« Non-artificialisation des terres », pour S&P, c’est non !

lundi 6 mars 2023, par Karel Vereycken

« Non-artificialisation des terres », pour S&P, c’est non !

A la pandémie, à la guerre en Ukraine et à l’explosion des prix s’ajoute désormais une autre catastrophe, l’idéologie d’un écologisme dévoyé et malthusien empêchant notre pays de se relever. Alors que l’heure est à la réindustrialisation, à la relocalisation d’activités industrielles sur nos territoires et donc à des investissements dans les infrastructures de transport (ports, rail, etc.) pour y parvenir, comme jadis le Plan Freycinet avait pu le faire, la France se trouve cadenassée par des législations « vertes » suicidaires.

A titre d’exemple, la loi imposant la « non-artificialisation des terres », dite loi Climat et Résilience, du 22 août 2021. Son objectif, pour les dix ans à venir, est de diviser de moitié la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers, avec en ligne de mire 2031, date à laquelle les collectivités devront réduire l’artificialisation des sols, puis 2050, date à laquelle le « zéro artificialisation nette » devra être appliqué, suivi de... l’interdiction pure et simple de toute construction sur des terrains vierges.

Qu’on fasse des efforts pour réutiliser des terrains déjà artificialisés mais abandonnés suite à des faillites et autres aléas, fort bien. Qu’on fasse de la France un musée qui s’interdit toute expansion d’activités industrielles, agricoles ou de pêche, pour Solidarité & Progrès, c’est non !

Car immédiatement, l’attractivité de notre pays pour des activités économiques tombe à zéro ! A cela s’ajoute que « la France est le seul pays européen à imposer la non-artificialisation des sols. Si on ne peut plus construire d’usines chez nous, le risque, c’est que l’activité parte ailleurs », note Gilles Treuil, le président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Normandie, région où les acteurs économiques montent au créneau afin d’alerter les pouvoirs publics et de sensibiliser les collectivités territoriales. Un livre blanc, réunissant douze propositions, a été remis le 6 février au président de la Région Normandie.

Le monde économique normand, non sans raison, réclame des assouplissements, il veut pouvoir densifier les zones industrielles déjà existantes, mieux valoriser les friches et créer des exceptions pour des projets structurants, comme le développement du port du Havre ou encore la construction de la Ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN), qui sera gourmande en terrains.

Le port du Havre

Un article du Figaro du 20 février 2023 démontre comment cette la loi « zéro artificialisation » entrave drastiquement la modernisation de l’estuaire de la Seine.

Déjà en 2017, sur ce site, nous avions relaté qu’avant même le lancement des travaux pour Port 2000, toute la zone industrialo-portuaire du Havre avait été cadenassée par le décret n° 97-1329 du 30 décembre 1997 signé Lionel Jospin et Dominique Voynet (les mêmes qui ont sabordé Superphénix et annulé le projet du canal de jonction grand gabarit reliant le Rhin au Rhône) faisant de l’ensemble de l’estuaire de la Seine une réserve naturelle au sein de laquelle se retrouve le port…

Le Figaro souligne que la transformation du port du Havre, pour demeurer l’un des ports français les plus compétitifs, « se poursuit au pas de charge ». Depuis la création, en juin 2021, d’Haropa Port, l’établissement public regroupant les ports du Havre, de Rouen et de Paris, les investisseurs ont massivement répondu présents :

Sur le papier, plus de 4 à 5 milliards d’euros pour des investissements en cours - ou à venir - ont déjà été posés ces deux dernières années. Au printemps dernier, par exemple, le groupe chimique américain Eastman a annoncé investir près de 1 milliard d’euros dans une usine dernier cri de recyclage moléculaire du plastique, dans la zone d’Haropa. L’entreprise belge Futerro monte pour sa part une bioraffinerie avec un investissement de 700 millions et 250 emplois à la clé. De son côté, Air Liquide, le géant français des gaz industriels, est engagé dans la construction de deux nouvelles structures dédiées au développement de l’hydrogène vert. Autre annonce d’envergure : en juillet dernier, l’armateur italo-suisse MSC a dévoilé un investissement compris entre 700 millions et 1 milliard d’euros pour faire transiter par le port du Havre 6 millions de containers par an d’ici à 2025, contre 3 millions actuellement. Pour accompagner ce développement, 1200 embauches, dont 900 dockers supplémentaires, sont prévues.

Selon Le Figaro, un accord a même été signé avec la CGT au niveau national pour que ces futurs dockers « s’alignent sur un niveau de productivité comparable à celui de leurs collègues hanséatiques ».

A cela s’ajoute le fait que ce 20 février, après plus de vingt ans de tergiversations, le projet de la « chatière », que nous réclamons depuis longtemps, a reçu le feu vert de la Commission d’enquête publique. Il s’agit de construire enfin l’ouverture et la digue de deux kilomètres permettant l’accès direct des navires fluviaux aux terminaux à conteneurs, maillon essentiel pour fluidifier les échanges entre le port et son hinterland.

Sans foncier, pas de projet

L’aboutissement de cet élan dépend désormais d’une seule chose : disposer de foncier ! « Il faut que les ports français sortent de la loi zéro artificialisation, beaucoup trop contraignante pour le développement stratégique de nouveaux espaces de réindustrialisation, comme, par exemple, dans la vallée de la Seine », a plaidé début février Hervé Morin, président de la région Normandie, auprès de Clément Beaune, le ministre délégué des Transports, en marge d’une discussion à Paris concernant le transport fluvial.

« Sans foncier, pas de projet ! », abonde Stéphane Raison. Et le patron d’Haropa de citer en exemple cette usine de batteries qui, il y a quelques mois, cherchait des terrains près de Rouen et a dû finalement se rabattre sur un pays de l’Est.

Pour nous, la loi zéro artificialisation est une contrainte au moment où l’on va avoir besoin de terrains pour changer de modèle économique, poursuit Stéphane Raison. Le paradoxe, c’est que nous attirons de nouveaux investisseurs qui portent l’économie verte et qui sont appelés à remplacer des industries plus carbonées…

Modestes, les collectivités et les acteurs privés réclament simplement un peu de souplesse. Au cabinet du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, on est pris par un paradoxe à prime abord insoluble : faire des grands travaux pour sauver l’environnement ?

D’après Le Figaro, au niveau du discours, l’idéologie pourrait perdre la manche :

Au ministère, nous considérons les projets portés par les grands ports maritimes comme relevant de grands projets nationaux. Les projets pour Haropa ont donc vocation à être portés au national, explique-t-on. C’est le sens de la PPL [proposition de loi, NDLR] qui devrait être portée prochainement à l’Assemblée par la majorité.

Pour S&P, un pays sans industrie et sans agriculture est un pays sans avenir et l’on doit pouvoir protéger l’environnement dans le cadre d’une « co-construction » intelligente entre l’homme et la nature, car la survie de l’un est inextricablement liée à celle de l’autre.