Revue de livre

Greta a tué Einstein - La science sacrifiée sur l’autel de l’écologisme

jeudi 18 novembre 2021, par Pierre Bonnefoy

Revue de livre

Greta a tué Einstein - La science sacrifiée sur l’autel de l’écologisme

Jean-Paul Oury
VA Editions
Décembre 2020
184 pages
22€

Greta a tué Einstein - La science sacrifiée sur l’autel de l’écologisme

Par Pierre Bonnefoy.

L’écologisme militant qu’il ne faut pas confondre avec la science de l’écologie, a envahi tous les aspects culturels de notre société au point d’en saper la base qui permet son développement et sa pérennité : la science. La véritable science est une exploration permanente de l’inconnu, et ne peut avancer que dans l’incertitude. L’activité des scientifiques consiste à émettre des hypothèses, à les confronter en débat contradictoire, et à les soumettre à l’épreuve de l’expérience. C’est ainsi qu’ils se rapprochent toujours un peu plus de la vérité sans jamais l’atteindre.

Comme le montre Jean-Paul Oury dans son ouvrage, l’écologisme menace cette activité en voulant imposer ses dogmes, à la manière d’une secte, tout en prétendant par ailleurs défendre la « vérité scientifique ». Le même modus operandi se retrouve dans les différents exemples de campagnes militantes analysées dans son ouvrage, qu’elles soient dirigées contre le nucléaire, les OGM, la 5G, ou les pesticides. Ces campagnes qui n’existeraient pas sans le soutien des médias, reposent essentiellement sur une inversion de la charge de la preuve : dans un procès normal, c’est l’accusation qui doit prouver la culpabilité et non la défense qui doit prouver l’innocence. Or, les écologistes reprochent à ces technologies issues de la science, de ne pas pouvoir prouver qu’elles sont sans danger pour l’être humain et l’environnement – une impossibilité évidente pour quelque activité que ce soit, y compris manger bio. Le « risque zéro » n’existe pas dans ce monde-ci.

Non sans ironie, l’auteur remarque que les mêmes écologistes vantent sans le moindre questionnement possible, les merveilleux avantages de tout ce qui est labellisé « naturel », « bio », « vert », alors que dans de nombreux cas, ces produits ou technologies présentent de graves inconvénients scientifiquement prouvés par ailleurs. Deux poids, deux mesures.

La vision manichéenne de la science ainsi imposée à la société, tue la notion même de débat contradictoire. Si un scientifique défend le nucléaire ou les OGM, il sera cloué au pilori par les militants et les médias comme étant – à tort ou à raison – à la solde des industries concernées. Dès lors le « débat » se focalisera sur les personnes et évacuera les questions de fond.

Sous le feu de toutes ces critiques, beaucoup de scientifiques, d’ingénieurs et d’agriculteurs se trouvent ainsi désarçonnés, ce qui en retour accroît la crédibilité de leurs accusateurs. Malheureusement, certains d’entre eux préfèrent « surfer sur la vague verte » plutôt que de défendre leurs convictions. Comme on l’a souvent vu ces derniers temps, par exemple à l’approche de la COP26, la « peur du changement climatique » représente une aubaine pour beaucoup de défenseurs du nucléaire civil, car elle fait passer au second plan la « peur du nucléaire ».

Dans ce contexte, Oury a la bonne idée de citer au passage le cas de Jean-Marc Jancovici qui, certes, se montre très compétent dans sa défense de l’énergie nucléaire (dense et abondante) contre les énergies intermittentes (panneaux solaires et éoliennes), mais qui joue finalement, tout comme les antinucléaires, sur les mêmes angoisses qu’eux auprès de ses propres disciples. Représentant assumé de l’idéologie malthusienne, à l’instar des théoriciens du Club de Rome qui annonçaient l’épuisement des ressources il y a 50 ans pour avant l’an 2000, Jancovici propose de ne pas trop soigner les personnes âgées à cause du coût que cela représente. Après l’avoir cité sur cette question, Oury commente :

 On ne peut s’empêcher de faire des associations d’idées nauséabondes.

Partant d’une vision fondamentalement anti-humaine, les malthusiens aboutissent fatalement à la conclusion qu’il y aurait un trop plein d’êtres humains sur cette planète. Certains théoriciens s’arrêteront à ce « constat objectif », laissant à d’autres le soin d’en tirer des conséquences politiques…

Pourtant, on sait depuis longtemps que les malthusiens ont eu tort à chaque époque, car la créativité humaine a toujours su découvrir des principes physiques nouveaux et définir ainsi de nouvelles ressources qualitativement supérieures à celles connues précédemment. Si la science progresse, la limitation des ressources du moment peut être surmontée. Si la science ne progresse plus – et c’est bien le sujet de Greta a tué Einstein – alors on peut vraiment s’inquiéter pour les générations futures.

Cependant, Oury ne soutient pas non plus le point de vue des technocrates comme Laurent Alexandre ou Youval-Noah Harari. Là où les écolos considèrent que la nature passe avant l’homme, les technos pensent que l’homme passe avant la nature. Le point commun, c’est que les uns comme les autres opposent l’homme et la nature. Contre cela, Oury soutient l’idée que l’être humain et ses réalisations techniques font partie du développement légitime de la nature, et c’est là la partie la plus intéressante de son livre.

Sans vouloir entrer dans les détails d’un auteur que je n’ai pas encore étudié, je signalerai simplement qu’Oury s’appuie ici sur les travaux d’un philosophe français du XXe siècle peu connu du grand public, Raymond Ruyer. Ce dernier a fait, semble-t-il, une critique très intéressante de la cybernétique de Norbert Wiener dans les années 1950 – non pas de ses applications qui sont utiles, c’est-à-dire les ordinateurs, les systèmes asservis, etc., mais de l’idéologie sous-jacente à cela : Wiener considérait que l’intelligence humaine n’est qu’un mécanisme certes plus complexe, mais pas différent d’un ordinateur. [1]

70 ans plus tard, comme Oury le dénonce, Harari est sur la même ligne idéologique :

Voici le détail de son raisonnement : l’homme est un algorithme ; les calculs algorithmiques restent indifférents aux matériaux des supports qui les constituent ; on a donc toutes les bonnes raisons de penser qu’un jour des algorithmes non organiques seront à même de répliquer, voire, de surpasser les algorithmes organiques.

Tout comme les écolos malthusiens, Harari et Wiener balayent la créativité humaine sous le tapis, car un mécanisme ou un algorithme sont incapables de faire une véritable découverte.
Comment alors échapper à cet avenir de cauchemar dans lequel cherchent à nous piéger les Charybde-écolos et les Sylla-techno ? Ramener dans notre société une véritable culture scientifique pour tous.


[1Je ne peux m’empêcher ici de citer le cas de Lyndon LaRouche qui a démarré ses recherches en économie physique à peu près à la même époque, en réfutant Wiener précisément sur ce point et sur le malthusianisme qui en découle. Par ailleurs, LaRouche insiste beaucoup sur l’importance d’étudier les travaux du Russe Vladimir Vernadski, le découvreur des notions modernes de biosphère et de noosphère. A l’opposé de Malthus, Vernadski montre que la croissance est un phénomène universel dans la nature et que l’activité humaine en est un facteur fondamental.