Vers une renaissance des voies navigables de Serbie

jeudi 25 août 2022, par Karel Vereycken

En 2013, à l’occasion de la Conférence mondiale sur les canaux et les voies navigables qui s’est tenue à Toulouse, nous avons eu le plaisir d’échanger avec l’ingénieur serbe Krsta Paskovic, fondateur et coordinateur principal de l’association Danube Propeller.

Passionné de la voie d’eau, Paskovic plaide ardemment pour la réalisation du « Canal de la Morava », une connexion fluviale de 651 km imaginée à la fin du XIXe siècle, visant à relier le port grec de Thessalonique au grand axe de transport fluvial Rhin-Main-Danube.

Aujourd’hui, parrainé par le ministère serbe du Commerce, du Tourisme et des Télécommunications et avec le soutien bienveillant de l’association Inland Waterways International, Krsta Paskovic a fait paraître un véritable manuel du tourisme fluvial et de son potentiel en Serbie.

Publié en serbe, l’ouvrage vient d’être publié en anglais sous le titre Fundamentals of Nautical Tourism & Potential Development in Serbia. (Commander le livre sur le site de l’IWI)

Pour partager cet enthousiasme, voici la traduction exclusive en français de la préface de l’auteur.

Préface

Histoire de la vie d’un passionné de nautisme

Par Krsta Paskovic

Krsta Paskovic, fondateur et coordinateur principal de l’association Danube Propeller.

Avec ce modeste livre, je voudrais faire découvrir au lecteur une nouvelle branche du tourisme qui n’est pratiquement pas reconnue en Serbie. Le tourisme sur voies navigables s’est développé rapidement depuis les années 1960, mais, à ma connaissance, il n’existe aucun livre en serbe traitant ce secteur spécifique. Conscient que les recherches actuelles sur ce sujet sont très sommaires, j’ai entrepris de rassembler des informations provenant de nombreuses sources ainsi que de ma propre expérience.

Dans la littérature disponible, en particulier dans les pays voisins, le nautisme et la navigation sont généralement traités sans analyser l’élément essentiel qui conditionne l’expérience de navigation. La littérature nautique traite principalement de la navigation sur les mers et les océans, tandis que les rivières, les canaux et les lacs ne sont mentionnés qu’occasionnellement, et avec une attention exagérée pour les marinas et les ports de plaisance. Ces derniers sont bien sûr importants, mais mes recherches, y compris les conversations que j’ai eues avec des marins expérimentés d’une douzaine de pays, montrent qu’en terme d’attrait, cet aspect ne vient qu’en troisième position.

Le facteur principal reste l’attrait de l’espace aquatique lui-même, car sans un espace aquatique adéquat offrant des dimensions suffisantes pour la navigation, il n’y aurait pas de tourisme nautique.

Le deuxième facteur est le bateau, choisi par le propriétaire pour son type d’utilisation préféré : le tourisme nautique se développe parce que les gens possèdent des bateaux.

Enfin, troisième élément, le réseau de marinas et de ports de plaisance, qui sont des pôles touristiques créés en raison de la demande des propriétaires de bateaux.

De nombreux pays aimeraient disposer d’un espace aquatique intérieur pour développer de telles activités, mais la configuration de leur territoire rend la chose impossible.

D’autres, bénéficiant d’une combinaison de richesses naturelles, de ressources en eau et d’un climat favorable, ainsi que d’une approche de qualité des sports et loisirs nautiques, ont développé le tourisme maritime ou côtier, ainsi que le tourisme fluvial sur les rivières, canaux et lacs.

Dans la plupart des pays d’Europe orientale, le tourisme nautique était considéré comme le privilège des riches, et ce n’est qu’à la fin du XXe siècle que cette activité économique a commencé à se démocratiser.

En République de Serbie, on considérait jusqu’à récemment que, puisque notre pays n’a pas de littoral ni d’accès à la mer, le tourisme nautique ne pouvait pas être développé. Les rivières, canaux et lacs de Serbie n’étaient pas reconnus comme une ressource en eau offrant un réel potentiel pour un tourisme de ce type.

C’est pourquoi j’ai entrepris d’écrire ce livre pour expliquer ce qu’est la navigation de plaisance [« l’essence du nautisme » selon la traduction littérale du serbe], puis de me concentrer sur le tourisme fluvial et l’industrie correspondante (construction navale, maintenance, aménagement, propulsion, réparations et services des bateaux).

Le chapitre suivant s’intéresse à toutes les formes de navigation, aux sports nautiques et aux activités de loisirs aquatiques. Ensuite, le potentiel de la Serbie pour le développement du tourisme nautique y est décrit.

L’objectif de ce livre est de considérer les bateaux et le tourisme nautique sous un nouvel angle, principalement comme une activité économique qui pourrait employer des milliers d’habitants de la région danubienne de la Serbie et au-delà. Sur la base de mon analyse détaillée, ayant pris connaissance de l’industrie nautique et des associations de plaisanciers en France, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Italie et aux États-Unis, j’ai réalisé que la Serbie possède également un réel potentiel pour développer cette activité économique.

Un large éventail de professions et de profils d’emploi seraient engagés dans ce domaine :

  • gestionnaires de bateaux (skippers et capitaines), instructeurs pour la navigation et les sports et loisirs nautiques, équipiers et guides touristiques ;
  • ingénieurs et techniciens en mécanique, en électronique et bien d’autres techniciens de service ;
  • aménageurs du territoire, ingénieurs hydrauliques et civils, architectes et ingénieurs en développement durable ;
  • agents de développement touristique, guides et autres.

Au fil des pages, le lecteur pourra se faire une idée de l’immense éventail de possibilités d’emploi qu’offre ce secteur. C’est une leçon que j’ai apprise lors des nombreux salons nautiques auxquels j’ai participé à Gênes, Paris, Londres, Düsseldorf, etc.

Ce livre est principalement destiné aux étudiants des écoles secondaires et supérieures, aux institutions de culture physique, de sports et de loisirs, à la navigation et au transport maritime, au tourisme, au développement urbain et d’autres domaines complémentaires.

Pour tous les lecteurs, il vise à donner un aperçu de la richesse des voies navigables en Serbie. Notre pays peut soutenir une économie du tourisme et des loisirs aquatiques, ajoutant une toute nouvelle dimension à l’offre touristique existant dans de nombreuses régions.

Avant tout, je me réjouis de l’émergence de la région du Danube moyen - la Serbie et les pays voisins - sur le marché mondial du tourisme, avec ses rivières, ses canaux et ses lacs comme l’une de ses caractéristiques déterminantes. Cela implique une planification minutieuse des aménagements le long des berges et des rives, tant dans les zones urbaines que rurales, et de nouvelles façons de traiter les rives dans l’optique de la biodiversité et d’une meilleure qualité de l’eau, de rives propres et bien cultivées, d’une eau propre et non polluée. Ces nouvelles approches nécessitent moins d’investissements (sans utiliser de béton, par exemple).

L’Association des voies navigables intérieures (IWA)

Le Royaume-Uni, qui s’efforce de rapprocher ses canaux et ses rivières de la population anglaise en termes de marketing, a lancé il y a près de 40 ans « Let’s revive the waterways of England », un slogan toujours d’actualité.

Cela signifie que les canaux négligés et abandonnés ont été restaurés et que les fronts de mer des villes sont devenus des endroits attrayants, la pollution des canaux a été arrêtée, et tout cela a été réalisé grâce à la navigation de plaisance intérieure. Le principal avantage de la navigation de plaisance est le développement durable des rivières, des canaux et des lacs.

C’est peut-être cette vision, ce fantasme ou cette illusion, née dans les années 1990, de faire revivre les voies navigables en Serbie, qui m’a poussé à plaider depuis près de 30 ans pour le développement du « tourisme fluvial » comme moyen de valoriser les zones urbaines et rurales de la région serbe du Danube.

Indirectement, le problème des inondations pourrait être réduit, l’ambiance du bassin du Danube serbe serait améliorée et des milliers d’habitants de cette région pourraient trouver un emploi.

Cela pourrait signifier le développement de plusieurs milliers de petites entités commerciales en Serbie, car ce secteur économique repose sur les petites entreprises partout dans le monde. Pour lancer ce développement, il suffit que la République de Serbie reconnaisse ce secteur économique comme un facteur potentiel de bien-être pour ses habitants et lui accorde un statut spécial. Cette question est abordée dans les sections sur le potentiel nautique de la Serbie et sur les observations et commentaires spéciaux.

Enfin, j’aimerais ajouter que les informations présentées dans ce livre ne sont qu’une partie de mes vastes archives sur la navigation de plaisance et le tourisme nautique, que je collecte depuis plus de 30 ans. Si le programme de développement de l’économie et du tourisme nautique se concrétise, je pense que la Serbie changera d’image. Les villes et villages riverains feront preuve d’une nouvelle dynamique, seront mieux structurés et offriront des paysages plus attrayants, ce qui se traduira par une meilleure qualité de vie pour les habitants de la région danubienne de la Serbie.

C’est pourquoi tant d’efforts ont été déployés pour rendre cet ouvrage informatif, éducatif et, espérons-le, inspirant.

Quelques projets de renaissance de la voie fluviale promus par S&P.

Entretien (en EN) avec l’auteur (2013)