VNF, Canal Seine Nord : le gouvernement coule le transport fluvial

mercredi 13 février 2019, par Karel Vereycken

A ce jour, et cela a de quoi inquiéter, aucune décision claire n’a été prise pour définir par quel mécanisme précis et pérenne l’Etat compte apporter sa part au financement du grand chantier du Canal Seine-Nord Europe (CSNE).

Au point où, le 15 janvier 2019, dans le Courrier Picard, le député UDI Stéphane Demilly, infatigable militant pour la réalisation de ce projet, après avoir été reçu à l’Elysée par le conseiller du président Antoine Pellion, s’est senti obligé de rappeler que les déclarations d’intention ne suffisent pas :

« Aujourd’hui, je ne pose qu’une seule question : l’État veut-il oui ou non de ce projet de Canal Seine-Nord Europe ? Si la réponse est oui, il est urgent de passer de la parole aux actes. Nous ne voulons plus simplement des mots, nous attendons des preuves concrètes, gravées dans le marbre ».

Un financement éternellement presque bouclé

Après plus de 25 ans d’hésitations, des progrès notables ont pourtant été réalisés pour mobiliser les 4,4 milliards d’euros nécessaires :

  • L’Union européenne a fini par accepter un financement à hauteur de 42 % du coût total, c’est a dire, presque 2 milliards d’euros.
  • Les collectivités territoriales, essentiellement les départements qui composent les Hauts de France (Aisne, Nord, Pas de Calais, Somme, Oise) et l’Ile de France, ont mis 1 milliard dans le projet ;
  • La Société de Projet, créée pour l’occasion, s’endettera pour 700 millions d’euros, un emprunt qui sera remboursé par des recettes dédiées visant à favoriser le report modal.

Absent dans l’équation : le milliard d’euros manquant que l’Etat a promis vouloir engager pour le projet. L’argent fait défaut et tout endettement supplémentaire enclenche immédiatement une procédure de Bruxelles pour dépassement de déficit.

A cela s’ajoute qu’avec la contestation des Gilets jaunes, le pouvoir, nous l’espérons, est bien obligé de se rendre à l’évidence qu’il ne peut plus indéfiniment chercher l’argent dans les poches des classes moyennes et modestes.

Encore une taxe ?

Faute de ce fameux « crédit productif public » que défend S&P, cela n’a pas empêché Gérald Darmanin, partisan du projet, d’évoquer au début du mois de janvier une taxation des espaces de bureaux, de nouveau, comme une piste pour financer l’emprunt de l’État, sur le modèle de la taxe retenue pour la réalisation du Grand Paris. Or il ne s’agit que d’une simple hypothèse, quand les autres acteurs du dossier attendent du concret.

De plus, pour Franck Dhersin, vice-président de la région Hauts-de-France, « il est hors de question que cette ’ressource nouvelle’ soit adossée à une assiette locale puisque Seine-Nord est un projet d’intérêt national et européen ». En clair, et on la comprend, la région refuse de payer une troisième fois ! Elle a contribué au premier milliard et, après avoir constaté que l’Etat s’y refusait, elle s’est portée caution pour l’emprunt de 700 millions d’euros.

En principe, c’est fin mars, suite au débat et au vote du Sénat de la Loi sur les mobilités que l’on saura ce qu’il adviendra de ce projet.

La colère gronde dans le monde du fluvial

En attendant, la décision de l’Etat de ne pas accorder la rallonge budgétaire souhaitée par Voies Navigables de France (VNF) en dit long sur la politique gouvernementale à combattre.

Intitulé L’Etat coule le transport fluvial, le site Reporterre rapporte le 4 février :

Le gouvernement avait prévu d’augmenter le budget alloué à la gestion des voies navigables pour les moderniser et les développer. Il a fait machine arrière, pénalisant un mode de transport déjà en difficulté.

C’est la première fois que le vote annuel du budget de Voies navigables de France (VNF, cet établissement public à caractère administratif gère et exploite le réseau fluvial français) soulève une telle tempête.

Tous les membres du conseil d’administration, parmi lesquels Transport et logistique de France (TLF, la première organisation professionnelle représentative des métiers du transport) et France Nature Environnement, s’opposent farouchement à l’État.

Au point d’avoir tous signé le 20 décembre un communiqué de presse intitulé ’Les voies navigables lâchées par le gouvernement’. Une manifestation de colère inédite dans le petit monde du transport fluvial.

Pourquoi cette bronca ? Lors du débat sur le transport fluvial, qui s’est tenu au Sénat le 5 juin 2018, la ministre des Transports, Élisabeth Borne, s’était engagée à octroyer à VNF une rallonge de 33 millions d’euros pour 2019. Cette somme devait s’ajouter aux 80 millions d’euros déjà alloués par l’Agence de financement des infrastructures de transport (AFITF) pour entretenir, moderniser et développer le réseau.

Mais les Gilets jaunes sont passés par là et l’État a fait passer à la trappe ce complément budgétaire quelques jours seulement avant le vote du budget. ’VNF ne pourra pas mener toutes les opérations nécessaires à la modernisation du réseau et à l’amélioration des conditions de navigation’, déplore Christine Morel, présidente de la commission fluviale de Transport et logistique de France.

Le budget a finalement été adopté mais sans le soutien des représentants des milieux économiques. Une première, là encore, dans un monde où prédomine le consensus. (...)

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