G20, Trump : ce qu’il s’est vraiment passé

mardi 2 juillet 2019

Chronique stratégique du 2 juillet 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Après deux semaines passées sous la menace d’une escalade vers la guerre, ce que l’on peut dire du sommet du G20, qui vient de se terminer à Osaka, au Japon, c’est que le pire a été évité, mais que rien de bon n’a été décidé.

Le G20 dans son format actuel ne permet pas de prendre les grands enjeux par les cornes. Bien au contraire. Pour preuve, le communiqué officiel du sommet conclut sur le consensus des dirigeants demandant aux banques centrales de reprendre et/ou de poursuivre leur politique de renflouement des méga-banques, dont les effets en dix ans ont été d’atrophier la croissance et de créer les conditions pour un nouveau krach financier !

L’essentiel du sommet s’est déroulé en marge, avec les multiples rencontres bilatérales, dont celles du président américain avec le président russe (qui a eu lieu malgré les provocations contre l’Iran et les révélations du New York Times sur les programmes de cyberattaques du Pentagone contre la Russie) ainsi qu’avec le président chinois et le président japonais. Le RIC, format trilatéral comptant la Russie, l’Inde et la Chine, s’est également réuni, ainsi que les BRICS.

L’autre point très positif est bien entendu la rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un dans la zone démilitarisée entre les deux Corées, à Panmunjom. Par cette rencontre historique – pour la première fois, un président américain a foulé le sol nord-coréen –, il semble bien que Trump a repris la main dans le dossier nord-coréen, renouant avec l’esprit de Singapour, plutôt que celui de Hanoï, le sommet qui avait été saboté par le secrétaire d’État Mike Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale John Bolton (défenseur invétéré du « modèle libyen » pour la Corée du Nord). A Panmunjom, l’absence de ce dernier, envoyé en Mongolie, et la présence du présentateur de Fox News Tucker Carlson, anti-interventionniste, ont d’ailleurs été très remarquées.

Long dialogue stratégique entre Trump et Poutine

Les présidents américain et russe se sont parlés durant 80 minutes, au lieu de 60. À l’issue de la rencontre, Poutine a invité Trump à Moscou pour le 75e anniversaire du jour de la Victoire, le 9 mai 2020 – invitation reçue positivement par le président américain. Et lorsqu’un journaliste a demandé à ce dernier s’il dirait à la Russie de ne pas s’ingérer dans les prochaines élections américaines, Trump a répondu : « Oui, bien sûr, je vais le faire ». Puis, se tournant vers Poutine en pointant son doigt : « Ne vous ingérez pas dans l’élection, Président. Ne vous ingérez pas dans l’élection ». Poutine a bien rit ; les médias, un peu moins.

La presse française y perd son Nord, à l’instar du Journal du dimanche, qui souligne que « Trump joue la carte russe » pour résoudre la crise en Iran. « Donald Trump a emprunté une drôle de diagonale à Osaka, (…) en pariant sur un rôle plus visible du Kremlin dans cette crise ».

Le fait important de cette entrevue est que le dialogue est rétabli entre les deux principales puissances nucléaires, en vue d’assurer à l’avenir une réduction des armes et une stabilité stratégique. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a rapporté que les deux présidents ont souligné la nécessité d’éviter de prendre des initiatives pouvant provoquer une nouvelle course aux armements.

Lavrov a également affirmé que Moscou est prêt à coopérer avec les États-Unis sur la stabilité stratégique dans la mesure où les États-Unis seront également prêts pour une telle coopération. « Ils ont abordé les enjeux de la Syrie, de l’Ukraine, de l’Iran, a expliqué le ministre. L’Iran a été considéré dans le contexte de la situation actuelle autour du Plan d’action global conjoint sur le programme nucléaire iranien et de ce qui se passe actuellement dans le golfe d’Oman. La situation est compliquée, mais les présidents ont tous deux confirmé leur volonté de trouver un moyen diplomatique pour en sortir ».

Lors de son interview sur Rossiya-24, Donald Trump a dit à propos de Poutine : « C’est un type sympa, je le pense. Nous avons eu un excellent meeting. (…) Nos deux pays, la Russie et les États-Unis, doivent échanger l’un avec l’autre. La rencontre d’hier était très bien. C’est un homme extraordinaire ». De son côté, pendant sa conférence de presse, Poutine a affirmé que lui et Trump avaient demandé à leurs diplomates d’ouvrir des pourparlers sur le renouvellement du traité START de contrôle des armes nucléaires.

Rencontre entre Xi et Trump – reprise des négociations

Par deux fois au cours du sommet, les présidents américain et chinois se sont rencontrés — le vendredi soir pour un dîner et le samedi pour leur entrevue elle-même. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les faucons anti-chinois de l’administration américaine – en particulier Robert Lighthizer et Peter Navarro – ont été battus en brèche. Et si aucun accord commercial n’a été conclu, Xi et Trump se sont accordés sur l’idée qu’il fallait relancer les négociations.

« Une vérité de base demeure inchangée, a dit Xi. La Chine et les États-Unis bénéficient tous deux de la coopération et perdent tous deux dans la confrontation. La coopération et le dialogue valent mieux que la friction et la confrontation ». Trump a ensuite annoncé que pour l’instant les États-Unis ne retireront pas les taxes douanières, mais que lui et Xi étaient d’accords pour rouvrir les négociations commerciales. En outre, le président américain a assuré qu’il ne mettra pas à exécution sa menace de taxer les 350 milliards de biens chinois importés qui n’étaient pas encore visés par les tarifs douaniers.

Chose notable, Trump a estimé que la Chine et les États-Unis pouvaient être des « partenaires stratégiques » plutôt que des compétiteurs. De plus, lors de sa conférence de presse, il a déclaré que les entreprises américaines allaient finalement pouvoir vendre leurs équipements de télécommunication à Huawei, tant que cela ne mettra pas en danger la sécurité nationale américaine. Il a néanmoins remis à plus tard la décision de placer ou non Huawei sur la liste noire du département du Commerce, ajoutant qu’une rencontre aura lieu le 2 juillet à ce sujet.

Perspectives

Les développements de ces dernières semaines, et en particulier de ce G20, démontrent plus que jamais que l’avenir de l’humanité se jouera au niveau des dirigeants des nations, selon qu’ils parviendront ou non à nouer le dialogue, en vue d’une entente et d’une coopération, en dehors des protocoles formels des sommets internationaux et de l’influence néfastes des « conseillers ».

Comme nous le défendons ici, les Nouvelles Routes de la soie constituent, contrairement à ce qu’en dit la propagande des médias occidentaux, une plate-forme autour de laquelle toutes les nations du monde pourront se retrouver, en laissant les couteaux au vestiaire, pour envisager ensemble les « objectifs communs de l’humanité ».

Lors de son discours officiel au sommet du G20, Xi Jinping a justement réaffirmé cette idée, disant que l’Initiative de la Ceinture et la Route (ICR) est « ouverte à tous pour réaliser un développement partagé ». Comme le rapporte l’agence de presse Xinhua, Xi a invité l’ensemble des parties « à participer à l’ICR et à œuvrer ensemble afin de faire grossir le gâteau et de garantir des bénéfices mutuels ».

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