États-Unis : les « anciens » de l’establishment s’activent contre la guerre

vendredi 19 avril 2019

La bataille se poursuit de plus belle outre-Atlantique pour sortir Donald Trump des griffes des faucons qui ont fait leur nid au sein de l’administration.

A la veille de l’ouverture des enquêtes visant à identifier l’origine exacte du vaste guet-apens politico-médiatique du « Russiagate » — qui ne manqueront pas de mettre en lumière une véritable tentative de coup d’État contre la présidence — les va-t-en-guerre font feu de tous bois pour provoquer une escalade.

Le secrétaire d’État Mike Pompeo, un illuminé « évangélique » de la pire espèce, se trouve actuellement en Amérique latine pour alimenter le ferment en faveur d’une intervention militaire au Venezuela. A la frontière colombienne, il s’est mis à imiter Ronald Reagan dans son célèbre discours « Abattez ce mur », et a multiplié les menaces contre Cuba et la Russie, qui soutiennent le gouvernement Maduro de Caracas.

Mardi, pour la deuxième fois, le président américain a opposé son véto à une résolution bipartisane du Congrès qui l’exhortait à cesser tout soutien à la coalition saoudienne dans sa guerre au Yémen, et qui a été votée au début du mois dans les deux chambres. Les sénateurs et députés défendant ce texte ont ouvertement exprimé leur frustration de ne pouvoir rencontrer Trump en personne, qu’ils estiment être « une colombe ». Le Président, constatent-ils, subit l’influence de Pompeo et de John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale, sur cette question. Persuadés de pouvoir le convaincre en l’absence de ces deux oiseaux de mauvais augure, ils avaient demandé à pouvoir s’entretenir directement avec le président, en vain.

Pendant ce temps, plusieurs « dinosaures » de la politique américaine tentent de freiner des quatre fers la logique belliqueuse actuelle. L’ancien secrétaire d’État George Schultz, l’ancien sénateur Sam Nunn et l’ancien secrétaire à la Défense William Perry, ont publié le 11 avril une tribune dans le Wall Street Journal, appelant à « un changement audacieux de politique » afin de sortir les États-Unis et la Russie d’ « une dangereuse paralysie politique pouvant mener — par erreur ou par mauvais calcul — à une confrontation militaire avec l’utilisation potentielle d’armes nucléaires pour la première fois depuis 74 ans ».

Bien qu’ils n’apportent aucune porte de sortie à la division Est-Ouest du monde (qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer en leur temps, soit dit en passant), leur intervention a le mérite de rappeler la nécessité impérieuse de rétablir un dialogue stratégique entre les deux principales puissances nucléaires. En effet, ce dialogue est actuellement rompu, et ce depuis l’administration Obama.

Jimmy Carter et les infrastructures

D’un autre côté, le magazine Newsweek du 12 avril rapporte que l’ancien président Jimmy Carter a eu samedi une conversation téléphonique avec le président Trump. Ce dernier a de lui-même souhaité l’appeler afin de lui faire part de ses inquiétudes à propos de l’émergence de la Chine, et du fait qu’elle surpasse les États-Unis dans un nombre croissant de domaines. « Je n’ai personnellement pas peur, a déclaré Carter devant une audience en Géorgie, mais cela dérange le président, et je ne sais pas pourquoi ».

L’ancien président, qui avait normalisé les relations entre Washington et Beijing en 1979, a souligné que la croissance fulgurante de la Chine a été facilitée par les investissements significatifs qu’elle a soutenus, ainsi que par sa politique pacifique. « Depuis 1979, savez-vous combien de fois la Chine a été en guerre contre quiconque ? a-t-il demandé. Zéro ». De leur côté, en 242 ans d’existence, les États-Unis n’ont connu que 16 ans de paix, ce qui en fait « la nation la plus guerrière de l’histoire mondiale ».

En Chine, les bénéfices de la paix sautent aux yeux : alors que ce pays a construit 30 000 kilomètres de train à grande vitesse, les États-Unis « ont dépensé 3000 milliards de dollars dans le militaire. Cela dépasse l’imagination. La Chine n’a pas dépensé un seul centime pour la guerre, et c’est pour cela qu’ils nous devancent presque en tous points ».

« Et je pense que si nous investissions ces 3000 milliards dans les infrastructures américaines, a ajouté Carter, non seulement nous aurions probablement 2000 milliards de bénéfices, mais nous aurions des TGV, nos ponts ne s’effondreraient pas et nos routes seraient en bon état. Notre système d’éducation serait aussi bon qu’en Corée du Sud ou à Hong-Kong ».

Des paroles très sages qu’il n’est pas trop tard de mettre en pratique.

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