Russophobie : le retour de Goebbels ?

mercredi 10 avril 2019

Le climat général est à la guerre. Les provocations se multiplient contre la Russie, le Venezuela, l’Iran, la Chine. Et à force de jouer à la « guerre froide », le danger qu’elle devienne chaude est bien réelle. Cette logique est d’autant plus nourrie par les diverses campagnes électorales qui se déroulent en ce moment, et où la surenchère tient bien souvent lieu d’argument électoral, comme on a pu le voir en Israël. Par le passé, on espérait que nos politiques tiennent leurs promesses, aujourd’hui, c’est le contraire. Vu ce qu’ils annoncent, espérons qu’il ne s’agira que d’effets d’annonce…

Rappelons que Jacques Cheminade, lors de la dernière campagne présidentielle, reprenant l’image de Jaurès, avait souligné le fait que l’effondrement du système financier « porte en lui la guerre comme les nuées portent l’orage ». Aujourd’hui, la menace d’un nouveau krach est ouvertement évoquée, avec de nombreuses couvertures de presse – « Et si les banques craquaient à nouveau ? » titre par exemple le magazine L’Express. Plusieurs analystes ont même repris l’expression de « tsunami financier » utilisée par Cheminade lors du débat de BFMTV du 4 avril 2017 entre les onze candidats. Ce qui est ahurissant – et dangereux –, c’est que personne n’en parle dans le « débat » des élections européennes. Les différents acteurs présents sur la scène ressemblent davantage à des somnambules marchant comme des marionnettes mortes vers l’abîme.

Guerre psychologique

Emblématique du type d’extrémités auxquelles les milieux au pouvoir sont prêts à se livrer, la deuxième chaîne allemande ZDF vient de soumettre ses téléspectateurs à une opération de guerre psychologique en bonne et due forme.

Samedi, lors du Journal télévisé diffusé en prime time, le présentateur phare Claus Kleber a déclaré que « l’armée américaine et ses alliés d’Allemagne et d’autres pays se dirigent vers l’Estonie pour en chasser des unités de forces armées russes qui y ont pénétré comme il y a quelques années en Crimée ».

Kleber a immédiatement précisé : « Ce n’est pas vrai. C’est une vision, mais une vision tout à fait réaliste. C’est ainsi que l’OTAN devrait répondre à une attaque contre le territoire de ses États membres ». Et de déplorer la faiblesse actuelle de l’OTAN à cause des membres non disposés à s’engager dans une guerre contre la Russie pour défendre les États baltes, par exemple.

S’agirait-il d’un avertissement à l’encontre du gouvernement allemand, de la part de ses « amis » anglo-américains ? En tous cas, les déclarations critiques vis-à-vis de Berlin n’ont pas manqué la semaine dernière, lors du sommet de l’OTAN à Washington…

La ZDF a déjà diffusé plusieurs documentaires provocateurs concernant la Russie ; elle a même été prise la main dans le sac d’une fausse information sur un homme se présentant comme un volontaire du Donbass, et qui a avoué ensuite que les événements présentés dans le document avaient été mis en scène. Notons également que la chaîne Arte a diffusé hier soir un documentaire en trois parties intitulé « KGB – le sabre et le bouclier ».

Le lendemain, Claus Kleber, qui revendique un nouveau genre intitulé le « fake news réaliste », en a remis une couche, commençant son journal sur un ton dramatique : « Bonsoir, nous devons parler de guerre. Car nous sommes en guerre, même si vous ne vous en rendez pas forcément compte. Les guerres modernes ne se font plus avec des chars et des bombes. Ils sont capables de subvertir la société, le débat public et les processus de décision des autres puissances de manière à les faire céder. Du Brexit à la présidentielle américaine, en passant par les élections en Europe, il y a des signes évidents que l’agent russe est intervenu. Les recherches menées par la ZDF, Spiegel, la BBC et d’autres montrent comment les efforts de Moscou se concentrent sur l’Allemagne, soutenus notamment par l’essor de l’AfD [Alternative für Deutschland, le parti d’extrême-droite] ».

Les responsables russes ont immédiatement dénoncé une « propagande scandaleuse et haineuse ». « La Russie n’a pas envahi l’Estonie. Et elle ne l’envahira pas. Et comme la Russie n’a pas de projets agressifs, il est nécessaire de les inventer. C’est la signification même de cette provocation informationnelle sur la chaîne ZDF », a écrit le sénateur russe Alexeï Pouchkov sur son compte Twitter.

Un pas supplémentaire vers un affrontement avec l’Iran

De l’autre côté de l’Atlantique, la Maison-Blanche a publié lundi 8 avril un communiqué accusant le régime iranien d’être « responsable d’une campagne globale en faveur du terrorisme » et affirmant que l’administration a placé le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI) sur sa liste noire des organisations terroristes étrangères. Cette décision est sans précédent : pour la première fois, les États-Unis qualifient de terroriste une institution gouvernementale. Rappelons que le CGRI – fort de ses 125 000 membres – est un élément central du régime iranien, et qu’il contrôle l’ensemble des leviers militaires et stratégiques, ainsi que des pans entiers de l’économie iranienne.

Signe que le gouvernement américain est très divisé sur la question, Brian Hook, le représentant spécial du Département d’État pour l’Iran, a écrit une tribune dans le New York Times appelant paradoxalement à la reprise des négociations irano-américaines. « Les peuples iranien et américain devraient avoir des relations diplomatiques. Dans ces conditions nous pouvons même envisager une nouvelle ambassade américaine à Téhéran qui délivrerait des visas pour les touristes, les commerçants et les enseignants iraniens », écrit-il. Des déclarations d’autant plus significatives qu’il y a seulement une semaine, le même Brian Hook accusait, sans aucune preuve, l’Iran d’être impliqué dans la mort d’au moins 680 militaires américains en Irak.

Ripostant à la Maison-Blanche, le président iranien Hassan Rohani a accusé à son tour les États-Unis d’être « à la tête du terrorisme international » ; dès lundi, le Conseil suprême de la sécurité nationale a annoncé que l’Iran « reconnai[ssait] le régime des États-Unis d’Amérique comme État soutien du terrorisme et le United States Central Command [responsable des opérations militaires au Moyen-Orient, ndlr] comme un groupe terroriste ».

Netanyahou échappe à la prison

Cette décision de l’administration américaine doit bien entendu être située dans le contexte des élections législatives israéliennes, où un Netanyahou affaibli par les enquêtes pour corruption a tout fait pour se maintenir au pouvoir pour échapper à la prison.

L’intimidation des électeurs et des irrégularités manifestes entachent le résultat de l’élection israélienne, notamment l’emploi de 1200 caméras cachées pour surveiller les Israéliens arabes, c’est-à-dire quelque 17,5 % de la population israélienne.

Sous la pression des évangélistes américains les plus fous, Donald Trump, qui compte sur Netanyahou comme allié indéfectible dans la région, lui a systématiquement apporté son soutien, en déplaçant l’ambassade américaine à Jérusalem (une violation flagrante du droit international et de la charte de l’ONU), puis en reconnaissant la souveraineté territoriale d’Israël sur le plateau du Golan. Et Netanyahou menace aujourd’hui d’étendre la souveraineté israélienne sur toute la Cisjordanie.

En Europe, alors que l’on crie à hue et à dia contre le populisme des Orban, Salvini et autres Le Pen, peu de « bien-pensants » se sont émus de la dérive populiste et nationaliste de l’État hébreu, dont le célèbre historien israélien Zeev Sternhell déplorait dans une tribune publiée en février 2018 par Le Monde « un racisme proche du nazisme à ses débuts ».