Notre monde, vu d’ailleurs

vendredi 19 décembre 2025

Mettez-vous, ne serait-ce qu’un instant, dans la peau d’un président, d’un ministre ou de tout autre dirigeant important d’une nation du « Sud global », qui représente la majorité de l’humanité – soit un dirigeant actuel, soit un futur dirigeant, comme l’un des quelque 150 jeunes adultes d’une trentaine de pays de tous les continents, qui ont participé, le 14 décembre, au dialogue international des jeunes avec la fondatrice de l’Institut Schiller, Helga Zepp-LaRouche.

Que voyez-vous ? Vous voyez les États-Unis essayant de mettre fin à la guerre en Ukraine en tenant compte des intérêts de sécurité de toutes les parties. Mais en même temps, vous voyez une administration Trump sur le point de lancer un assaut militaire contre le Venezuela, déclarant ouvertement qu’elle compte saisir son pétrole (ce qu’elle a déjà commencé à faire en s’emparant de plusieurs pétroliers en mer des Caraïbes), alors qu’elle avait été élue pour « ne plus jamais » se lancer dans ce type de guerre de conquête.

Pire encore, Trump précise qu’il ne s’agit que de « reprendre » ce qui, de par sa nature géographique même, appartient de facto aux États-Unis et que les Vénézuéliens leur ont « volé »...

Rappelons qu’au XVIe siècle, l’Empereur d’Espagne, pour honorer sa dette, avait offert cette partie de son empire aux Welser, une dynastie de banquiers rapaces d’Augsbourg.Ce sont ces derniers qui lui donnèrent le nom de Venezuela (littéralement « petite Venise »), tellement ils la croyaient regorgeant de richesses faciles à exploiter.

Vous avez sans doute entendu parler de la nouvelle Stratégie de sécurité nationale (NSS) de l’administration Trump, publiée le 4 décembre, qui annonce son intention de chasser de « l’hémisphère occidental » la Chine et son initiative « la Ceinture et la Route » – pour commencer…

« Nous devrions tout mettre en œuvre pour chasser les entreprises étrangères qui construisent des infrastructures dans la région », proclame sans complexe le document, « en utilisant l’effet de levier américain dans la finance et la technologie pour inciter les pays à rejeter cette aide », tout en utilisant la puissance militaire, politique et financière des Etats-Unis pour « étendre l’accès américain aux minéraux et aux matériaux essentiels ».

Vous comprenez que, si ce corollaire à la Trump du colonialisme britannique est autorisé à prospérer dans l’hémisphère occidental, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie seront les prochaines cibles. Comme nous l’avons documenté sur ce site, le « plan de paix » de Trump pour Gaza, fidèle aux lubies des « Lumières noires », se résume essentiellement à la privatisation d’un territoire coupé du reste de la Palestine et géré comme une entreprise.
Maintenant, regardez autour de vous quels grands projets d’infrastructure les États-Unis ont aidé à construire en Amérique latine et dans les Caraïbes au cours des 20 dernières années. Vous n’en trouvez aucun.

Tournez alors les yeux vers la politique économique et de sécurité adoptée par la Chine et d’autres nations des BRICS et de l’Organisation de la coopération de Shanghai (OCS). Conscient que la Chine a sorti 850 millions de personnes de la pauvreté en 40 ans, vous vous demandez : « Si la Chine a pu le faire, pourquoi pas nous ? »

Dans cet esprit, le 10 décembre 2025, le gouvernement chinois a publié un document d’orientation qui propose

« la planification et la construction d’infrastructures dans les pays d’Amérique latine et des Caraïbes (ALC), afin d’améliorer la connectivité des infrastructures régionales ».

Ce document précise que la Chine contribuera à « faire bon usage de la technologie spatiale pour stimuler le développement scientifique, technologique et industriel des pays de l’ALC », leur offrant « une participation active au programme spatial habité de la Chine et des missions d’exploration lunaire et spatiale ». Un soutien spécial « sera accordé aux jeunes scientifiques » et la réduction de la pauvreté sera un objectif central de toutes les activités chinoises dans la région. Le document stipule également que « la Chine continuera à fournir une aide au développement aux pays de l’ALC sans la soumettre à aucune condition politique » (contrairement aux « conditionnalités » imposées par le FMI et Wall Street), et propose même de « mener dans les pays de l’ALC une coopération trilatérale au développement avec les pays concernés en dehors de la région » – une main tendue aux États-Unis et à l’Europe pour se joindre à ces politiques gagnant-gagnant.

Considérez maintenant les grands projets d’infrastructure que les Chinois ont soit construits, soit proposé de lancer en Amérique latine et dans les Caraïbes :

  • le méga-port de Chancay au Pérou, actuellement en service,
  • le complexe sidérurgique de minerai de fer et d’acier de Mutún en Bolivie,
  • la proposition de corridor ferroviaire bi-océanique reliant l’océan Atlantique et le Pacifique du Pérou au Brésil,
  • les projets de construction du Grand Canal interocéanique au Nicaragua
  • et de lignes ferroviaires à grande vitesse dans l’ensemble de l’Amérique centrale, notamment au Mexique, pour relier les villes de Mexico et de Querétaro, et à travers l’isthme de Tehuantepec, autant de connexions ferroviaires qui ont été annulées sous la pression de Wall Street et de Washington.

Enfin, vous regardez les jeunes Occidentaux, qui vivent des deux côtés de l’Atlantique, et vous vous demandez quand ils vont enfin sortir de leur torpeur individualiste collective et renouer avec le meilleur héritage de leurs pays respectifs afin de sortir de la géopolitique « ami-ennemi », en s’associant à la construction de la nouvelle architecture de sécurité et de développement international portée actuellement par le Sud planétaire.