Le Sénat français ratifie les provocations de l’OTAN

jeudi 28 juillet 2022

Chronique stratégique du 28 juillet 2022 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Dans un vote qui ferait se retourner le pauvre général De Gaulle dans son tombeau, le Sénat français a ratifié l’adhésion à l’OTAN de la Suède et de la Finlande, sans que cela suscite le moindre débat sur la pertinence de notre propre adhésion à cette organisation et à sa stratégie belliciste plus que jamais emmenée par les Anglo-américains.

Alors que l’on vote en grande pompe une mesure interdisant l’ouverture des portes des magasins climatisés, et que l’on fait tourner l’information en boucle dans les médias, le fait que le Sénat a voté le 21 juillet l’adhésion de la Suède et la Finlande à l’OTAN, avec 323 voix pour et seulement 17 contre (groupe du PCF), est littéralement passé à la rubrique des chiens écrasés.

Ce vote va pourtant à l’encontre de plus de 60 % des électeurs français qui ont accordé leur bulletin, lors des élections présidentielles et législatives, à des candidats qui ont exprimé des critiques vis-à-vis de l’Alliance atlantique, ont appelé la France à la quitter voire même ont demandé sa dissolution. Le sujet fut tellement dans les esprits que l’élection présidentielle a même été qualifiée de « référendum sur l’OTAN ».

Il s’agit donc d’une trahison de la part du Sénat, dans la torpeur de l’été, qu’il ne faut pas laisser passer, alors que l’Assemblée nationale doit à son tour examiner la question et voter le 2 août.

L’OTAN devient globale et s’impose aux États membres. Or le 21/07 le Sénat a ratifié (323 voix contre 17) l’adhésion de la Suède et la Finlande, a écrit Jacques Cheminade sur Twitter. Seuls quelques communistes ont fustigé une ‘procédure expéditive’. Interpellons nos élus pour que le 2/08 l’Assemblée dise non.

La une du numéro de juillet de notre journal Nouvelle solidarité (Abonnez-vous !)

Faisant suite au sommet de l’OTAN fin juin à Madrid, la signature des protocoles d’adhésion par les ambassadeurs des 30 pays membres a ouvert le processus de ratification au siège de l’OTAN à Bruxelles le 5 juillet. Le Canada a été le premier pays à ratifier les deux protocoles d’adhésion le même jour. La signature des protocoles d’adhésion accorde le « statut d’invité » à la Suède et à la Finlande. Pour l’heure, tant que les 30 États membres n’auront pas ratifié leur adhésion, ces deux pays ne bénéficieront pas de la protection de l’article 5 de la Charte de l’OTAN en cas d’attaque.

Toutefois, ces adhésions « répondent à un besoin de sécurité accrue » de ces deux pays, mais elles « constitueront également un gain […] pour la sécurité collective de l’espace européen », a assuré la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Catherine Colonna. Le 21 juillet, dix-huit pays l’avaient déjà ratifié, dont l’Allemagne et la Pologne, a-t-elle précisé.

Reflétant l’aveuglement de l’ensemble de la classe politique française, le sénateur Christian Cambon (LR), qui préside la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, a salué « un événement de portée historique pour l’Europe » : « Du point de vue de l’Otan, il s’agit d’un succès considérable, a-t-il claironné. On est passé en moins de deux ans du constat d’une organisation en quasi mort cérébrale […] à une OTAN attractive et revivifiée. L’adhésion des deux pays dont la neutralité paraissait intangible marque une quasi-résurrection de l’OTAN ».

« Polonisation » de l’Europe

La réalité est que les pays d’Europe de l’Ouest, et en premier lieu l’Allemagne et la France, se laissent inexorablement entraîner dans la stratégie de guerre des faucons anglo-américains, dont les vues coïncident, dans le contexte de la guerre en Ukraine, avec les pays d’Europe de l’Est dans leur volonté de voir disparaître la Russie en tant qu’acteur géopolitique majeur.

« Le but de la guerre doit être d’affaiblir durablement, voire éternellement, la Russie », affirme Pascal Boniface, le fondateur et directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), l’un des rares analystes géopolitiques à oser évoquer cette vérité.

Lech Walesa par exemple, l’ancien Président de Pologne de 1990 à 1995, a suggéré le 8 juillet de « ramener » la Russie à « moins de 50 millions d’habitants » (elle en compte actuellement 144 millions !). De même, comme nous l’avons rapporté dans notre livraison du 4 juillet, le Congrès américain, épousant les visées de la Rand Corporation, a ouvertement évoqué la perspective d’un démembrement de la Fédération de Russie.

La crainte, ce n’est pas pour moi la ‘finlandisation’, mais plutôt la ‘lithuanisation’, ou la ‘polonisation’ de la politique européenne, ajoute Boniface. Laisser les pays les plus durs tenir les rênes, mener le bal au sein de l’union européenne et appeler à un démantèlement ou à une victoire dont la Russie ne se relèverait jamais, ce n’est pas la meilleure façon d’affaiblir Poutine, c’est au contraire la meilleure façon de le renforcer.

A lire aussi

Intermarium : l’inquiétant projet impérial promu par Azov et la Pologne

Cependant, si l’on peut douter comme le directeur de l’IRIS du succès de cette stratégie, il est certain qu’elle n’échouera pas à affaiblir politiquement et économiquement les pays d’Europe occidentale. Les Anglo-américains (et les Européens de l’Est) désireraient-ils autre chose ? D’ailleurs, à quelques jours près, le vote au Sénat a coïncidé avec l’annonce par Gazprom de la réduction de moitié des livraisons de gaz via le gazoduc Nord Stream reliant la Russie à l’Allemagne — dans le genre « je me tire une balle dans le pied »...

Le vote du 2 août à l’Assemblée nous indiquera si oui ou non la « mort cérébrale », qui semble avoir frappé nos sénateurs, a également contaminé nos députés…

Vous venez de lire notre chronique stratégique « Le monde en devenir ». ABONNEZ-VOUS ICI pour la recevoir sans limitation. Vous aurez également accès à TOUS les dossiers de ce site (plus de 400 !)...