Le ‘jusqu’au boutisme’ de Kiev : "la Russie doit tout simplement être détruite"

vendredi 9 décembre 2022

Chronique stratégique du 9 décembre 2022 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le 1er décembre, Oleksiy Danilov, qui dirige le Conseil de sécurité nationale à Kiev, a déclaré sans ambage que « La Fédération de Russie doit tout simplement être détruite », qualifiant les Russes de « barbares » et comparant Poutine à Hitler. Des paroles de fou-furieux, dans le contexte où le monde marche sur le fil d’une guerre nucléaire…

Danilov : « Les Russes sont des barbares »

Bien qu’Halloween ait eu lieu il y a maintenant un mois, une assemblée de sorcières s’est réunie le 1er décembre à Kiev lors du « Forum de sécurité de Kiev » (KSF). Intitulé « Tous pour la victoire », ce Forum a été convoqué dans l’objectif de renforcer la « solidarité internationale contre l’ennemi russe ».

Bien entendu, la sous-secrétaire d’État américaine aux affaires politiques Victoria Nuland, qui s’était vantée en 2014 du fait que les États-Unis avaient dépensé 5 milliards de dollars pour renverser le gouvernement élu de l’Ukraine, était l’une des oratrices vedettes. C’est d’ailleurs la « Arseniy Yatsenyuk Open Ukraine Foundation » de Nuland qui a fondé le KSF (on se souvient que Yatsenyuk, qui fut le premier Premier ministre ukrainien de l’après-coup d’État, avait été personnellement sélectionné par Nuland et l’ambassadeur américain Geoffrey Pyatt en février 2014, lors d’une conversation téléphonique devenue célèbre).

Parmi les autres personnalités figuraient la présidente de l’Assemblée parlementaire de l’Otan, Joëlle Garriaud-Maylam (également sénatrice LR), les généraux américains quatre étoiles (à la retraite) David Petraeus et Wesley Clark, le président et directeur général du Conseil atlantique Frederick Kempe, l’ambassadrice du Royaume-Uni en Ukraine Melinda Simmons et le ministre ukrainien de la Défense Oleksiy Reznikov.

Également présent au Forum, le secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense, Oleksiy Danilov, a donné le ton :

la Fédération de Russie doit tout simplement être détruite afin qu’elle cesse d’exister en tant que pays dans ses limites actuelles. (…) Ce ne sont que des barbares. Et quand vous dites que nous devrions nous asseoir à la table avec ces barbares pour parler, je pense généralement que cela est inapproprié.

Danilov a poursuivi en comparant Hitler et Poutine, les qualifiant de « frères jumeaux », et a lancé, à l’intention des Russes :

 Vous, vous êtes la Moscovie qui vivait sur son petit territoire ; vous êtes des voleurs, (…) et vous n’êtes pas du tout dignes que quiconque dans le monde communique avec vous.

Ces propos, qui font écho au narratif du bataillon néonazi Azov, sont typiques d’une pensée oligarchique dans le sens le plus profond et le plus réactionnaire, car ils impliquent de ramener l’Ukraine au Moyen-Âge, à l’époque de la Rus’ de Kiev, qui était basée à Kiev et aussi à Novgorod dans le Nord. Cet empire a été détruit par les Mongols au début du XIIIe siècle, et ce n’est qu’après la défaite des Mongols, environ un siècle plus tard, que le royaume de Moscou a commencé à s’étendre, et à incorporer toute la Rus’ de Kiev. Danilov affirme donc, en substance, que tout ce qui a suivi constitue un vol par Moscou de ce qu’ils considèrent comme la véritable Ukraine, à laquelle il faut revenir.

Évidemment, quand on pense de cette façon – et qu’on le revendique publiquement – au plus haut niveau de l’État Ukrainien, toute résolution pacifique du conflit est très compliquée.

Sortir du piège ami-ennemi

Cette façon de penser est le summum de ce que nous combattons, le contraire du principe même de civilisation, où le dialogue doit primer – dialogue diplomatique entre États pour poser les bases de relations pacifiques, et dialogue culturel entre les peuples – afin d’enterrer les querelles du passé et de se tourner vers l’avenir ; autrement dit, dans les termes du cardinal-philosophe Nicolas de Cues, de « faire coïncider les opposés ».

Car, de fait, l’assimilation de Poutine à Hitler – que la machine politico-médiatique occidentale alimente depuis plusieurs mois – ferme la porte à toutes les options diplomatiques, et n’en laisse plus qu’une seule : le supprimer.

On ne s’étonnera pas d’ailleurs de voir que Danilov, en tant que secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense, pilote également le mal-fameux Centre ukrainien de lutte contre la désinformation (CCD), qui a établi une liste des personnalités internationales à liquider, car accusées de relayer la « propagande russe ». C’est ainsi que des partisans des négociations de paix sont catégorisés en « terroristes de l’information », et doivent être traités comme des criminels de guerre. Les personnes ainsi désignées sont inscrites sur une liste fournie au Bureau de la sécurité d’État de Kiev, le SBU, afin que ce dernier prenne toutes les mesures nécessaires pour s’occuper de ces criminels de guerre.

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Ainsi, lorsqu’Emmanuel Macron a suggéré, le 3 décembre dernier sur TF1, que l’Occident devrait réfléchir à la manière de répondre aux besoins de Moscou en matière de garanties de sécurité pour mettre fin à la guerre en Ukraine (il arrive en effet que la France gaulliste parvienne à se frayer un chemin jusqu’à l’Élysée), Danilov a rejeté dès le lendemain cette idée, affirmant que cela reviendrait à fournir des garanties « à un État terroriste et meurtrier ».

Au lieu de Nuremberg — signer un accord avec [la Russie] et se serrer la main ?, a-t-il tweeté en référence aux procès des criminels de guerre nazis après la Seconde Guerre mondiale, ajoutant : Le sang ukrainien sur les mains de M. Poutine ne gênera pas le business as usual ?

De son côté, Mykhailo Podolyak, le conseiller au cabinet du président ukrainien Zelensky, a déclaré le même jour qu’au lieu de garanties à Moscou, le monde a besoin de garanties de sécurité « contre les intentions barbares de la Russie post-Poutine ».

La réalité est qu’après neuf mois de guerre en Ukraine, et de propagande permanente visant à diaboliser la Russie de Poutine et saboter tout processus de paix, plusieurs dirigeants occidentaux – à l’image de Macron – se réveillent avec la gueule de bois dans un monde au bord d’une guerre nucléaire, et se disent qu’il serait peut-être temps de retourner à la table des négociations.

Une course contre la montre est donc engagée, dans laquelle la clé sera de se libérer une bonne fois pour toutes de la pensée oligarchique réduisant le monde à des relations binaires ami-ennemi.

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