« Kill list » ukrainienne : France TV met les pieds dans le plat

lundi 17 octobre 2022

Chronique stratégique du 17 octobre 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Grâce à nos efforts et à ceux des autres qui nous suivent, un début de prise de conscience semble commencer à se faire jour. Alors que notre pays accroît son soutien militaire au régime de Kiev, un certain nombre de médias commencent à s’inquiéter de la « kill list » du site ukrainien Myrotvorets, à l’image de France Télévision , qui a décidé de déposer une plainte officielle auprès du gouvernement ukrainien et de remettre un rapport au Quai d’Orsay.

Le tabou de la « kill list » de Myrotvorets tombe

Alors que le sujet avait soigneusement été évité jusqu’ici, le service « Check News » du journal Libération, répondant à une question d’un lecteur demandant des éclaircissements sur « la plateforme Myrotvorets, présentée comme la ‘liste noire’ des autorités ukrainiennes », a rédigé le 14 octobre une longue réponse.

Le site Myrotvorets a été créé en 2014 afin de désigner les « ennemis » de l’Ukraine. Il présente des fiches de milliers de personnalités publiques ukrainiennes mais surtout étrangères – en France, François Asselineau, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Ségolène Royal, Eric Zemmour, etc, sont pris pour cibles, mais également Liseron Boudoul et Gilles Parrot, grands reporters de TF1 ayant réalisé un reportage dans le Donbass, ou Alain Barluet du Figaro.

Libération, qui visiblement a pris la peine de vérifier nos propres enquêtes, note que « Myrotvorets revendique comme objectif de lister les ennemis de la nation ukrainienne ». Le site « propose ainsi en libre accès des fiches sur des dizaines de milliers de personnalités ukrainiennes mais aussi et surtout étrangères. On retrouve des notices plus ou moins complètes rangées dans différentes catégories dont ‘traître à la patrie’, ‘mercenaires russes’, ‘criminels de guerre russes’ ou ‘complices’ de ces derniers ».

La plupart des informations contenues sur la plateforme proviennent de données publiques, précise Libération. Et « dans certains cas elles sont aussi le fruit de piratages. Car, derrière Myrotvorets, on trouve entre autres des hackers. Parmi leurs faits d’armes, ils avaient par exemple réussi en 2016 à récupérer la base de données du ministère de l’Intérieur de la ‘République populaire de Donetsk’ ».

Tout en affirmant qu’il serait « abusif » de qualifier cet assemblage de « kill list », puisque le site n’appelle pas au meurtre des personnes fichées, Libération souligne que les attaques mortelles qui les visent ne sont nullement condamnées : « Ainsi, le site barre les photos d’une large mention rouge indiquant ‘liquidé’, pour toutes les personnes de la liste qui ont été tuées, semblant ainsi s’en féliciter ».

Capture d’écran du site Myrotvorets avec des traitres estampillés "liquidés".

Libération cite notamment le cas du journaliste italien Andrea Rocchelli, tué par des tirs de l’armée ukrainienne alors qu’il couvrait la guerre dans le Donbass en 2014, et ajouté à titre posthume sur Myrotvorets.

Vient ensuite une enquête très utile sur le rôle de responsables officiels et des services ukrainiens à l’origine de ce monstre.

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En France, peu importe les positions du gouvernement, le fait que deux reporters de TF1 soient présentés comme coupables de « propagande pour le fascisme russe », tout comme un journaliste de France Télévision « pour lequel un numéro de passeport apparaît », constitue « un sujet sensible pour les médias français ».

Et si TF1 préfère pour l’instant « ne pas faire de commentaires », de son côté, France télévision a fait part à CheckNews de son intention de « s’en plaindre auprès de l’ambassade d’Ukraine à Paris, et faire un signalement auprès du Quai d’Orsay », et se réserve « le droit d’engager des poursuites » pour protéger ses équipes.

Prise de panique, l’ambassade d’Ukraine à Paris a demandé à Libération d’ajouter un paragraphe à la version en ligne de l’article affirmant ne pas avoir à commenter « car Myrotvorets n’a rien à voir avec les autorités ukrainiennes, et encore moins avec l’ambassade ». Elle précise simplement qu’il y a « des procédures judiciaires en cours en Ukraine, notamment du fait de la présence de fiches qui concernent des mineurs » et qu’en « aucun cas les autorités ukrainiennes ne s’appuient sur ce site pour quoi que ce soit » — ce qui est bien sûr un mensonge puisque sa base de données est exploitée et reconnue par les tribunaux ukrainiens.

Anton Gerashchenko devant l’ambassade de France à Kiev en 2016.

Non seulement Myrotvorets sert de source au gouvernement ukrainien ; en 2016, c’est à la demande des services français (!) que le site a fourni les noms et les coordonnées de 7291 « citoyens russes ayant participé à la guerre du dictateur Poutine contre l’Ukraine dans le Donbass et la Crimée ».

C’est en tout cas ce qui est affirmé sur le site Myrotvorets lui-même, comme le souligne une journaliste norvégienne, Eva Thomassen, dans un article en norvégien publié le 16 octobre 2022 sur le site de Pal Steigan, un militant communiste.

L’article de Myrotvorets en question est accompagné d’une photo du député Anton Gerashchenko (adjoint à l’ancien vice-ministre de l’Intérieur Arsen Avakan et actuel responsable de la supervision de Myrotvorets) exhibant une clé USB devant la plaque de l’Ambassade de France à Kiev.

De son côté, le Quai d’Orsay déclare n’avoir « aucun commentaire à faire sur ce sujet », rapporte Libération. Entre livrer des armes à Kiev et protéger les citoyens français, le gouvernement a visiblement fait son choix. Pour l’instant.

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