Corée du Nord, Iran : un jeu de poker britannique sur un baril de poudre américain

mardi 16 juillet 2019

Chronique stratégique du 16 juillet 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le monde navigue entre deux eaux. Grâce aux rencontres bilatérales qui se sont déroulées en marge du G20, fin juin à Osaka, le dialogue et les négociations ont été rouverts entre d’un côté les États-Unis et de l’autre la Chine, la Russie et la Corée du Nord, et le potentiel pour aller en direction de la paix est sans doute plus fort que jamais. Mais aucun accord concret n’a été scellé pour l’instant, et les provocations contre l’Iran se poursuivent, laissant planer la menace des « canons d’août », comme l’avait mis en garde John F. Kennedy en son temps.

Corée : Vers un gel des sanctions ?

Le 11 juillet à Berlin a eu lieu la rencontre entre le représentant spécial de la Corée du Sud pour la sécurité de la péninsule, Lee Do-hoon, et son homologue américain Stephen Biegun, avec pour objectif affiché d’aboutir à « la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne », et d’« établir une paix durable ».

Le même jour, en s’appuyant sur « une source proche de la Maison-Blanche », l’agence de presse officielle sud-coréenne, Yohnap News, a rapporté que l’administration Trump serait prête à suspendre les sanctions pesant sur les exportations nord-coréennes de charbon et de textile, en échange de la fermeture totale du site nucléaire de Yongbyon et le gel complet de son programme nucléaire. Les dérogations aux sanctions pourraient s’étendre sur une durée de 12 à 18 mois, et être renouvelées si la Corée du Nord respecte l’accord.

Il serait également envisagé de signer enfin un traité de paix mettant fin à la guerre de Corée, restée latente depuis plus de soixante ans, et d’ouvrir un bureau de liaison entre Washington et Pyongyang en Corée du Nord, ce qui représenterait un pas considérable vers la réouverture du pays au monde.

Dans un article publié sur le site The National Interest, le journaliste Daniel DePetris écrit : « Ce sera certes difficile, mais un accord ‘gel pour gel’ tel que le rapporte Yohnap aurait beaucoup d’avantages – le plus vital étant d’injecter un peu de vie dans le processus diplomatique que le président Trump a contribué à relancer avec son voyage dans la zone démilitarisée en juin ».

Russie-États-Unis : reprise du dialogue stratégique

Du 16 au 18 juillet à Genève, les deux principales puissances nucléaires mondiales tiendront des pourparlers autour de la sécurité stratégique. La sous-secrétaire d’État américaine Andrea Thompson et son homologue russe Sergei Ryabkov, s’entretiendront sur le traité START (réduction des armes stratégiques), qui expire en février 2021, et sur la mise en place d’une structure de dialogue permettant de traiter directement ces deux questions entre les deux pays.

Il est plus que temps car le dialogue sur les armes stratégiques est effectivement rompu depuis l’administration Obama et, comme l’ont fait remarquer les dirigeants russes, avec la dégradation « d’heure en heure » des relations entre les deux pays, le monde se trouve à la veille d’une nouvelle crise des missiles de Cuba.

La bataille fait rage au sein de l’administration, car les faucons ne cachent pas leur volonté d’empêcher toute possibilité d’accord. Le 18 juin dernier, dans le Washington Free Beacon, le Conseiller à la sécurité nationale John Bolton avait en effet affirmé : « Aucune décision n’a été prise, et je pense que c’est peu probable ». Bolton avait alors expliqué que la plupart des sénateurs républicains ayant voté pour le renouvellement du traité START en 2010 s’y opposent, principalement en raison du fait que l’accord ne prévoit aucune limite pour les armes tactiques et les armes nucléaires non-stratégiques.

Londres veille sur la guerre permanente

Dans cette situation d’entre-deux, où le dialogue stratégique est rétabli, mais sans qu’aucun accord n’a encore été concrétisé pour ancrer la détente dans des bases solides, les forces va-t-en-guerre poursuivent leurs efforts.

En la matière, il faut souligner le fait que les Britanniques – qui préfèrent habituellement rester sagement derrière le rideau et laisser les Américains prendre les devants – n’hésitent plus à jouer ouvertement les provocations.

Rappelons, comme nous l’avons vu dans notre précédente chronique, que l’ambassadeur Kim Darroch, par ailleurs avide à contrôler Trump, avait mis en garde, dans l’une de ses notes confidentielles qui lui ont valu de perdre son poste d’ambassadeur à Washington, que le président Trump, à la prochaine provocation contre l’Iran, pourrait cette fois-ci ne pas stopper l’offensive militaire au dernier moment, comme il l’a fait le 20 juin dernier.

C’est ainsi que les Britanniques ont saisi le tanker iranien Grace 1, le 4 juillet au détroit de Gibraltar, en prétextant que celui-ci avait pour destination la Syrie. Puis, le 10 juillet, comme l’ont rapporté le blog Moon of Alabama et CNN, ils ont orchestré ce qui apparaît comme une provocation évidente dans le détroit d’Ormuz. Le tanker pétrolier British Heritage, qui naviguait sans aucune cargaison à son bord, escorté par le HMS Montrose, le seul navire militaire déployé dans le golfe par la Grande-Bretagne, a coupé durant 24h ses transpondeurs, obligeant les autorités iraniennes d’intervenir. Mais il semble bien que Téhéran n’est pas tombé dans le piège, ce qui explique sans doute pourquoi Jeremy Hunt, le Secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, a ensuite ordonné la restitution du tanker Grace 1 aux Iraniens en échange d’un engagement de ne plus fournir du pétrole à la Syrie.

Il est clair que de nouvelles provocations surviendront, risquant à chaque fois de déclencher une escalade sans aucun retour possible. C’est pourquoi il est urgent de mettre en lumière le rôle des Britanniques – dans les attaques chimiques sous faux drapeau en Syrie, la suppression du rapport de l’Organisation internationale sur les armes chimiques, l’empoisonnement de l’ancien agent russe Sergueï Skripal, et surtout l’opération du « Russiagate » contre Donald Trump – afin de pousser les États-Unis à s’extraire du piège de la « relation spéciale » anglo-américaine, qui a permis à l’oligarchie financière de Londres et de Wall Street, de maintenir le monde dans un état de guerre permanente, ce depuis plus de soixante ans.

Dans la prochaine chronique, nous reviendrons justement sur le facteur britannique dans la confrontation des États-Unis en Syrie et en Iran.

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