher de nouvelles incursions russes. Pour sa part, Grenell avait suggéré la création de « zones autonomes », sans toutefois expliquer ce que cela impliquerait.

Les conseillers de Trump prévoient d’envoyer sur place des forces chargées de faire respecter le cessez-le-feu. Il pourrait s’agir de troupes mandatées par le Conseil de sécurité de l’ONU, mais Trump, d’après le Wall Street Journal du 13 décembre, souhaite qu’elles soient allemandes, françaises ou européennes… Paradoxalement, « isolationnistes » américains et européistes se retrouvent... Et vue que l’Ukraine est en Europe, ce sera à elle de la défendre et de la reconstruire...

Dans The Atlantic, Eliot A. Cohen suggère qu’on envoie bien plus qu’une poignée d’observateurs :

Pour que ces garanties de sécurité aient un sens, il faudra la présence en Ukraine de troupes nombreuses, prêtes à se battre, et ces forces devront être majoritairement européennes. Une force restreinte destinée à servir de fil conducteur ne suffira pas, mais il faudra plutôt quelque chose de beaucoup plus substantiel – disons, une division polonaise, une division dirigée par la France et une dirigée par le Royaume-Uni, et éventuellement une division turque ou une autre division composite. Au total, il ne s’agirait pas d’une force de quelques milliers d’observateurs, mais de quelque chose de l’ordre de 100 000 hommes, dont les composantes seraient dirigées par les deux puissances nucléaires de l’Europe. Si les États européens peuvent trouver le courage de lever et de déployer ces forces, ils auront une bien meilleure chance d’obtenir des États-Unis des éléments de soutien cruciaux - une défense antimissile balistique, par exemple, ou une puissance aérienne basée dans l’ouest de l’Ukraine. Cela équivaudrait à une garantie proche de celle de l’OTAN, bien que moins formelle.

A Paris, on en parle depuis un moment. Emmanuel Macron, le bon élève, vient d’en discuter avec le Premier ministre polonais Donald Tusk qui lui ne veut pas en entendre parler, du moins pour l’instant.

La Russie acceptera-t-elle une solution qui s’apparente à un gel des hostilités ? Acceptera-t-elle d’avoir à ses frontières 100 000 soldats des pays membres de l’OTAN ? Certainement pas ! Seul un statut de neutralité pour l’Ukraine, comme l’avait proposé en son temps le président français Jacques Chirac, offrirait une véritable solution. Le reste n’est qu’une manœuvre pour gagner du temps et préparer la prochaine guerre. Une paix durable reste à construire.