Afghanistan : point pivot vers l’enfer ou vers la coopération ?

mardi 20 juillet 2021

Chronique stratégique du 20 juillet 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le destin de l’Afghanistan ne tient qu’à un fil, et avec lui, celui de la région et du monde entier. Alors que les troupes de l’Otan se retirent, et que les Talibans progressent partout sur le territoire et menacent de renverser le gouvernement, d’intenses négociations ont cours pour apporter à ce pays le développement économique dont les 20 années de guerre anglo-américaines l’ont privées. Reste à savoir si les Etats-Unis vont suivre les plans impérialistes de divisions géopolitiques, ou s’ils vont faire du développement de l’Afghanistan un « objectif commun », partagé avec la Russie, la Chine et les autres pays de la région.

Deux options

L’Afghanistan est devenu une nouvelle fois le centre de l’attention du monde. Malheureusement, l’immense majorité de la population française – et de la plupart des pays occidentaux –, empêtrée dans les divisions sur les questions sanitaires, n’en perçoit pas les conséquences potentielles, positives ou négatives, non seulement pour la vie des Afghans et des populations d’Asie centrale, mais également pour leur propre vie et celle de leurs enfants.

Car tandis que les armées de l’Otan quittent le pays, le laissant aux prises à une guerre civile entre les Talibans et les forces du gouvernement, la question est de savoir si l’Afghanistan va basculer dans l’enfer du triptyque terreur-guerre-drogue, ou s’il va au contraire devenir un pivot vers un nouveau paradigme de coopération et de développement. La première option aurait un impact dramatique dans le monde entier, compte tenu du fait qu’un Afghanistan déstabilisé continuerait d’être la source de 80% de l’opium mondial et de servir de foyer de recrutement pour Al Qaïda et Daesh. La seconde option – mise de l’avant par l’économiste et homme politique américain Lyndon LaRouche, plusieurs années avant le lancement d’une guerre de 20 ans par l’administration Bush-Cheney – permettrait de faire de l’Afghanistan un carrefour des civilisations au cœur des Nouvelles Routes de la soie.

Le développement économique pour l’Afghanistan

Tandis que sur le terrain les troupes américaines font leurs bagages et que les combats font rage entre les Talibans et les forces du gouvernement, une série de rencontres de haut niveau se sont déroulées la semaine dernière, consacrées à l’urgence d’offrir à l’Afghanistan une véritable perspective de développement économique. Les 13 et 14 juillet s’est tenue à Douchanbé, au Tadjikistan, la réunion du conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Organisation de la coopération de Shanghai (OCS) – qui inclut la Chine, la Russie, l’Inde, le Pakistan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan, ainsi que dix autres pays présents en tant qu’observateurs ou partenaires de dialogue. Les discussions ont porté sur l’idée d’étendre le Corridor économique Chine-Pakistan à l’Afghanistan, tel que cela a été élaboré en février dernier lors d’une réunion entre le Pakistan, l’Afghanistan et l’Ouzbékistan, sous le nom de Corridor économique du Passe de Khyber (voir notre chronique du 8 juillet).

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Ces plans de développement ont également été au cœur de la réunion des 15 et 16 juillet à Tachkent, en Ouzbékistan, intitulée « Connectivité régionale, défis et opportunité pour l’Asie centrale et du Sud », et à laquelle ont participé les dirigeants de l’Afghanistan et du Pakistan, les ministres des Affaires étrangères de la Chine, de la Russie, du Kazakhstan, du Tadjikistan, du Turkménistan, de l’Inde, du Bangladesh, des Maldives, de l’Arabie saoudite, du Koweït et de la Turquie, le Secrétaire général des Nations Unies, ainsi que le Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de Sécurité. Chose notable, une délégation américaine était présente à Tachkent, menée par Elizabeth Sherwood-Randall, la conseillère de Biden sur la sécurité intérieure.

Lors de cette conférence, la Chine a offert aux pays d’Asie centrale et du Sud de forger un partenariat de connectivité régionale plus étroit dans le cadre de l’Initiative la Ceinture et la Route (ICR). « La connectivité a été une quête inlassable de la société humaine depuis les temps anciens et joue un rôle clé dans le développement et la prospérité dans le monde d’aujourd’hui », a déclaré Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères.

Les États-Unis face au choix

Reste une question cruciale : les États-Unis vont-ils se joindre à ces efforts, ou vont-ils une fois de plus suivre les sirènes du parti de la guerre, qui domine l’ensemble du parti démocrate, du parti républicain et des médias, en exploitant le mensonge selon lequel il ne s’agirait que d’une nouvelle tentative de la Chine pour « étendre son empire sur le monde » ?

Un communiqué du Département d’État américain, publié le 16 juillet et annonçant l’établissement d’une nouvelle plate-forme de dialogue quadrilatéral entre les États-Unis, le Pakistan, l’Ouzbékistan et l’Afghanistan, laisse espérer qu’une approche plus saine existe au sein de l’administration : « Reconnaissant l’occasion historique d’ouvrir des routes interrégionales prospères, les parties comptent coopérer afin de développer le commerce, de construire des liaisons de transport et de renforcer les liens économiques ». Précisons que les trois pays impliqués aux côtés des États-Unis sont les trois directement concernés par le corridor économique du Passe du Khyber.

Coïncidence des opposés

Le cas de l’Afghanistan pourrait devenir un exemple concret de « coïncidence des opposés » – le principe élaboré au 15e siècle par le cardinal Nicolas de Cues pour sortir des guerres de religion, et défendu aujourd’hui par Helga Zepp-LaRouche, la présidente-fondatrice de l’Institut Schiller international. En effet, comme l’a dit l’ambassadeur afghan en Chine Javid Ahmad Qaem, cité par le Global Times : « Le seul lieu où [les États-Unis, la Chine et l’Inde] pourraient réellement coopérer, ou du moins où ces rivaux pourraient trouver un point de départ pour une coopération, c’est l’Afghanistan ».

Le développement futur de l’Afghanistan représente une bifurcation dans la route pour l’ensemble de l’humanité, écrit Mme Zepp-LaRouche dans un article publié le 11 juillet. En même temps, c’est une parfaite démonstration de l’opportunité qui réside dans l’application du principe cusain de la Coincidentia Oppositorum, la coïncidence des opposés. En restant au niveau des contradictions dans les intérêts supposés de toutes les nations concernées — Inde-Pakistan, Chine-États-Unis, Iran-Arabie Saoudite, Turquie-Russie — il n’y a pas de solutions. Si, par contre, on considère les intérêts communs de tous — vaincre le terrorisme et le fléau de la drogue, vaincre durablement les dangers des pandémies, mettre fin aux crises des réfugiés — alors la solution est évidente. L’aspect le plus important, cependant, est la question de la voie que nous choisissons en tant qu’humanité — si nous voulons plonger davantage dans une ère sombre, et potentiellement même risquer notre existence en tant qu’espèce, ou si nous voulons façonner ensemble un siècle véritablement humain. En Afghanistan, cela est vrai plus que partout ailleurs dans le monde : Le nouveau nom de la paix est le développement !

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