Pourquoi il faut annuler la Réforme du Collège 2016

vendredi 19 février 2016, par Maëlle Mercier

Reuters

Le 26 janvier dernier, les enseignants étaient dans la rue. Sourde aux multiples protestations qui ne faiblissent pas depuis 2015 (22 à 50 % des professeurs étaient en grève), la Ministre recourt de plus en plus à l’autoritarisme pour imposer son agenda. Au point que la mobilisation ne s’éteint pas : on apprend par exemple que ce mercredi 17 février, une petite cinquantaine d’enseignants manifestaient devant la préfecture de Seine et Marne à Melun ; et qu’une autre est attendue le 13 mars à Fontainebleau.

Conditions de travail et salaires qui se détériorent, « burn-outs », désertion de la profession (donc abaissement tragique du niveau de recrutement), banalisation de la violence, dégringolade de la France en 20e place dans le classement PISA [1], augmentation de l’illettrisme : il y a de quoi être en colère !

Pourtant, cette fois c’est le contenu qui coince. En cause surtout, la réforme des collèges prévue pour septembre. Les EPI d’abord, Enseignements pratiques interdisciplinaires de 3 heures hebdomadaires, axés autour d’une thématique commune, mais qui empiéteront sur les heures consacrées aux disciplines traditionnelles. Déjà en grande difficulté pour boucler les programmes vu l’effondrement du niveau des élèves, les professeurs y voient le risque de se concurrencer pour récupérer leurs heures. L’autonomie (ou la libéralisation ?) des établissements ensuite : désormais 20 % du temps d’enseignement sera à géométrie variable, déterminé par le chef d’établissement. Enfin, suppression des classes bilangues en province, tout en les gardant à Paris et fin, de fait, des « options » latin et grec, car ces langues seront noyées dans le fourre-tout des EPI en tant que « langues et cultures de l’Antiquité » ! Quoi de surprenant quand l’université voit disparaître sa licence Lettres classiques ?

Déjà un coup d’œil sur le projet de réforme de programmes suffisait à cerner l’enjeu : abandon de l’essentiel de la géométrie plane et spatiale et de l’histoire littéraire, bradage de la grammaire, etc. Bref, virons tout ce qui ne développe pas une « compétence utile » pour s’adapter au monde 2.0 !

Jean Zay disait :

L’école ne doit pas s’adapter à la société, mais inspirer ce qu’elle doit devenir.

Elle doit redevenir une École de la République au service d’une société productive et qualifiée : accès pour tous aux savoirs fondamentaux (et non aux « compétences » exigées par les marchés), et véritable éveil des facultés créatrices et du caractère.

Pour S&P il faut :

  1. Rétablir les classes bilangues pour tous, les options langues latine et grecque. Redonner leur place à l’enseignement de la géométrie plane et spatiale, de la grammaire en soi et de l’histoire littéraire. Enseigner les arts et la culture classique.
  2. Revaloriser de 20% le salaire des enseignants, rehausser le niveau de recrutement et de formation des maîtres, assurer un véritable suivi personnalisé des élèves en difficulté.

[1PISA - Program for International Student Assessment : compare les compétences de base des jeunes de plus de 15 ans dans les pays de l’OCDE.