Cher Président Trump : voulez-vous un Glass-Steagall ou un nouveau krach ?

mercredi 14 juin 2017

Les militants de l’économiste américain Lyndon LaRouche en action, ici à Wall Street.
LPAC
L’économiste et auteure Nomi Prins.

Auteur et journaliste, Nomi Prins est une ancienne directrice de Goldman Sachs qui a également travaillé pour Bear Stearns, Lehman Brothers et Chase Manhattan Bank. Inutile de préciser qu’elle connaît le monde de la finance de l’intérieur. Pendant des années, elle s’est entretenue avec des hauts responsables de la Fed, du FMI, de la Banque mondiale et de nombreux responsables gouvernementaux du monde entier. Voici son article paru le 8 juin 2017 sur le site Truthout et traduit de l’anglais par nos soins.

En fin d’article, nous avons posté la vidéo de l’entretien de Mme Prins avec nos alliés du Comité d’action politique de l’économiste américain Lyndon LaRouche, dans lequel elle exprime sa conviction, qu’à défaut des réformes très énergiques, un vaste tsunami financier viendra provoquer un effondrement sans précédent du système.

Donald, écoutez-moi. Peu importe ce que vous avez fait jusqu’ici, peu importe les embrouilles que vous avez provoquées, il y a un truc que vous pourriez faire pour vous rattraper. Ce serait un truc géant ! Hyper-méga-top ! Cela pourrait changer pour de vrai notre monde en mieux ! Cela pourrait nous sauver tous de la catastrophe économique ! Et cela n’est même pas dur ou compliqué à faire. En fait, c’est simple. Il s’agit de rétablir la loi Glass-Steagall. J’explique.

Dans votre vie sentimentale, si vous rompez avec quelqu’un, (à part les complications émotionnelles), c’est tout compte fait assez simple. Vous n’êtes tout simplement plus ensemble. Dans le monde de la régulation financière, c’est pareil. C’est comme installer un feu rouge sur un carrefour dangereux afin d’éviter des morts. En 1933, lorsque la loi Glass-Steagall fut adoptée, cela a aidé à découper les grandes banques de l’époque et pour de bonnes raisons : elles portaient une lourde responsabilité dans la pire des dépressions économiques que notre pays a dû confronter.

Certaines divisions de ces banques ont perdu le droit de coexister avec d’autres. La loi séparait d’une part les parties des banques qui faisaient des paris en créant et en vendant des titres à haut risque, et de l’autre les parties qui collectaient des dépôts et émettaient des crédits. En clair, cela garantissait que la banque d’affaires (investment bank) ne cohabitait plus avec la banque commerciale. En d’autres termes, cela séparait les banquiers joueurs compulsifs de ceux qui voulaient couver des oeufs dans un nid à l’abri de tout danger. C’était donc la simplicité même.

Après 1933, les joueurs et les épargnants ont frayé séparément chacun leur chemin, ce qui a fait le bonheur de l’économie et le système financier pendant presque sept décennies. Ensuite, les élus, les lobbyistes, les banquiers et les régulateurs ont cherché, à coups de ciseau et de marteau, à abattre le mur séparant ces deux types de banques.

En novembre 1999, le Président Bill Clinton a apposé sa signature sur la loi Gramm-Leach-Bliley qui a abrogé radicalement la Loi Glass-Steagall. Le mariage abusif entre parieurs et épargnants était de nouveau consommé.

Et qui ne se rappelle pas du résultat : la crise financière de 2007-2008 qui a conduit, avec l’argent du contribuable, à des renflouements, des subsides, des prêts et des règlements à l’amiable.

Tout comme le krach boursier d’octobre 1929 avait été catalysé par la création, dans l’ombre, de trusts douteux remplis de titres douteux, cette crise a été « fabriquée » par les grandes banques à l’origine de titres complexes bourrés d’hypothèques immobilières de bas de gamme et d’autres prêts vendus partout dans le monde.

En 2010, sous le mandat d’Obama, la Loi Dodd-Frank a été adoptée. La loi cherchait à limiter la marge de manœuvre des grandes banques dans la vente des titres les plus risqués. Par l’inclusion de ce qu’on appelle la « règle Volcker », la Loi Dodd-Frank interdisait la vente de certains titres (bien que la loi comprenne de nombreux moyens pour y déroger). Ce que cela ne faisait pas, c’était de séparer de nouveau les grandes banques. Cela signifiait qu’un autre 1933 se faisait attendre.

Venait alors l’étrange campagne présidentielle de 2016 où, assez bizarrement, les démocrates et les républicains se découvraient d’accord sur un sujet majeur : le système bancaire. Des personnalités clés des deux parties s’accordaient pour dire qu’il était temps de rompre les liaisons dangereuses entre banques d’affaires et banques commerciales. La mesure phare de la campagne de Bernie Sanders était la séparation bancaire – idem pour Trump. En octobre 2016, lors d’un rallye de campagne à Charlotte, en Caroline du Nord, Trump déclarait même :

Il est temps qu’on adopte un Glass-Steagall du XXIe siècle.

La plateforme électorale officielle des Démocrates ne disait rien d’autre :

Les banques ne doivent pas pouvoir parier avec les dépôts des contribuables ou exposer le citoyen ordinaire à des risques inconsidérés. Les démocrates soutiennent une palette d’actions visant à empêcher cela, y compris l’adoption d’une nouvelle version du Glass-Steagall Act, révisée et actualisée, ainsi que le fait de scinder les banques ‘trop grosses pour faire faillite’ représentant une menace systémique pour la stabilité de notre économie.

La plateforme électorale des Républicains était encore plus cash :

Nous soutenons le rétablissement de la Loi Glass-Steagall de 1933 qui interdit les banques commerciales de se livrer à des activités de placements à haut risque.

On n’y mentionne même pas la nécessité de « moderniser » la loi ou élaborer une version « du XXIe siècle » pour être aussi efficace aujourd’hui que la version originale.

En d’autres termes, pour la première fois depuis son abrogation, le rétablissement de la Loi Glass-Steagall bénéficie d’un soutien bipartisan. On ne peut pas rêver d’une situation plus simple, non ? Deux partis, une idée : couper les banques en deux. Cependant, comme vous l’avez sans doute pressenti, l’affaire se complique.

La scission à la mode républicaine

Dans la nouvelle administration, deux personnages clés offrent des points de vue très différents de ce que pourrait être une résurrection de Glass-Steagall. Lors des auditions au Sénat précédant sa nomination, l’ancien associé de Goldman Sachs Steven Mnuchin, choisi par Trump pour devenir son secrétaire au Trésor, a dû répondre à la sénatrice démocrate de Washington Maria Cantwell. Elle lui a demandé directement :

Etes vous favorable au retour à Glass-Steagall ?

Mnuchin a répondu :

Je ne soutiens pas le retour à Glass-Steagall en tant que tel. Ce dont nous avons parlé avec le Président élu c’est que nous aurons peut-être besoin d’un Glass-Steagall du XXIe siècle. Donc, non, je ne soutiens pas l’idée qu’on doit revenir à une très vieille loi et y adhérer telle qu’elle était.

Cantwell a continué à l’interroger :

Et donc, s’agit-il là de la position qu’on trouve dans la plateforme républicaine ? Je pensais que c’était Glass-Steagall ?

A quoi Mnuchin a répondu :

Je répète : la plateforme républicaine a adopté le Glass-Steagall à la convention du parti et (…) lorsqu’on en a parlé avec le président-élu, nous avons convenu que nous avons besoin d’un Glass-Steagall du XXIe siècle.

Le secrétaire au Trésor américain, Steven Mnuchin n’aime pas le vieux Glass-Steagall car cela n’aide pas les banques à obtenir des liquidités...

L’épaisseur du scepticisme dans la salle était à couper au couteau. Voici un homme qui avait empoché de jolis profits avec la crise financière de 2007-2008 en vendant à prix cassés la banque Indy Mac aux milliardaires des hedge funds.

Ensuite, il a évincé une partie de ses locataires et engrangé 2,5 milliards de dollars de profit en vendant ses avoirs. Pourquoi un tel individu voudrait soudainement limiter l’activité bancaire avec un Glass-Steagall, alors qu’il a pu s’en mettre plein les fouilles avec l’argent du contribuable et ce grâce à l’absence de régulation ?

Pourquoi faire un truc pareil puisque, comme venait de le démontrer l’histoire, lors d’une crise le gouvernement est obligé de passer à la caisse ?

Son seul problème, c’est que la plateforme républicaine affirme qu’il doit l’adopter.

Le mois dernier, témoignant devant la Commission bancaire du Sénat et interpellé par la sénatrice Elizabeth Warren, Mnuchin a reculé encore plus :

Le président a dit que nous soutenons un ‘Glass-Steagall du XXIe siècle’, cela veut dire que nous pensons que cette loi a des aspects que nous trouvons justifiés. Cependant, nous n’avons jamais dit que nous soutenons une séparation pleine et entière entre banques commerciales et banques d’affaires.

Warren, incrédule, est alors repassée à la charge :

Dites moi alors ce que signifie Glass-Steagall du XXIe siècle si cela ne signifie pas scinder ces deux parties. C’est une question facile.

Ce a quoi Mnuchin a répliqué :

C’est en réalité une question compliquée. On n’a jamais dit qu’on était favorable à Glass-Steagall. On a dit qu’on était favorable à un Glass-Steagall du XXIe siècle. On n’aurait pas pu être plus clair.

Ce qui, évidemment, n’aurait pas pu être plus trouble.

Enfin, il y a l’autre homme de Goldman Sachs, Gary Cohn, nommé par Trump à la tête du Conseil économique national. Cohn avait un discours assez différent devant la sénatrice Warren. Selon Bloomberg News, Cohn a soutenu qu’il est « favorable à ce que les banques comme Goldman Sachs se concentrent sur l’émission de titres, alors que des banques comme Citigroup devraient se concentrer sur les prêts. » De prime abord, cela sonne comme une séparation bancaire.

Les propos divergeants et l’attitude qui reste à préciser de l’Administration Trump sur la question du Glass-Steagall, pourraient, lors d’une nouvelle crise financière, venir nous hanter lorsque cela se traduira par des renflouements bancaires et faillites systémiques.

Le dilemme des démocrates

Comme devant la difficulté proverbiale de mâcher du chewing-gum et de marcher en même temps, certains démocrates sont tétanisés à l’idée de soutenir Dodd-Frank et un nouveau Glass-Steagall.

Beaucoup d’entre-eux ont prétexté qu’aucune grande banque n’a sombré, ce qui n’est dû qu’aux soutiens que les banques ont reçus des Etats pour rester solvables. Conséquemment, ils ont évité toute responsabilité dans l’abrogation de Glass-Steagall qui a permis dès le début la naissance des mégabanques trop grosses pour sombrer.

Ce même raisonnement leur permet également de faire l’impasse sur la façon dont les grandes banques ont prêté ou financé les banques d’affaires qui ont sombré, telles que mes anciens employeurs, Bear Stearns et Lehman Brothers. Sans ce financement, ces entités n’auraient jamais pu se procurer les tonnes de titres toxiques qui, à la fin, ont provoqué l’implosion de tout le système.

Le Président Obama a résumé cette approche lorsqu’il a déclaré au magazine Rolling Stone en 2012 :

J’ai regardé plusieurs articles de Rolling Stone disant ‘Ceci n’est pas allé assez loin. On n’a pas rétabli le Glass-Steagall’ etc., et j’ai très fortement poussé mes conseillers économiques sur quelques unes de ces questions. Cependant, il n’existe aucune preuve qu’avec Glass-Steagall en place cela aurait changé d’une quelconque manière la dynamique. Lehman Brothers n’était pas une banque commerciale, c’était une banque d’affaires. [L’assureur] AIG n’était pas une banque opérant avec la garantie du FDIC [Fond américain des dépôts] ; c’était un assureur. Donc le problème du secteur financier d’aujourd’hui ne peut pas se résoudre en imposant des modèles inventés dans les années 1930.

Il avait sans doute besoin d’une équipe plus avisée...

Hillary Clinton nous a chanté la même chanson et cela a pu contribuer à sa défaite fracassante. La promotion de tels sophismes n’annonce rien de bon pour l’avenir si le parti continu à défendre cette analyse. Le retour à un système plus sûr serait par contre plus populiste, et surtout plus populaire.

Le passé bipartisan de Glass-Steagall

La bonne nouvelle, c’est que des propositions de projet de loi ont été introduites au Congrès. Elles visent a promouvoir la stabilité à long terme du système financier en rétablissant pour de vrai la Loi Glass-Steagall. House Resolution (HR) 790 est une des deux propositions déposées à la Chambre des représentants. Le projet est porté par la démocrate Marcy Kaptur et le républicain Walter Jones. 50 députés des deux partis en sont les co-sponsors. Le texte de la deuxième proposition de loi, HR 2585, promue par le démocrate Mike Capuana, est identique au texte introduit au Sénat (S.881) par la sénatrice démocrate Elizabeth Warren et neuf collègues dont le républicain John McCain, la démocrate Maria Cantwell et l’indépendant Angus King. Chaque proposition de loi, si elle est adoptée, ferait la même chose : scinder les banques.

Afin de comprendre pourquoi l’adoption d’une telle loi est si cruciale, voici une anecdote historique.

La Loi Glass-Steagall, en réalité un chapitre de la Loi bancaire de 1933, a été adoptée et signée par le Président Franklin Roosevelt en 1933. C’était le fruit d’un effort bipartisan et était même – ce qui n’est pas si surprenant que ça vu le caractère dévastateur du krach de 1929 et la grande dépression qui s’en suivit – activement promu par certains des banquiers les plus puissants de Wall Street. En effet, durant les soixante six ans pendant lesquels la loi était de mise, celle-ci a empêché de façon efficace les effondrements bancaires et économiques.

La Commission Pecora

Article de Vanity Fair : lorsque Washington se payait Wall Street. A gauche : le procureur Ferdinand Pecora.

Déjà, avant l’inauguration du premier mandat de Roosevelt, les Républicains avaient lancé au Congrès une enquête sur les pratiques bancaires. Début 1933, lorsque Roosevelt se prépare à entrer en fonction avec un nouveau Sénat démocrate, le président de la Commission sénatoriale sur les affaires bancaires et la monnaie, le républicain Peter Norbeck, a embauché Ferdinand Pecora, l’ancien Attorney adjoint du district de New York.

Les auditions de « la Commission Pecora » ont permis de mettre en lumière les manipulations financières menées par des banquiers sans scrupule qui nous avaient conduit au krach boursier de 1929. Elles ont également fourni au président Roosevelt le soutien populaire décisif pour la mise en œuvre des plus importantes réformes financières jamais entreprises en Amérique. Tout aussi cruciale fut la façon dont les dirigeants bancaires eux-mêmes se sont alignés sur le nouveau programme de Roosevelt. La fidélité à la nation semblait alors passer avant la fidélité aux profits bancaires, y compris à Wall Street (une attitude qui n’a visiblement pas franchi le passage au nouveau siècle).

Par exemple, deux jours après son entrée en fonction, Roosevelt invita le nouveau PDG de la National City Bank James Perkins à la Maison-Blanche pour une rencontre discrète. Le lendemain, sous la direction de Perkins, le conseil d’administration de la banque vota une résolution séparant ses activités de marché des activités commerciales. Le grand patron de la Chase National Bank, Winthrop Aldrich, un des plus grands financiers de l’époque, a fait de même. (Ce n’était pas n’était un sursaut tout en douceur et de raison car la banque était convaincue que cette mesure allait réduire la puissance de sa grande concurrente, la banque JP Morgan…)

Trois jours après la rencontre entre Perkins et Roosevelt à la Maison-Blanche, le point de vue d’Aldrich était étalé sur la première page du New York Times. Le quotidien annonça que la Chase National Bank et la Chase Securities Corporation devenaient des entités séparées, mettant en pratique les principes de la loi avant qu’elle ne fut adoptée. Tout n’était pas simple : la Chase Securities Corporation était la plus grande entité de ce type au niveau mondial, mais cela a été fait.

Aldrich a ensuite participé à la Maison-Blanche à une série de réunions privées avec le président sur la nouvelle loi. Sans le soutien d’Aldrich et Perkins, il est fort probable que la loi n’aurait jamais été votée. Après tout, une version bien plus molle, n’avait jamais pu passer au Congrès sous Herbert Hoover.

Le Glass-Steagall Act a également mis en place le Fonds fédéral de garantie des dépôts (FDIC) pour garantir l’épargne et les dépôts des citoyens. Cela mettait les banques commerciales devant un choix : soit elles collectaient des dépôts et elles ne pouvaient pas spéculer avec l’argent des déposants. Soit elles voulaient spéculer et le faisaient avec leur argent propre. Il y aurait beaucoup à dire sur cette façon de protéger les Américains qui travaillent durement.

Lorsque les murs ont commencé à tomber

Dans les années 1980, les murs séparant la banque commerciale de la banque d’affaires, ont commencé à s’effondrer.

La dérégulation du secteur financier qui s’ensuivit fut autant bipartisane que l’adoption de Glass-Steagall. En 1982, sous la présidence du républicain Ronald Reagan, le Congrès fit passer le Garn-St.Germain Act qui dérégulait le type d’investissement que pouvait faire les Banques de crédit et d’épargne (Savings and Loan Banks) en les autorisant à s’engager sur le marché de l’immobilier à risque. Ceci aggrava la crise du secteur jusqu’à son plongeon à la fin des années 1980. En 1989, plus de mille banques S&L sombrèrent. Coût total de la crise : environ 160 milliards de dollars dont 132 provenant des poches des contribuables. Et celles qui fabriquaient les titres S&L à haut risque tendaient à être les grandes banques.

(…)

Suite à cela, les banques commerciales ont commencé à investir dans les fonds de performance (hedge funds), dont la raison d’être est de parier sur des titres, des actions et des matières premières. En 1998, signe précurseur de ce qui allait venir, un grand fonds de ce type, le Long Term Capital Management (LTCM) a rendu l’âme et a failli entraîner dans sa chute tout le système financier. Cinquante-cinq banques commerciales avaient investi les capitaux de leurs déposants dans les paris du LTCM. C’est essentiellement grâce à une réunion de crise entre les PDG des grandes banques et la Réserve fédérale qu’un effondrement beaucoup plus vaste a pu être évité, mais parce que le Glass-Steagall était toujours en place, ils ont dû, pour se tirer d’affaire, se débrouiller par eux-mêmes. Aucun renflouement gouvernemental n’était envisagé.

Le Président Bill Clinton abrogeant la Loi Glass-Steagall en 1999. Le premier sur la gauche c’est Larry Summers qui deviendra le conseiller économique principale d’Obama, le deuxième, c’est Alan Greenspan, après une belle carrière chez JP Morgan, à la tête de la Réserve fédérale, un syndic de banquiers faisant office de Banque centrale.

Après avoir passé à deux doigts du désastre, Wall Street s’est enfoncé encore plus dans la dérégulation financière. En 1999, la Loi Glass-Steagall elle-même fut abrogée.

Le 21 décembre 2000, le Congrès a adopté la Commodity Futures Modernization Act qui dérégule la vente des produits financiers dérivés. Les grandes banques commerciales ont alors fusionné avec les banques d’affaires, les compagnies d’assurance et les cabinets de courtage.

En 2007, les actifs des grandes banques avaient triplé. Les quatre plus grandes banques, Bank of America, JP Morgan Chase, Citigroup et Wells Fargo contrôlaient, et contrôlent encore, plus de la moitié des actifs du système bancaire.

A l’automne 2007, ce système a commencé à prendre l’eau en raison des problèmes de Citigroup, et non pas à cause des banques d’affaires qui n’auraient pas été protégées sous Glass-Steagall. La catastrophe qui a frappé Citigroup démontre clairement à quel point l’abrogation de cette loi est cruciale pour l’effondrement qui surviendra. Citigroup a « nécessité » un renflouement de 45 milliards de dollars avec l’argent du contribuable, 340 milliards en garanties sur titres et 2000 milliards de dollars en prêts de la Réserve fédérale entre l’automne 2007 et 2010. Rien que cela fut ahurissant et Citigroup n’était pas une exception.

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Ben Bernanke, le patron de la Fed, dira plus tard qu’en 2008, 11 des 12 plus grandes banques commerciales étaient insolvables et ont dû être renflouées. Tout le système bancaire était pourri jusqu’à la moelle : l’accumulation de mauvais papiers, les effets de levier très élevés et les paris spéculatifs (les dérivés), c’est-à-dire tout ce qui rendait le désastre inévitable, peut être identifié comme le résultat direct de l’abrogation du Glass-Steagall.

Aujourd’hui une nouvelle bulle enfle. Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’hypothèques subprime au cœur d’une crise bancaire bourgeonnante , mais des 51 000 milliards de dette d’entreprise (corporate) que représentent les obligations, les prêts et les dérivés qui s’y rattachent.

L’agence de notation S&P Global Ratings prévoit que cette section de la dette pourra atteindre les 75 000 milliards de dollars en 2020 et que les défauts commencent à se manifester à un rythme qui s’emballe.

En profitant de l’émission de ces titres à court terme et du courtage de cette dette d’entreprise, les banques propagent un risque encore plus grand.

L’explosion de cette bulle fera apparaître la crise des subprime de 2007 comme un pique-nique.

Que fera le Président ?

Du coté positif, il existe une alliance bipartisane de plus en plus forte au sein et en dehors du Congrès pour le rétablissement de Glass-Steagall. Un consensus de plus en plus large va de l’AFL-CIO jusqu’au très libertarien Institut Von Mises ; au Sénat de John McCain jusqu’à Elizabeth Wazrren et Maria Cantwell et dans la Chambre des représentants des républicains comme Walter Jones et Mike Coffman aux démocrates Marcy Kaptur, Bernie Sander et Tulsi Gabbard. En fait, justement cette semaine, Kaptur et Jones ont annoncé la présentation à la Chambre d’un amendement à la Financial Choise Act, ce qui représente en réalité la première tentative de faire renaître le Glass-Steagall depuis son abrogation.

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Donc, Donald, voici la question : vous, l’homme qui durant ces dernières semaines est allé embrasser des autocrates moyen-orientaux, qui a chamboulé les relations avec des alliés clé de l’OTAN et qui, au grand étonnement du monde entier, a retiré les Etats-Unis de l’accord sur le Climat de Paris, quelle est votre position ?

Depuis que vous occupez votre poste, vous avez en quelques mois fait de la Maison-Blanche le comptoir de vos affaires familiales.

Cependant, lorsqu’il s’agit du bien-être financier de nous autres, que comptez-vous faire ?

Allez-vous, dans les faits, nous protéger d’un futur nouvel effondrement du système financier ? Cela ne serait pas difficile, et vous étiez assez clair sur cela lors de votre campagne électorale, mais est-ce que cela compte encore pour vous aujourd’hui ? J’ai remarqué récemment que, lorsqu’on vous a posé la question sur la scission bancaire dans un entretien avec Bloomberg News, vous avez répondu :

Je suis actuellement en train d’examiner la chose. Il y a des gens qui veulent retourner à l’ancien système, n’est-ce pas ? On va regarder cela.

Votre parti et les gens que vous avez nommés sont divisés sur le sujet. De quel côté serez vous ? Vous pouvez encore vous engager à sécuriser le bien-être financier de notre nation pour les générations à venir. Vous pouvez vous engager pour Glass-Steagall. La question est : le ferez-vous ?