Canal Seine-Nord Europe (SNE), la lettre ouverte de S&P aux élus

samedi 16 septembre 2017, par Karel Vereycken

Enfin une bonne nouvelle ! Cette fois-ci, on ne discute pas du sexe des anges. Vous êtes en effet nombreux à vous mobiliser pour un vrai sujet engageant l’avenir des Français et de l’Europe : la mise en chantier rapide du grand projet du Canal Seine-Nord Europe (SNE), un des projets que S&P défend depuis longtemps comme une composante essentielle d’une dynamique d’ensemble.

Victime d’une « pause » dans les grands projets décrétée par le ministère de Bercy (ou le gouvernement), la construction du canal est à l’arrêt à cause de l’Etat qui refuse d’avancer les derniers 776 millions nécessaires au projet, alors que l’UE et les régions ont déjà réuni le reste de la somme qui s’élève à un total de 4,7 milliards d’euros.

Pour débloquer la situation, sur proposition de Xavier Bertrand, les collectivités s’apprêtent à faire un geste décisif supplémentaire en proposant de garantir l’emprunt de la somme manquante, répondant à l’argument dilatoire du premier ministre Edouard Philippe pour lequel le financement n’était pas « bouclé ».

De plus, les régions et départements accepteraient aussi d’avancer à la place de l’Etat les fonds pour le lancement des travaux, donnant ainsi un répit budgétaire au gouvernement, à condition bien sûr que l’Etat garantisse qu’il contribuera bien à hauteur d’un milliard d’euros au final. La dépense échapperait donc aux griffes des critères de Maastricht, une crainte de moins pour le pauvre Macron qui négocie dur avec nos partenaires européens.

En échange, fort de cet engagement financier sans précédent dans ce type de grandes infrastructures, les régions et départements demandent que l’Etat leur cède la barre de la société de construction et de gestion du canal.

Si l’initiative des collectivités a le mérite de pouvoir débloquer la situation dans l’immédiat, plusieurs réflexions s’imposent :

  1. La France a besoin d’un nouveau « plan Freycinet », c’est-à-dire d’un plan « inter-modal » d’ensemble visant à moderniser, à l’ère du numérique, l’ensemble de ses infrastructures portuaires, ferroviaires et fluviales. Ce n’est donc pas faire « ou » le canal grand gabarit Seine Nord « ou » un plan Marshall pour le port du Havre, mais les deux et tout le reste derrière !
  2. Ce qui vous, et nous arrive, c’est-à-dire une situation où l’Etat français se retrouve dans l’incapacité de libérer des ressources nécessaires pour l’avenir de notre pays doit nous amener à refonder d’urgence un système financier devenu moribond. Alors que la BCE injecte chaque mois des dizaines de milliards d’euros en prolongeant de façon artificielle la vie de banques spéculatives en état de mort clinique, nos Etats se trouvent garrotés par une UE doctrinaire et austéritaire. Alors qu’on envisage de dépenser 6,6 milliards de l’argent public pour les JO de 2024, on rechigne à débloquer les 776 millions pour un projet infrastructurel qui, dans la durée, créera bien plus d’emplois et de richesses que les JO à court terme.
  3. Pour en sortir, des mesures d’assainissement s’imposent. S&P les défend depuis longtemps : annulation de certaines dettes illégitimes, séparation stricte des banques et retour à des formes de crédit productif public deviennent aujourd’hui le cœur des priorités.
  4. Le moment est venu de multiplier les coopérations interétatiques avec les fonds souverains, notamment chinois. Dans le cadre de la politique de Nouvelles Routes de la soie (Une ceinture, une route), la Chine est disposée à investir dans nos infrastructures, à nous d’en définir, avec elle, les modalités.
  5. Si l’on ne dote pas de toute urgence nos Etats des moyens pour faire le bien commun au service de l’ensemble de leurs citoyens, les Etats seront de plus en plus condamnés à subir des forces centrifuges. Car les régions et les populations les plus dynamiques, avant tout pour survivre à ce qui leur arrive, prendront de plus en plus leur propre destin en main.