Chine et Serbie, ensemble pour le canal de la Morava

dimanche 29 septembre 2013, par Karel Vereycken

Lors de la Conférence mondiale sur les canaux et les voies navigables qui s’est tenue à Toulouse, c’est surtout des pays « sous-développés » qu’est venu l’appel en faveur d’une relance du transport fluvial.

A la conférence mondiale sur les canaux à Toulouse, l’auteur en présence de l’ingénieur serbe Krsta Paskovic (à droite) et le chercheur chinois Xingming Zhong.

Debout devant la carte de son pays, l’ingénieur serbe Krsta Paskovic, fondateur et coordinateur principal de l’association Danube Propeller, plaide ardemment pour la réalisation du « Canal de la Morava », un projet imaginé à la fin du XIXe siècle visant à relier le port grec de Thessalonique au grand axe de transport fluvial Rhin-Main-Danube.

Pour réussir cette jonction de 651 km, il faut aménager la rivière Axios qui traverse la Grèce et la Macédoine (où on la nomme Vardar), ainsi que la rivière Morava en Serbie (voir carte). Enfin, il faut les relier par un canal de jonction.

Le projet fut amplement débattu lors du WCC2009 à Novi Sad, en Serbie, et depuis quelque temps, les élites serbes semblent avoir réussi à convaincre la Chine de leur intérêt dans ce projet qu’ils considèrent désormais comme stratégique. En effet, le canal raccourcirait d’environ 1200 km le trajet entre la mer Egée et l’Europe du nord, ce qui en ferait la route idéale pour les exportations chinoises vers l’UE.

Ainsi, depuis le mois de mai, une délégation d’ingénieurs de la China Gezhouba Group Corporation (CGGC), l’entreprise qui a construit le barrage géant des Trois Gorges, s’est penchée sur la faisabilité technique du projet. Le chef de la délégation, Huang Lin, l’a déclaré réalisable. Pour lui, il s’agit d’un projet « grand et historique », attendu depuis longtemps. Alors que les plans d’il y a cinquante ans prévoyaient pas moins de 58 écluses et 5 ascenseurs fluviaux, on pense que les ingénieurs chinois proposeront de nouvelles solutions. La délégation de CGGC va présenter ses recommandations techniques et espère remporter le contrat.

Côté financement, le président serbe Tomislav Nikolic vient de conclure une visite en Chine, où le sujet fut abordé lors de discussions avec les investisseurs chinois. En 1973, les experts estimaient le coût du projet à quelque 12 milliards de dollars, soit environ le coût du canal Seine-Nord Europe, considéré comme le plus grand chantier d’Europe et abandonné à ce jour suite au sabotage des grandes banques.

Tracé du projet de 651 km d’aménagement fluvial et de canal reliant le Danube en Serbie avec la mer Egée en Grèce.

Electricité et irrigation

Pour la Grèce et la Macédoine, le canal aura d’énormes retombées en termes d’emploi et de stimulation économique. Soulignons que le transport n’est qu’un des multiples avantages. Lors de la présentation du projet au Parlement de Serbie, en juillet, le ministre serbe des Ressources naturelles et des Mines, Milan Bacevic, a précisé que

la construction du canal sur la Morava est une tâche complexe, qui crée les conditions pour la construction de cinq centrales hydroélectriques d’une puissance d’environ 400 MW. Parallèlement, il est prévu de construire un système d’irrigation pour environ 80 000 hectares de terres arables les plus fertiles du bassin de la Morava. Les économies dans le transport seront énormes, car le trafic fluvial est quatre fois moins coûteux que les transports routier et ferroviaire.

Dans un entretien vidéo avec Solidarité & Progrès, M. Paskovic a souligné combien l’Institut Schiller que préside Mme Helga Zepp-LaRouche avait joué un rôle déterminant dans le processus en cours.

Suite aux plans mortifères infligés à la Grèce par la Troïka, visant surtout à sauver les banques européennes, l’Institut Schiller avait publié une brochure présentant son programme : Pour sauver l’Europe et la France, reconstruire l’espace méditerranéen. Comme on y recommandait la réalisation du canal de la Morava, M. Paskovic l’avait envoyée à plus de 500 décideurs, suscitant un vaste débat dans le pays.