Voilà le projet délirant que nous révèle Le Monde du 25 novembre ! Le fait que Donald Trump paraisse décidé à retirer les Etats-Unis du bourbier ukrainien n’a visiblement pas ramené nos gouvernants à la raison, en saisissant l’occasion pour reprendre le chemin de la table de négociations et en ouvrant la réflexion sur une nouvelle architecture de paix pour l’Eurasie et pour le monde, de façon à assurer la sécurité et le développement de tous les pays.
Comme il a été abondamment documenté, ce sont les Américains, puissance extérieure à l’Europe, qui ont, durant des années, poussé leurs « alliés » ukrainiens à se dresser contre la Russie, à coup de révolutions de couleur du type Maidan (2004 et 2014), puis, à partir de 2008, en leur ouvrant la porte d’entrée dans l’OTAN, ce qui mettrait la Russie à portée immédiate de ses armes nucléaires.
Par ailleurs, ainsi qu’ils n’ont cessé de nous le prouver, les Britanniques sont aujourd’hui l’acteur le plus belliqueux en Europe contre les Russes. La date du 9 avril 2022 restera à jamais gravée dans l’histoire de ce conflit, marquant le jour où le Premier ministre britannique Boris Johnson a débarqué à Kiev pour convaincre le président Zelenski de rejeter le traité de paix sur lequel Russes et Ukrainiens venaient de se mettre d’accord à Istanbul, et qui aurait mis fin au conflit. Aux termes de cet accord, l’Ukraine acceptait le statut de neutralité et l’abandon de la Crimée, mais pouvait, en revanche, rejoindre l’UE.
La guerre encore et encore !
Or, malgré les centaines de milliers morts et toutes les destructions et pertes économiques provoquées par presque quatre années de guerre, non seulement sur le front mais dans toute l’Europe, la France et la Grande-Bretagne, selon Le Monde, « n’excluent pas de prendre la tête d’une coalition militaire en Ukraine » si Donald Trump venait à lui retirer le soutien des Etats-Unis en janvier. Les fuites suggérant qu’il pourrait organiser un cessez-le-feu en Ukraine et geler la ligne de démarcation alimentent également ces spéculations funestes.
Alors que les propositions faites par Emmanuel Macron en janvier, appelant à déployer des troupes occidentales en Ukraine, avaient suscité une forte opposition, le débat, toujours selon Le Monde, a été « rouvert » suite à la visite du Premier ministre britannique Keir Starmer en France le 11 novembre, jour anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale. « Des discussions sont en cours entre le Royaume-Uni et la France sur la coopération en matière de défense, notamment en vue de créer un noyau dur d’alliés en Europe, centré sur l’Ukraine et la sécurité européenne au sens large », a confié une source militaire britannique au Monde.
Si le ministère français de la Défense et l’Élysée n’ont pas encore donné leur feu vert au déploiement de troupes conventionnelles ou de contractants privés, le quotidien affirme cependant que ces propositions sont sur la table depuis plusieurs mois. L’une d’entre elles concernerait la société française Défense Conseil International (DCI), principal opérateur du ministère de la Défense pour le suivi des contrats d’exportation d’armements français et le transfert du savoir-faire militaire qui s’y rattache. La DCI, qui forme déjà des soldats ukrainiens en France et en Pologne, serait prête à les former directement à Kiev. La France s’est également déclarée prête à assurer la maintenance des équipements français en Ukraine. Une entreprise britannique, Babcock International Group, déjà présente là-bas, a approché la DCI pour partager des installations à Kiev, et des travaux seraient « en cours » pour créer un site de soutien technique sur place.
Enfin, ces développements s’inscriraient dans le droit fil de la levée par l’administration Biden, le 9 novembre, de l’interdiction faite aux sociétés militaires privées de s’implanter en Ukraine. Les entreprises américaines peuvent désormais opérer ouvertement en Ukraine et assurer la maintenance des équipements militaires envoyés à Kiev à partir des stocks américains ou alliés, tels que les F-16 et les systèmes de défense antiaérienne Patriot.
Face à l’Ukraine, « le canon de l’arme sera européen »
Le Monde spécule sur les suites d’un cessez-le-feu en Ukraine. Selon le quotidien, les discussions franco-britanniques sont « un écho » au plan divulgué par trois fonctionnaires anonymes de l’équipe Trump au Wall Street Journal du 6 novembre, prévoyant qu’« après un cessez-le-feu, la ligne de front pourrait être sécurisée par une zone militarisée avec l’aide d’une force de maintien de la paix ». Cette force, précisent-ils, « ne comprendrait pas de troupes américaines ni d’éléments provenant d’un organisme international financé par les États-Unis », tel que l’OTAN. « Nous pouvons assurer la formation et d’autres formes de soutien, mais le canon de l’arme sera européen », a déclaré un membre de l’équipe Trump.
Selon Elie Tennenbaum, expert de l’Institut français des relations internationales (IFRI), « positionnés à l’Est de l’Ukraine, ces hommes ne seraient pas reliés à l’article 5 de l’OTAN, obligeant les membres à contre-attaquer en cas d’attaque - mais à un système de protection navale et aérienne, à définir ».
La question est de savoir qui dirigerait cette force. Pas l’Allemagne, très affaiblie par ses difficultés internes. La France et la Grande-Bretagne ? Les deux seules puissances nucléaires de l’Europe devraient ainsi jouer un rôle clé. Les pays baltes, la Pologne et les pays scandinaves « semblent également être des candidats incontournables », ajoute M. Tennenbaum. L’idée est qu’au final, l’Europe arrive « en force » à la table des négociations. « Nous devons pouvoir peser, rien n’est inéluctable », assure le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée française.
A quelques semaines du quatrième anniversaire du début de cette guerre, et avec un bilan de destructions inouï — des centaines de milliers de morts directes, des dizaines de milliards dépensés dans l’armement, des économies européennes exsangues à cause du renchérissement de l’énergie, payée quatre fois plus cher aux Etats-Unis du fait des sanctions américaines, sans compter les millions de faillites d’entreprises incapables d’assumer ces coûts (dont 66 000 rien qu’en France cette année), comment expliquer ce suivisme européen vis-à-vis des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne ?
Comment expliquer ce déni de réalité, face à une situation qui peut nous entraîner à tout moment dans une guerre mondiale et nucléaire ? Comment expliquer ce manque de courage pour dire : « Arrêtons la guerre » ?