Paix mondiale : l’importance du Pakistan

mercredi 23 mars 2022

Chronique stratégique du 23 mars 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le Premier ministre pakistanais Imran Khan a appelé mardi les pays à majorité musulmane à contribuer à mettre fin à la guerre en Ukraine, en encourageant notamment la Chine à jouer un rôle de médiateur. Une attitude qui en irrite plus d’un à Washington et à Londres...

Le Pakistan à l’initiative de la paix

Le Premier ministre pakistanais s’est exprimé lors de la 48e session annuelle du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui se tient à Islamabad les 23 et 24 mars, et accueille pour la première fois le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, en tant qu’invité spécial.

Devant les 57 membres de l’Organisation, Imran Khan a prévenu que le monde se dirigeait dans une très mauvaise direction, avec une nouvelle logique de guerre froide, un monde divisé en blocs dans lequel les 1,5 milliard d’habitants des pays de l’OCI n’auront pas leur place. La guerre en Ukraine « pourrait avoir de lourdes conséquences pour le monde », a-t-il souligné, alors que le reste de la planète « souffre déjà » de la flambée des prix du pétrole, du gaz et du blé. Khan a ainsi exhorté les pays membres à « jouer un rôle de médiateur, à essayer d’instaurer un cessez-le-feu et de mettre fin au conflit ».

La présence de Wang Yi démontre l’influence croissante de la Chine parmi les pays de l’OCI, ainsi que la volonté de l’organisation islamique d’ignorer les accusations d’attaques généralisées des autorités chinoises contre la minorité musulmane des Ouïghours, qui sont colportées par la National Endowment for Democracy (NED), les réseaux de George Soros et leur supplétifs dans les médias occidentaux.

A lire aussi

La question du Xinjiang et des Ouïghours

Bien qu’il ait fait de la lutte contre l’islamophobie une priorité absolue, Imran Khan a en effet refusé de condamner la Chine pour les allégations d’abus contre les Ouïghours. De plus, le Pakistan s’est pleinement engagé dans le projet des Nouvelles Routes de la soie porté par la Chine, en lançant la construction du corridor Chine-Pakistan, un projet routier et énergétique de plusieurs milliards de dollars qui reliera le port de Gwadar, sur la mer d’Arabie, à la Chine, dans le nord du pays.

Tout cela suffit, du point de vue des impérialistes anglo-américains, à faire d’Imran Khan une persona non grata ; et ce n’est certainement pas un hasard si une tentative de déstabilisation politique intérieure se manifeste dans ce contexte, avec le vote d’une motion de censure qui doit se tenir ce lundi 28 mars — une manœuvre qui pourrait bien provoquer sa chute, étant donné qu’il a perdu la majorité au Parlement.

Le Guardian rapporte d’ailleurs que l’entourage proche du Premier ministre pense que ce vote de défiance « fait partie d’une conspiration des puissances étrangères, et même de la CIA, pour renverser son gouvernement, qui n’est plus disposé à soutenir les actions de l’Occident et de l’OTAN comme ils l’ont fait pendant la ‘guerre contre le terrorisme’ ».

L’Institut Schiller sollicité par les médias pakistanais

Il est intéressant de noter que, dans ce contexte, les médias pakistanais ont jugé utile d’accorder la parole aux représentants de l’Institut Schiller, en premier lieu à sa fondatrice et présidente Mme Helga Zepp-LaRouche, et, pour la France, à Karel Vereycken, le directeur de publication de notre mensuel Nouvelle Solidarité.

Interviewée par la chaîne pakistanaise publique PTV, Helga Zepp-LaRouche a salué l’initiative du Premier ministre pakistanais Imran Khan évoquée plus haut. Elle a ensuite souligné que l’Islam a un rôle à jouer en participant à un dialogue spécial en tant que l’une des trois religions abrahamiques, et en tant que force potentielle pour la paix, comme l’illustrent les efforts proposés par l’OCI et la Chine pour mettre un terme pacifique au conflit militaire en Ukraine. Elle a également dénoncé la thèse du « Choc des civilisations » promue par Samuel Huntington, et le remplacement, après la chute de l’Union soviétique, d’un conflit Est-Ouest par un conflit Nord-Sud, du christianisme contre les autres religions.

Mercredi matin, Karel Vereycken a été invité, en tant que contributeur à l’Institut Schiller, à participer à un débat de 45 minutes sur la réunion de l’OCI, également sur la chaîne PTV. Alors que le journaliste lui demandait s’il n’était pas grand temps, en France ou ailleurs, de respecter le sentiment de 1,9 milliard de musulmans, Vereycken a répondu : « Au-delà des questions locales et particulières, le Premier ministre pakistanais a su aborder les enjeux globaux. Car, si vous prenez le FMI, le G20, les BRICS, le G7, etc., vous vous rendez compte que l’ensemble du monde arabo-musulman est sous-représenté. Nous vivons toujours dans l’ordre international de l’après-guerre, qui était dominé en grande partie par des puissances coloniales ou des puissances qui pensaient avoir besoin d’un contrôle impérial sur les affaires mondiales. Donc l’urgence d’aujourd’hui pour le monde qui vient, c’est d’avoir des institutions qui ne représentent pas le passé, mais l’avenir de l’ordre mondial multilatéral d’aujourd’hui ».

La France, a poursuivi Vereycken, a quant à elle connu une longue période de guerres de religion, entre protestants et catholiques, un conflit qui a été résolu par Henri IV, un bon roi français ; puis vint la guerre de Trente Ans en Europe, qui prit prétexte de la religion, mais qui fut en réalité orchestrée par des intérêts financiers. Elle s’est terminée par la paix de Westphalie de 1648, qui a été acceptée sur la base de la reconnaissance de ’l’avantage d’autrui’, qu’il faut chérir autant que son propre intérêt. Cette idée est très inspirante pour aujourd’hui, et l’Institut Schiller, dans sa prochaine conférence, développera cette idée de la paix de Westphalie, de l’avantage d’autrui, du respect mutuel et de la coopération commune pour la paix internationale. Si la paix se résume à de belles paroles, elle échouera.

Nous vous encourageons, chers lecteurs, à signer et à faire circuler l’appel de l’Institut Schiller à convoquer une conférence internationale afin d’établir une nouvelle architecture de sécurité et de développement pour toutes les nations.